Zurich (awp) - Les taux négatifs ne sont "ni efficaces, ni nécessaires", a estimé l'Association suisse des banquiers (ASB) dans une étude sur cet instrument de politique monétaire. Pour la faîtière, il est temps d'effectuer un examen critique de cette mesure, a-t-elle indiqué jeudi.

En place depuis bientôt cinq ans, les taux négatifs sont décriés par la faîtière, qui les accuse d'être devenus "la nouvelle norme", alors qu'ils avaient été adoptés plutôt comme une mesure d'urgence. "Les taux négatifs devraient être une mesure de politique monétaire exceptionnelle et temporaire", affirme les auteurs du rapport.

Certes cet outil a permis de limiter la demande pour le franc suisse, concède la faîtière. Toutefois, la monnaie helvétique n'est désormais plus surévaluée et les prix sont stables, affirme-t-elle, jugeant par conséquent qu'ils n'ont plus lieu d'être.

"Les expériences des dernières années en Suisse, en zone euro et au Japon ont montré que les objectifs pouvaient être tout juste atteints, et ce, malgré une politique monétaire extraordinairement expansive". Les auteurs mettent ainsi en doute l'affirmation selon laquelle l'inflation serait encore plus faible sans les taux négatifs et rappellent que "la phase d'inflation négative de 2011 à 2016 a été surmontée avec une remontée des prix à la consommation depuis 2017".

L'économie suisse, très dépendante du commerce extérieur s'est par ailleurs remise du renchérissement du franc. Les exportations de biens ont gagné 5% annuellement sur les deux dernières années et les produits chimiques et pharmaceutiques pèsent pour plus de la moitié des exportations helvétiques. Or, cette catégorie de produits est peu sensible aux variations de taux de change, soulignent les spécialistes. Le tourisme a également repris des couleurs, tandis que l'immobilier et le bâtiment ont profité des taux bas.

Les banques souffrent

La finance est "la seule branche significative" de l'économie à avoir essuyé un repli de sa contribution au PIB suisse, 11% moins élevée aujourd'hui qu'il y a dix ans. En 2018, la BNS a engrangé environ 2 milliards de francs suisses via les taux négatifs, "en grande partie versé par les banques", remarque August Benz, directeur suppléant de l'ASB.

"Les taux négatifs sont une raison fondamentale du faible résultat des services financiers", affirme l'étude.

L'ASB termine son argumentaire en insistant sur les "dommages collatéraux" des taux négatifs. Les effets rebonds de cette politique monétaire pèsent en effet sur de nombreux secteurs, provoquant des déséquilibres sur le marché immobilier, accentuant les difficultés pour les établissements de prévoyance et encourageant à la prise de risques, soulignent les auteurs.

"Il est perçu comme plus rentable d'investir dans un bâtiment qui sera possiblement vide que de détenir du cash ou des obligations", expliquent les spécialistes, qui accusent les taux négatifs de provoquer une "allocation inappropriée" des ressources dans l'économie.

Du point de vue des caisses de retraite, les taux négatifs posent également de grandes difficultés, les obligeant à prendre plus de risques dans leurs investissements afin de dégager le rendement théorique exigé pour maintenir le taux de couverture. Chaque année, les établissements de prévoyance doivent verser 400 millions de francs suisses pour les taux négatifs.

"Cela a des conséquences sociales et économiques, en particulier pour les retraités d'aujourd'hui et de demain", a prévenu M. Benz.

"L'environnement des taux négatifs provoque une incertitude générale", résument les auteurs. La croissance obtenue via les taux négatifs n'est en effet pas durable, dans la mesure où cela encourage au surinvestissement et au surendettement.

Les conditions justifiant les taux négatifs ne sont plus réunies, conclut le rapport, qui a vocation à "ouvrir le débat" mais pas à donner des conseils à la BNS, qui doit rester indépendante.

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