par Dominic Evans

BEYROUTH, 10 mars (Reuters) - L'émissaire de l'Onu et de la Ligue arabe, Kofi Annan, rencontre samedi le président Bachar al Assad pour tenter de trouver une solution politique au conflit qui dure depuis un an en Syrie et a fait plusieurs milliers de morts.

Cette venue de l'ancien secrétaire général des Nations unies n'a pas convaincu l'armée syrienne de ralentir sa répression puisque qu'au moins 68 personnes ont été tuées vendredi alors que les militaires étendent leur contrôle sur Homs et tentent d'écraser l'opposition armée à Idlib dans le nord du pays.

Kofi Annan a appelé jeudi à l'ouverture d'un dialogue entre le régime d'Assad et l'opposition, mais les opposants ont rétorqué que cela reviendrait à donner du temps aux forces gouvernementales pour les écraser.

"Nous rejetons tout dialogue tant que les chars bombardent nos villes, que les tireurs embusqués abattent nos femmes et nos enfants et que de nombreuses régions sont coupées du reste du monde par le régime, privées d'électricité, de communications et d'eau", a réagi Hadi Abdallah, un activiste de Homs.

En ce vendredi de grande prière hebdomadaire et pour marquer le huitième anniversaire d'un soulèvement kurde réprimé dans le sang dans le nord-est de la Syrie, l'opposition entendait au contraire maintenir la pression sur le régime au moment où celui-ci montre de timides signes de divisions.

Les opposants ont raconté que des tirs d'obus de chars et de mortier sur les quartiers encore tenus par l'opposition à Homs ont fait 20 morts tandis que 24 personnes ont péri à Idlib et que des victimes ont été signalées dans plusieurs autres endroits de la Syrie.

Après son déplacement mercredi à Homs, où elle s'est dite "anéantie" par l'ampleur des destructions, la secrétaire générale adjointe de l'Onu chargée des affaires humanitaires, Valerie Amos, a visité un camp de réfugiés syriens en Turquie.

Elle a annoncé à Ankara que le gouvernement syrien avait accepté de s'associer à une "évaluation limitée" de la situation en Syrie, mais demandé un délai pour répondre à sa demande d'"accès illimité" aux zones touchées par les combats.

Près de 30.000 Syriens sont réfugiés en Turquie, au Liban et en Jordanie. Douze mille d'entre eux sont enregistrés dans les camps établis dans la province turque de Hatay (sud-ouest), dont 800 au cours de la semaine écoulée, un chiffre en augmentation depuis la chute de Bab Amro, selon un fonctionnaire du ministère turc des Affaires étrangères.

ANNAN DOIT CONVAINCRE MOSCOU

La Chine a annoncé vendredi l'envoi d'un nouvel émissaire dans la région. L'assistant du chef de la diplomatie chinoise, Zhang Ming, se rendra en Arabie saoudite et en Egypte du 10 au 14 mars, puis en France du 14 au 16 mars pour évoquer le dossier syrien, a déclaré un porte-parole du ministère des Affaires étrangères.

Zhang Ming "discutera de la question syrienne avec les responsables de la Ligue arabe et d'autres pays pour tenter de trouver une résolution juste et adaptée" avant de tenir des "consultations" en France, a précisé Liu Weimin lors d'un point presse quotidien. (voir )

Les ministres des Affaires étrangères de l'organisation panarabe doivent avoir des entretiens au Caire avec leur homologue russe Sergueï Lavrov, après le veto opposé par la Russie et la Chine à une résolution du Conseil de sécurité demandant la mise à l'écart d'Assad pour résoudre la crise.

La Russie, alliée de longue date du régime syrien, dont elle est le principal fournisseur d'armes, rechigne à lâcher Assad. "Nous ne soutiendrons aucune résolution qui ouvrirait la porte à l'usage de la force contre la Syrie", a twitté jeudi le vice-ministre russe des Affaires étrangères.

Un diplomate russe est allé plus loin, jeudi, en endossant, lors du forum humanitaire sur la Syrie organisé au siège de l'Onu à Genève, la version officielle syrienne du conflit selon laquelle les forces gouvernementales combattent plus de 15.000 "terroristes" étrangers liés à Al Qaïda.

Moscou pourrait pourtant jouer un rôle crucial pour mettre fin au bain de sang en poussant Bachar al Assad à quitter le pouvoir, estime le centre de réflexion International Crisis Group, selon lequel c'est dans ce domaine que Kofi Annan a une carte à jouer.

"Si (Annan) arrive à convaincre la Russie de soutenir un plan de transition, le régime (syrien) n'aura d'autre choix que de négocier de bonne foi ou de se retrouver presque totalement isolé après la perte d'un allié clé", estime l'organisation basée à Bruxelles dans un rapport publié cette semaine. (Tangui Salaün, Guy Kérivel et Pierre Sérisier pour le service français) ;))