Berne (awp) - La Banque nationale suisse (BNS) a maintenu jeudi, sans surprise, le statu quo en matière de politique monétaire. Le président Thomas Jordan a répété que les taux négatifs, introduits il y a cinq ans, demeuraient toujours d'actualité pour protéger l'économie helvétique.

L'institut d'émission a conservé le taux d'intérêt appliqué aux avoirs à vue et le taux propre de la banque centrale helvétique à -0,75%.

La BNS a répété, comme lors de ses précédentes interventions, qu'"elle reste disposée à intervenir au besoin sur le marché des changes" en tenant compte de la situation pour l'ensemble des devises étrangères, selon un communiqué.

Dans un contexte de ralentissement conjoncturel mondial, "il demeure nécessaire de mener une politique monétaire expansionniste compte tenu des perspectives d'inflation en Suisse", a martelé la banque centrale helvétique.

La BNS suit ainsi la politique monétaire expansionniste des principales banques centrales. Mercredi soir, la Réserve fédérale américaine (Fed) a en effet décidé de faire une pause dans sa baisse des taux d'intérêt après trois replis d'affilée pour parer aux tensions commerciales et à la faiblesse de la croissance mondiale. Elle a par ailleurs signalé qu'elle pourrait laisser les taux inchangés en 2020.

La Banque centrale européenne (BCE), désormais dirigée par Christine Lagarde, doit quant à elle dévoiler en début d'après-midi ses décisions en matière de politique monétaire.

"Le franc est toujours surévalué et la situation sur le marché des changes demeure fragile", a averti le président de la BNS, Thomas Jordan, selon le texte de son discours.

Introduits début 2015 pour lutter contre une appréciation excessive de la devise nationale, les taux négatifs ont "déployé un effet considérable, contribuant à stabiliser rapidement la situation sur le marché des changes", a ajouté M. Jordan.

Selon le patron de l'institut d'émission, "le taux d'intérêt négatif est central pour notre politique monétaire". S'il venait à être supprimé, les placements en francs suisses deviendraient plus attrayants et feraient remonter la monnaie suisse. L'inflation deviendrait négative et la conjoncture ralentirait, a-t-il prévenu.

Les taux négatifs source de difficulté

M. Jordan a cependant admis que les taux négatifs étaient une "source de difficulté" pour les épargnants et les caisses de pension et que pour les banques le versement des intérêts négatifs à la BNS constituait "une charge".

Pour tenir compte des difficultés pesant sur les banques, l'institut d'émission a adapté en septembre la base de calcul pour le prélèvement auprès des banques commerciales de l'intérêt négatif. Ce montant est actualisé tous les mois.

Selon le président de la BNS, ce système a permis de diviser par près de deux les intérêts négatifs versés par les banques commerciales.

Répondant aux critiques du monde politique et de l'économie privée, Thomas Jordan a estimé que l'utilité des taux négatifs "l'emporte nettement sur son coût". Associés aux éventuelles interventions sur les marchés des devises, ces deux éléments sont actuellement "les instruments les plus appropriés pour garantir des conditions monétaires adéquates", a-t-il souligné.

Les marchés n'ont pas fait grand cas d'une annonce largement anticipée. Après un bref soubresaut à 09h30, l'indice vedette de la Bourse suisse, le SMI, a poursuivi sa légère progression avant de perdre ses gains à la mi-journée.

Les devises ont également été relativement insensibles à ces nouvelles. Le franc s'est légèrement raffermi face à l'euro dans la matinée, avant de se relâcher à 1,0938 EUR/CHF à la mi-journée.

Les économistes de Capital Economics ont rappelé que l'annonce du jour "n'a été une surprise pour personne". Cinq ans après avoir amené son taux directeur en territoire négatif, la BNS est bien partie pour les maintenir en dessous de zéro pour les cinq prochaines années, ont-ils estimé dans une note. La BNS pourrait même abaisser davantage ses taux dans le négatif à la mi-2020.

Pour les experts de Bantleon Bank, les déclarations de l'institut d'émission démontrent qu'il ne dispose plus que de peu de munition, le cantonnant à réagir aux décisions des autres banques centrales. Un relèvement des taux par la BCE ne semble envisageable qu'à partir du printemps 2021, date à partir de laquelle la BNS pourrait enfin relever ses propres taux directeur.

al/ck/jh/ol