Le match "Growth" / "Value" tourne à l'avantage des valeurs de croissance depuis longtemps déjà, que l'on se positionne sur 10, 5, 3 ou 1 ans. Pour vous en persuader, jetez un coup d'œil à cet article récent qui mesure les performances des deux compartiments dans le S&P500. Depuis quelques jours, le marché bruisse pourtant de la rumeur d'un retour en grâce du style "Value", après quelques signes avant-coureurs d'une rotation des actifs vers les secteurs les plus décotés par rapport à leurs ratios historiques.

Est-ce un feu de paille ou les prémices d'un inversement majeur de stratégie ? Telle est la seule et unique question qui intéresse les investisseurs. "Prendre position contre le style Value fonctionne depuis un bon moment, mais je pense que le renversement récent s'appuie sur de solides arguments, indépendamment des conditions de marché", explique le patron de la stratégie européenne de la banque Barclays. Emmanuel Cau pense que les valeurs de croissance sont plus vulnérables aux mauvaises nouvelles, d'abord parce qu'elles sont plébiscitées (surexposition des investisseurs) ensuite parce qu'elles sont richement valorisées. Si cette tendance se confirme, l'Europe devrait en profiter puisque la paire Europe / Etats-Unis est souvent perçue comme synonyme de Value / Growth, "ce qui explique la différence de performance, de valorisation et de positionnement entre les deux régions", selon Cau.

Il faut ici souligner que la stratégie Value fonctionne aussi en période de croissance économique. Sur le graphique qui suit, on constate, Barclays le souligne, que la période 2003/2007 avait été marquée par une nette surperformance du style Value. Depuis la fin de la crise financière, le style Growth domine en revanche.

Barclays joue son intuition en misant sur des secteurs sinistrés. La banque met en avant :

  • L'Energie (surpondérer) : ses multiples sont au plus bas historique mais sa génération de cash-flow libre est robuste et sécurise les dividendes, tandis que le contexte pétrolier reste porteur. En se présentant comme une partie de la solution et non comme un problème à la transition énergétique, le secteur pourrait même redorer son blason et revenir en grâce, estime Barclays.
  • Les Utilités (surpondérer) : le secteur est le meilleur marché de toutes les valeurs défensives. Il offre en outre un rendement moyen élevé.
  • Les Banques (pondération en ligne) : "nous restons fondamentalement peu enthousiastes sur les banques européennes", prévient Barclays, à cause des défis structurels et réglementaires auxquels elles font face. Mais les valorisations sont descendues si bas alors que les résultats et le retour sur capitaux ont tenu que le rapport entre le risque et le potentiel est forcément attirant, d'autant que le sentiment des investisseurs est au plus bas.

A l'inverse, fidèle à son sentiment, la banque est prudente sur trois autres secteurs de la catégorie "Croissance" :

  • La Consommation de Base (souspondérer) : c'est le compartiment qui pèse le plus lourd dans l'indice MSCI Growth Europe (environ 25,5% à fin août, avec Nestlé, Diageo, Unilever…) et le plus cher en matière de PER.
  • La Technologie (souspondérer) : le secteur est sous pression, au cœur de la guerre commerciale et des questions de sécurité nationale.
  • Les Biens d'Equipement (souspondérer) : le secteur se paie cher et toute actualité négative sur les indicateurs de confiance, la croissance ou la demande finale est susceptible de peser.

Barclays a montré un panier d'actions "Value" Européennes. Il comprend 30 valeurs issues de plusieurs compartiments. Cette séletction est très typée, mais elle peut donner des idées à ceux qui pensent que l'heure du changement de style est arrivée :