Zurich (awp) - La BNS n'a pas suivi les grands instituts d'émission, en maintenant jeudi inchangés ses taux directeurs. Face aux critiques du secteur financier, elle a cependant lâché un peu de lest en adaptant la base de calcul pour le prélèvement de l'intérêt négatif auprès des banques.

Après le cocktail composé de rachats de dette et de baisse des taux annoncé jeudi dernier par la Banque centrale européenne (BCE) et l'assouplissement monétaire dévoilé mercredi par la Réserve fédérale américaine (Fed), la Banque nationale suisse a opté pour le statu quo.

Le taux appliqué aux avoirs à vue demeure fixé à -0,75%, alors que le taux directeur de l'institut d'émission, introduit en juin, est maintenu à un niveau identique.

Comme lors des dernières interventions, la banque centrale suisse a réitéré qu'elle restait "disposée à intervenir au besoin sur le marché des changes" pour empêcher une appréciation trop importante du franc, qui "s'inscrit toujours à un niveau élevé".

Constatant que "le contexte de taux d'intérêt bas à l'échelle mondiale s'est encore renforcé dernièrement et pourrait se poursuivre sur une plus longue période" et prenant acte des nombreuses critiques à son égard, la BNS a cependant fait un pas vers les banques.

L'institut d'émission dirigé par Thomas Jordan a annoncé qu'il adaptera la base de calcul pour le prélèvement auprès des banques commerciales de l'intérêt négatif sur les avoirs qu'elles déposent à la BNS - et qui dépassent un certain montant exonéré - dès le 1er novembre.

Un soulagement pour les banques

Le montant sera actualisé tous les mois, l'adaptation devant conduire à une augmentation du montant exonéré pour les banques, a estimé la BNS, ajoutant que "la charge que représente le taux d'intérêt négatif doit être limitée au strict minimum".

Ces ajustements devraient soulager les banques, qui peinent depuis l'introduction en 2015 des taux négatifs. Selon les calculs de Raiffeisen, le taux effectif prélevé sur les avoirs à vue se situait au début de la mesure en moyenne à -0,3%, montant au fil du temps à -0,4%. La nouvelle méthode de calcul devrait ramener ce taux à -0,2%.

"Cela devrait certainement contribuer dans l'immédiat à limiter la volonté de transférer les taux négatifs aux clients des banques", a ajouté Raiffeisen dans un commentaire.

Pour Commerzbank, cette mesure "soulage les banques suisses, qui peinent depuis près de cinq ans sous le poids des taux négatifs".

Cette mesure ne satisfait cependant pas tout le monde. Selon l'Union syndicale suisse (USS), "en décidant aujourd'hui d'assouplir le taux négatif pour les banques, la BNS fait à nouveau preuve de faiblesse". La fédération "attend de la BNS qu'elle agisse avec plus de fermeté contre la surévaluation du franc suisse", tout en trouvant "des solutions à la problématique des taux négatifs dans l'AVS et les caisses de pension".

Quant aux organismes de prévoyance Asip, CAFP et VVS, ils demandent aux politiciens dans un communiqué commun "d'examiner d'urgence les conséquences (des taux négatifs sur le système de retraite) et de procéder aux modifications nécessaires".

En n'abaissant pas davantage les taux directeur, M. Jordan "a fait preuve de sang-froid", ont commenté les analystes de VP Bank. Selon ces derniers, la BNS ferait bien "de garder ses munitions limitées pour des crises plus sévères".

Si dans l'immédiat le franc - actuellement négocié autour de 1,097 EUR/CHF - n'a pas incité l'institut d'émission à agir, la conjoncture mondiale pourrait bien en décider autrement.

Croissance morose

L'OCDE a abaissé fortement ses prévisions de croissance pour l'économie mondiale en 2019 et 2020 en les ramenant à leur plus bas niveaux depuis la crise financière, en raison des incertitudes crées par la guerre commerciale, le Brexit et l'endettement privé.

La croissance mondiale devrait passer cette année à 2,9%, soit 0,3 point de moins que lors des dernières prévisions de mai, et devrait rester pratiquement stable à 3% en 2020 (-0,4 point par rapport à la projection de mai).

Prenant acte de ce ralentissement, la BNS a également raboté ses propres prévisions pour l'économie suisse. Elle table désormais sur une croissance entre 0,5% et 1% cette année, contre "environ" 1,5% attendu en juin.

La nouvelle prévision d'inflation conditionnelle est elle aussi plus basse que celle de juin, en raison de l'affaiblissement des perspectives de croissance et d'inflation à l'étranger et de l'affermissement du franc.

Pour l'année en cours, elle s'inscrit à 0,4%, contre 0,6% anticipé au trimestre précédent. En 2020, la BNS s'attend désormais à un taux d'inflation de 0,2%, au lieu de 0,7%. En 2021, il est estimé à 0,6%, contre 1,1%, des taux bien éloignés de l'objectif d'une inflation autour de 2%.

al/ck