Berlin (awp/afp) - Objectif rentabilité: l'industriel allemand Siemens, déjà largement bénéficiaire, a détaillé jeudi à ses employés un vaste plan de restructuration qui menace des milliers d'emplois dans le secteur énergétique, en pleine transition.

La direction a indiqué à l'AFP qu'elle communiquerait dans l'après-midi alors que le Wall Street Journal, citant des sources proches du dossier, affirme que le groupe, qui emploie 351.000 salariés, veut supprimer 4.000 postes.

La branche énergie du conglomérat, qui produit aussi bien des turbines à gaz, des éoliennes que des locomotives, avait déjà été réduite lors d'un vaste plan de restructuration du groupe en 2013.

Mais Joe Kaeser, à la tête d'un groupe qu'il a transformé à marche forcée depuis quatre ans pour redresser ses marges, a annoncé jeudi dernier de nouvelles "coupes douloureuses".

"Nous devons nous attaquer aux difficultés structurelles de certaines activités", a-t-il glissé sans précision, préférant détailler l'année "record" de Siemens: un bénéfice net de 6,2 milliards pour son exercice décalé 2016-17, en hausse de 11% sur un an, et 83 milliards d'euros de chiffre d'affaires.

Après des semaines de rumeurs au sein du groupe munichois, Joe Kaeser a tenu jeudi matin un comité d'entreprise pour exposer à ses salariés les détails de son plan, assurant faire tout son possible pour "atténuer ce coup" avec, par exemple, des requalifications et réaffectations de salariés plutôt que des licenciements secs.

- Extrême-droite -

Le géant allemand a déjà annoncé début novembre la suppression de 6.000 emplois au sein de sa coentreprise leader mondial de l'énergie éolienne, Siemens-Gamesa, en raison d'une baisse des ventes. Selon le journal Manager Magazin, Siemens envisage désormais la fermeture de 11 de ses 23 sites mondiaux de production électrique, qui emploient au total 30.000 personnes, dont 12.000 en Allemagne.

La direction du personnel de Siemens envisage une coupe "à quatre chiffres", principalement en Allemagne, a estimé le plus grand syndicat allemand de l'industrie, IG Metall.

Sur la liste des sites menacés se trouverait la principale usine du groupe, la célèbre "Dynamowerk" de Berlin, d'où est partie l'aventure Siemens au début XXe siècle, une immense bâtisse de briques rouges où travaillent aujourd'hui 11.000 salariés.

D'autres usines sont sur la sellette, principalement dans l'est du pays, une zone déjà sinistrée économiquement et un terreau électoral de choix pour l'extrême droite allemande.

La ministre allemande de l'économie, la sociale-démocrate sur le départ Brigitte Zypries, a écrit au patron de Siemens pour le mettre en garde, relate le journal Bild.

"Cela peut nourrir le mécontentement et les doutes qui favorisent les développements politiques auxquels on a assisté aux dernières législatives ", dit-elle en référence au score historique du parti d'extrême droite AfD (Alternative pour l'Allemagne), qui a fait son entrée au Parlement allemand en octobre.

- 'Résistance créative' -

IG Metall a jugé plus généralement "irresponsable" de mettre à la porte des milliers d'employés alors que le groupe affiche des résultats positifs et s'était engagé au nom de la célèbre "Mitbestimmung" allemande - le principe de cogestion direction/salariés - à consulter les employés pour tout futur plan de licenciement.

"Siemens doit se préparer à un combat difficile", a averti le syndicat, qui annonce la tenue de manifestations d'ampleur devant les sites menacés et des "moyens de résistance créatifs", citant par exemple "le refus (d'effectuer) des heures supplémentaires".

Pour accompagner la transition énergétique allemande du nucléaire vers les énergies renouvelables, le groupe avait déjà sacrifié 15.000 postes en 2013, dont un tiers en Allemagne.

Siemens avait entrepris de recentrer ses activités, cédant l'électroménager et les réseaux télécoms, puis abandonnant le nucléaire et l'énergie solaire. L'allemand avait misé sur l'éolien, qui a connu des débuts bafouillants.

"Siemens est quand même censé pouvoir supporter certaines difficultés temporaires en attendant des solutions plus durables", déclare IG Metall.

Une capacité d'amortissement que n'a pas son principal concurrent en difficulté, l'américain General Electric, qui a annoncé lundi un vaste plan de restructuration visant à se recentrer sur trois activités (aéronautique, santé et énergie) et s'accompagnant de milliers de suppressions d'emplois à travers le monde.

afp/rp