PARIS, 16 janvier (Reuters) - Volatilité des marchés oblige, l'année 2018 a été marquée par une forte baisse de l'activité des offres publiques en France, montre mercredi une étude publiée par EY Corporate Finance.

Le dixième "observatoire des offres publiques" du groupe d'audit et de conseil recense 22 offres publiques seulement sur l'ensemble de l'an dernier contre 40 en 2017, soit une baisse de 45%.

La chute est plus lourde encore du point de vue du montant global des offres, divisé par huit en un an à 2,6 milliards d'euros. Et elle approche 20% par rapport à la médiane sur dix ans (3,2 milliards).

"L'année 2018 avait plutôt bien commencé et si toute l'année s'était déroulée comme le premier semestre, on aurait pu arriver autour de 35 opérations, ce qui aurait été plutôt une bonne année", explique Sonia Bonnet-Bernard, associée d'Ernst & Young. "Mais on a observé une rupture, un coup d'arrêt au deuxième semestre, avec seulement cinq opérations."

Une rupture qui s'explique par l'augmentation marquée de la volatilité des marchés durant la deuxième partie de l'année, avec pour conséquences une perte de confiance chez les investisseurs et une difficulté accrue à valoriser les opérations.

"Quand il y a de la volatilité, certaines sociétés préfèrent passer par des opérations par échange de titres, il est donc possible que l'année 2019 soit marquée par un retour des OPE", estime Marc Lefèvre, associé d'Ernst & Young Advisory.

Sur le front des introductions, le cru 2018 est un peu meilleur, avec 17 opérations (sept sur Euronext et 10 sur Euronext Growth) contre 14 en 2017. Mais le montant levé a chuté de 55% à 1,093 milliard d'euros, dont 697 millions pour le seul Neoen, le spécialiste des énergies renouvelables coté depuis octobre.

"Si les opérations annulées ou reportées telles qu'Autodis, Novares et Delachaux, étaient sorties, on aurait probablement été autour de 2,2 à 2,5 milliards d'euros, ce qui aurait été une meilleure année. Mais au final, Neoen est en quelque sorte l'arbre qui cache une forêt un peu dépouillée", résume Marc Lefèvre.

Pour 2019, il s'attend à un premier semestre encore "difficile" mais met en avant des raisons d'espérer un rebond en cas d'amélioration du contexte de marché.

LA LOI PACTE POURRAIT FAVORISER UNE REPRISE

"On sait qu'il y a des opérations en préparation, reste à savoir si elles vont sortir, dit-il. Il y a de très belles sociétés qui frappent à la porte de la Bourse, des sociétés innovantes et des sociétés familiales. Les familles ont bien compris l'intérêt de se coter pour éviter de perdre le contrôle."

"Et puis on peut espérer avoir davantage de 'spin-offs' de grands groupes, favorisés par le ralentissement de la croissance."

Paris a du retard à rattraper sur le marché mondial des introductions en Bourse: l'étude "EY Global IPO Trends" recense en effet 1.359 opérations dans le monde entier en 2018, avec un montant levé en hausse de 6% à 204,8 milliards de dollars (179,8 milliards d'euros).

Et elle note qu'Euronext dans son ensemble reste absente du "top 12" mondial en nombre d'introductions, comme en 2017, même si elle le réintègre par les montants levés... grâce au succès de la cotation d'Adyen à Amsterdam.

En revanche, Paris reste à la traîne de Francfort et de Londres avec respectivement 17 et 51 IPO l'an dernier, pour 13,6 et 8,5 milliards de dollars levés.

Pour Marc Lefèvre, ce décalage "s'explique par des facteurs structurels et conjoncturels. La Grande-Bretagne reste le premier pôle de liquidités en Europe et l'un des premiers mondiaux; l'Allemagne, elle, a connu en 2018 trois grosses opérations avec l'entrée de DWS, de Knorr Bremse et de Siemens Healthineers, qui ont représenté au total près de dix milliards d'euros. A Paris, on n'a pas vu cela depuis des années."

L'adoption attendue du projet de loi Pacte (plan d'action pour la croissance et la transformation des entreprises), dont le Sénat a entamé l'examen en commission spéciale mercredi, pourrait contribuer à un rebond de l'activité sur le marché parisien, d'une part en ouvrant la voie à des privatisations, d'autre part en ramenant de 95% à 90% le seuil de détention requis pour procéder à un retrait obligatoire.

"Le passage à un seuil de 90% peut se traduire par une augmentation du nombre de retraits. Et on peut penser que si on facilite la sortie, on facilite l'entrée, même si certains en doutent", dit Marc Lefèvre.

(Marc Angrand, édité par Marc Joanny)