PARIS, 16 mai (Reuters) - Quasi-absente des thèmes de la campagne des élections européennes, l'industrie tire la sonnette d'alarme, appelant jeudi à ce que la future commission fasse de ce secteur clef l'une de ses principales priorités au moment où les Etats-Unis et la Chine ont engagé une guerre commerciale dont l'Europe pourrait faire les frais.

La part de l'industrie n'a cessé de chuter depuis 20 ans au sein de l'Union européenne, passant de 19,6% à 15,9% du produit intérieur brut (PIB) de l'UE entre 1995 et 2015, selon une étude de l'Insee http://bit.ly/2JnVFpG.

"Nous appelons les futurs membres du Parlement européen à inscrire l'industrie au coeur de l'agenda politique de l'Union européenne et inviter la prochaine commission à présenter une stratégie de politique industrielle ambitieuse et cohérente", a déclaré lors d'une conférence de presse Philippe Varin, président de France Industrie et ancien président de PSA.

L'organisation, qui regroupe 21 organisations industrielles et les présidents des 40 plus grandes entreprises françaises, invite ainsi la future commission à combler le retard de l'Europe vis-à-vis de ses concurrents internationaux en portant le prochain budget européen de Recherche & Innovation (R&I) à 120 milliards d'euros (80 milliards précédemment) et en ciblant des technologies clefs comme les nanotechnologies, la microélectronique, les matériaux avancées, la photonique (systèmes optiques), les biotechnologies, l'intelligence artificielle ou encore la cybersécurité.

MOINS DE NAÏVETÉ EN MATIÈRE COMMERCIALE

France Industrie invite ainsi Bruxelles à être moins dogmatique sur les sujets de concurrence afin de favoriser l'émergence de leaders industriels européens.

"La Commission a fait dérailler beaucoup trop de projets", a observé Jean-Pierre Clamadieu, membre de France Industrie et président du conseil d'Engie, faisant directement allusion au veto de Bruxelles en février dernier au projet de rapprochement entre Siemens et Alstom dans le ferroviaire, suscitant l'incompréhension de Paris et Berlin.

Selon France Industrie, l'UE doit au contraire favoriser l'émergence de "champions" européens, en concentrant ses efforts sur neuf filières: la microélectronique, le calcul à haute performance, les batteries, l'hydrogène, la cybersécurité, l'"e-santé", les processus industriels bas carbone, l'internet des objets ou encore la mobilité autonome ou connectée.

Un premier chantier a été ouvert récemment par la France et l'Allemagne pour créer un "Airbus" des batteries, afin de réduire la dépendance des constructeurs automobiles européens aux fournisseurs coréens et chinois.

France Industrie plaide ainsi pour que les projets concernant ces neuf "chaînes de valeurs" stratégiques bénéficient du label "intérêt économique européen" (PIIEC), qui leur permet de recevoir des aides publiques, en dérogation aux règles actuelles de l'UE.

L'organisation invite également les futurs députés européens et la commission à manifester moins de "naïveté" en matière de politique commerciale et à contraindre des pays comme la Chine ou les Etats-Unis à faire preuve de "réciprocité", en particulier en ce qui concerne l'accès aux marchés publics.

Selon Philippe Varin, tout n'est pas négatif pour autant, l'UE disposant de toutes les compétences nécessaires pour devenir également un leader des transitions numérique, énergétique et climatique, à condition toutefois de se mobiliser rapidement.

"Aujourd'hui, le terme de politique industrielle n'est plus un gros mot en Europe", se réjouit-il, faisant notamment allusion à l'évolution de la doctrine de l'Allemagne, au moment où son secteur automobile, véritable fleuron national, traverse une crise majeure.

(Jean-Michel Bélot, édité par Pascale Denis)

Valeurs citées dans l'article : Alstom, ENGIE, Siemens