ROME (awp/afp) - La Mostra de Venise s'ouvre mercredi avec de nombreuses stars attendues, mais alors que des voix s'élèvent pour critiquer le faible nombre de réalisatrices en compétition et la sélection des cinéastes controversés tels que Roman Polanski et Nate Parker.

La Mostra, plus ancien festival de cinéma au monde et rampe de lancement pour les Oscars, proposera 21 longs-métrages en compétition pour le célèbre Lion d'Or. Il sera décerné le samedi 7 septembre sur le Lido par un jury présidé par la réalisatrice argentine Lucrecia Martel.

Les acteurs Robert De Niro, Brad Pitt, Johnny Depp, Kristen Stewart, Scarlett Johansson, Gong Li, Penélope Cruz ainsi que le rocker Mick Jagger seront au générique d'un festival qui fera la part belle aux stars, aux grosses productions hollywoodiennes et aux réalisateurs attendus.

Il s'ouvrira mercredi avec les vedettes françaises Catherine Deneuve et Juliette Binoche, à l'affiche de "La Vérité" du Japonais Hirokazu Kore-Eda, Palme d'or à Cannes en 2018 pour "Une affaire de famille".

Côté américain, Brad Pitt viendra promouvoir le film de science-fiction "Ada Astra" de son compatriote James Gray. Joaquin Phoenix et Robert De Niro seront présents pour le très attendu "Joker" de Todd Phillips, qui explore les origines du célèbre adversaire de Batman, et Meryl Streep pour "The Laundromat" de Steven Soderbergh, sur l'affaire des Panama Papers.

Pour les Français, Olivier Assayas foulera le tapis rouge grâce à "Wasp Network" avec Penélope Cruz, sur l'histoire vraie de cinq espions cubains pendant la période castriste, et Robert Guédiguian avec "Gloria Mundi", où jouent ses acteurs fétiches Ariane Ascaride et Jean-Pierre Daroussin.

Au milieu de cette affiche prometteuse, la présence de deux seules réalisatrices en lice - la Saoudienne Haifaa Al-Mansour avec "The Perfect Candidate", et l'Australienne Shannon Murphy avec "Babyteeth" - après une seule l'an dernier, a fait grincer les dents des féministes.

Et ce d'autant que le Festival de Cannes a sélectionné cette année quatre réalisatrices en compétition, et la Berlinale sept. La Mostra, elle, avait déjà été critiquée pour son faible nombre de femmes l'an dernier.

"Sourd"

Autre sujet qui a commencé à faire couler beaucoup d'encre: la présence en compétition de "J'accuse", le dernier film du réalisateur franco-polonais Roman Polanski, thriller historique sur l'Affaire Dreyfus avec Jean Dujardin.

Une sélection qui passe mal, alors que le cinéaste de 86 ans, exclu de l'Académie des Oscars l'an dernier, est toujours poursuivi par la justice américaine pour le viol d'une adolescente en 1977.

"Un violeur. Deux femmes réalisatrices en compétition. Qu'est-ce que j'ai raté d'autre?", a tweeté après l'annonce de la sélection fin juillet la fondatrice du groupe de pression Women and Hollywood, Melissa Silverstein, pour qui le Festival "est complètement sourd aux questions liées à #MeToo et Time's Up".

"C'est comme s'ils appréciaient d'être le dernier des dinosaures", a renchéri la réalisatrice Laura Kaehr, coprésidente de l'association suisse SWAN (Swiss Women's Audiovisual Network), citée par le magazine américain The Hollywood Reporter.

Le directeur de la Mostra, Alberto Barbera, a tenté de défendre son choix. "Nous sommes là pour voir des oeuvres d'art, pas pour juger la personne qui est derrière", a-t-il plaidé fin juillet auprès du Hollywood Reporter.

Mais il a du mal à convaincre, d'autant que la Mostra a annoncé, depuis, la présence dans une section parallèle d'"American Skin", le nouveau film du réalisateur américain de "The Birth of a Nation", Nate Parker, acquitté en 2011 du viol d'une étudiante. Cette affaire avait pris de l'ampleur en 2016 après la révélation du suicide de cette dernière.

La Mostra a également décidé de montrer hors compétition une version inversée du très sulfureux "Irréversible" de Gaspar Noé. Un choix critiqué par certains, alors que ce film, qui raconte une vengeance après un viol insoutenable de dix minutes, avait fait scandale à Cannes en 2002.

Mais le Festival, lui, fait valoir que cette sélection sera marquée par une réflexion sur la condition féminine. Plusieurs longs métrages en compétition, "révèlent une nouvelle sensibilité, même lorsqu'ils sont réalisés par des hommes", a souligné Alberto Barbera.

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