Berne (awp) - La Banque nationale suisse (BNS) a maintenu jeudi, sans surprise, le cap de sa politique monétaire expansive, en raison des risques politiques en Europe et des incertitudes planant sur le commerce mondial. L'institut d'émission a cependant averti des déséquilibres planant sur le secteur de l'immobilier de rendement.

Une semaine après la décision de la Banque centrale européenne (BCE) de ne pas bouger sur ses taux directeurs, la banque centrale suisse en a fait de même. Le taux d'intérêt appliqué aux avoirs à vue est resté vissé à -0,75%, tout comme la fourchette de fluctuation du Libor à trois mois en francs suisses qui a été maintenue entre -1,25% et 0,25%, où il se trouve depuis janvier 2015.

Le Libor à trois mois en franc sert de taux de référence pour les prêts en Suisse et à l'étranger. Les avoirs à vue détenus auprès de la BNS par les banques commerciales servent quant à eux au trafic des paiements en francs suisses.

Le garant de la stabilité monétaire a réaffirmé sa disposition à intervenir sur le marché des changes en cas de nécessité, le franc s'inscrivant "toujours à un niveau élevé". "Ces mesures permettent de maintenir à bas niveau l'attrait des placements en francs suisses et de réduire les pressions exercées sur notre monnaie," a souligné Thomas Jordan, président du directoire la BNS.

Incertitudes politiques

L'institut d'émission a évoqué "les incertitudes politiques en Italie" qui ont pesé sur le franc et justifient l'approche prudente et toujours expansionniste de la BNS. "Dans un avenir proche, il n'y a pas lieu à un changement de politique monétaire", a précisé M. Jordan dans un entretien à AWP Vidéo.

Interrogé sur l'annonce le 14 juin par la BCE qu'elle maintiendra ses taux au plus bas "au moins au long de l'été 2019", le patron de la BNS a renvoyé au mandat de la banque centrale helvétique qui est d'assurer la stabilité des prix. "Mais bien entendu, nous devons considérer l'évolution internationale", a-t-il ajouté.

Face à une situation économique globalement solide, elle n'a également pas bougé sur ses prévisions de croissance. La BNS a maintenu sa prévision de progression du produit intérieur brut (PIB) helvétique à "environ 2%".

Dans un contexte conjoncturel favorable, l'utilisation des capacités de production s'est encore améliorée, laissant l'institut d'émission augurer d'une baisse du chômage, à 2,4% en mai. En matière d'accélération des prix, les économistes de la banque centrale ont par contre relevé de 0,3 point à 0,9% leur attente d'inflation pour cette année. Pour 2019, elle reste inchangée à 0,9% et en 2020 l'inflation devrait s'établir à 1,6%, contre 1,9% dans les précédentes estimations.

Pour les analystes, ces annonces ont été sans surprise en matière de politique monétaire. Credit Suisse table ainsi sur un premier resserrement des taux au premier trimestre 2019. Pour la BNS, le franc "demeure l'élément déterminant de sa politique monétaire".

L'immobilier, autre épine dans le pied de la BNS

Les spécialistes de la banque aux deux voiles ont par contre été étonnés de l'abaissement des prévisions d'inflation en 2020, qui va à l'encontre de leurs projections et de celles de la BCE. Capital Economics va encore plus loin, estimant que la BNS n'agira pas sur les taux avant 2020, au vu de l'instabilité sur le marché du change et des incertitudes politiques dans la zone euro. "Il n'y a aucun signe démontrant que la BNS considère normaliser sa politique ultra-accommodante dans un proche avenir", ont-ils estimé.

Les marchés n'ont pas réagi dans l'immédiat à ces annonces. L'indice vedette SMI de la Bourse suisse se dépréciait cependant en cours de journée, tiré à la baisse par Wall Street. Le franc s'est par contre apprécié face à l'euro, la monnaie unique passant de 1,1515 franc vers 9h00 à 1,1481 franc à 11h00.

Le franc n'est cependant pas le seul élément de préoccupation de la BNS. L'immobilier et le secteur hypothécaire sont également surveillés de près. Face aux risques dans ce domaine, l'institut d'émission a indiqué "envisager" des mesures ciblées pour réguler davantage les prêts accordés à l'investissement résidentiel.

Les mesures prises par les régulateurs helvétiques en 2012 et 2014 ont permis de contenir ces déséquilibres notamment pour les propriétaires, mais les risques se sont accrus dans le secteur de l'investissement résidentiel, où le danger de correction des prix "a considérablement augmenté", a averti la BNS.

En cas de persistance des taux bas, ces risques pourraient encore s'accumuler, les banques étant tentées d'accorder plus de crédits hypothécaires pour contrer la pression sur leurs marges et la rentabilité.

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