(Répétition sans changement d'une dépêche diffusée vendredi)

* La volatilité des devises reflète les tensions commerciales

* La dynamique microéconomique soutient les actions

* La guerre commerciale s'offre une trêve bien fragile

* BCE, PIB américain et avalanche de résultats en vue

par Patrick Vignal

PARIS, 23 juillet (Reuters) - Si les actions tirent encore leur épingle du jeu, le temps se gâte en revanche sur le marché des changes avec un net regain de volatilité alourdissant un climat de marché plombé par le bras de fer commercial entre les Etats-Unis et la Chine.

Les devises avaient pourtant été épargnées lors de la correction observée en février sur les obligations puis sur les actions, leur volatilité implicite restant très basse malgré les turbulences sur les autres classes d'actifs.

"Etrangement, les taux de change, qui sont pourtant la variable d'ajustement lors de crises, étaient restés redoutablement stables", relève Stéphane Déo (LBPAM).

Tel n'est plus le cas puisque le dollar a progressé de 7,5% depuis ses plus bas de l'année et vient de renouer avec ses niveaux de l'été dernier face à un panier de devises de référence.

La devise américaine, dont la hausse reflète la normalisation monétaire en cours aux Etats-Unis et la bonne santé de l'économie américaine, assume en outre un rôle de valeur refuge dans un climat perturbé par le bras de fer entre Washington et Pékin sur le front du commerce.

Le yuan chinois, lui, a perdu plus de 8% en un peu plus de trois mois, entraînant dans son sillage plusieurs devises émergentes et réveillant chez certains la crainte d'une dévaluation comme celle d'août 2015, qui avait entraîné des perturbations sur l'ensemble des marchés mondiaux.

Avec en prime un "bear market" boursier, la deuxième économie du monde traverse une période compliquée mais l'effet de contagion à l'échelle globale paraît toutefois beaucoup plus limité qu'il y a trois ans, soulignent plusieurs analystes.

La chute continue du yuan n'en alimente pas moins les craintes que l'opposition entre les deux premières économies du monde ne se déplace sur le terrain des changes, un scénario alimenté par les récentes déclarations de Donald Trump jugeant que la monnaie chinoise tombait "comme une pierre" et qu'un dollar fort desservait les Etats-Unis.

LES MARCHÉS S'ACCOMMODENT D'UN DRÔLE DE CLIMAT

Si l'on s'éloigne un peu des devises, les investisseurs paraissent s'accommoder plutôt bien d'un climat étrange, avec un pâle soleil qui brille encore sur les actions en attendant une tempête qui finira bien par arriver, mais peut-être pas tout de suite.

"Malgré le climat de guerre commerciale, les marchés financiers restent bien orientés", souligne Axel Botte, stratégiste chez Ostrum Asset Management.

Signe d'un été relativement serein jusqu'à présent, la saison des résultats trimestriels qui vient de s'ouvrir montre que les profits des entreprises continuent de croître, notamment aux Etats-Unis, où les avantages fiscaux accordés par Donald Trump ont favorisé les rachats d'actions.

Avant le petit coup de mou des derniers jours, le Nasdaq alignait les records et le S&P 500 se rapprochait du sien, l'indice qui mesure sa volatilité à venir demeurant pour sa part à proximité de ses creux historiques de l'an dernier.

Tout irait donc plutôt bien sans quelques gros nuages comme le tassement de la croissance dans la zone euro, les difficultés grandissantes de Theresa May dans le processus de sortie de son pays de l'Union européenne et, surtout, les coups d'éclat à répétition de l'homme fort de Washington.

"La déferlante protectionniste sans cesse alimentée par Donald Trump constitue l'un des principaux risques sur le cycle mondial", affirme Axel Botte, en faisant remarquer que Pékin semble calmer le jeu.

Le président américain, lui, ne montre aucune volonté d'apaisement. Bien au contraire puisque qu'il a répété vendredi dans un entretien à CNBC qu'il était prêt à imposer des droits de douane sur 500 milliards de dollars d'importations chinoises.

Les Bourses en Europe et les contrats à terme sur les indices de Wall Street ont aussitôt creusé leurs pertes, rappelant l'extrême sensibilité des marchés à cette thématique.

Les regards se tournent maintenant vers Washington, où le président de la Commission européenne s'entretiendra mercredi avec Donald Trump. Jean-Claude Juncker devrait notamment tenter de persuader le président américain de renoncer à sa menace de taxer les importations de voitures européennes, une tâche qui s'annonce ardue.

La croissance globale reste solide mais pourrait rapidement accuser le coup si les menaces sur le commerce mondial se concrétisaient, estime le Fonds monétaire international.

Dans leurs perspectives économiques d'été publiées lundi dernier, les économistes du FMI disent attendre toujours 3,9% de croissance mondiale cette année mais estiment que le protectionnisme pourrait coûter 0,5 point de produit intérieur brut (PIB) d'ici à 2020.

Dans ce contexte, les marchés suivront avec attention la première estimation, vendredi prochain, de l'évolution du PIB américain au deuxième trimestre.

LA COURBE DES TAUX NE CESSE DE S'APLATIR

Si les actions ont toujours le vent en poupe, même si certains gérants conseillent aux investisseurs de préparer déjà leurs portefeuilles aux turbulences à venir, des tensions se font sentir du côté des rendements obligataires.

La courbe des taux américaine ne cesse ainsi de s'aplatir, alimentant les craintes d'un basculement de la première économie mondiale dans la récession à plus ou moins brève échéance, même si certains estiment que cet indicateur a perdu de son caractère prédictif. .

Malgré tous ces remous, le président de la Réserve fédérale, Jerome Powell, reste d'un optimisme inébranlable : il vient de dire devant les deux chambres du Congrès américain qu'il tablait pour les Etats-Unis sur "plusieurs années" de croissance stable et d'inflation contenue.

La normalisation monétaire, considérée par les marchés comme le risque numéro un jusqu'à l'émergence des tensions commerciales, reviendra sur le devant de la scène jeudi avec la réunion de la Banque centrale européenne (BCE).

Celle-ci a déjà fait savoir qu'elle pensait arrêter son programme de rachats d'actifs à la fin de l'année et qu'elle ne toucherait pas à ses taux avant l'été 2019.

Avant l'été ou avant la fin de l'été ? Le débat fait rage sur les marchés et les membres de la BCE eux-mêmes seraient divisés, d'après des informations obtenues par Reuters.

La formulation retenue par la BCE ("through the summer") est suffisamment vague pour permettre plusieurs interprétations. On y verra peut-être un peu plus clair jeudi.

En attendant, les résultats trimestriels vont pleuvoir des deux côtés de l'Atlantique avec notamment au menu General Motors , Ford, AT&T, Alphabet, Amazon , Intel, Facebook et Exxon Mobil aux Etats-Unis et, en Europe, UBS, Deutsche Bank , Nestlé ou encore Daimler.

Ils devraient être plutôt bons dans l'ensemble mais les investisseurs surveilleront d'éventuels avertissements annonciateurs de cieux moins cléments, pas seulement sur les devises mais aussi sur les actions.

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(édité par Blandine Hénault)