Dans sa requête déposée mardi soir, qui amende sa plainte déposée en mars, Huawei demande à un tribunal fédéral du Texas de déclarer "anticonstitutionnelle" la loi sur la défense nationale adoptée l'an dernier aux Etats-Unis, que Pékin dénonce comme un texte ciblant les activités chinoises.

Cette loi, le National Defense Authorization Act (NDAA), interdit de manière générale aux administrations fédérales et à leurs sous-traitants d'utiliser les équipements de Huawei pour des raisons de sécurité nationale en raison des liens présumés entre ce groupe et les autorités chinoises.

"Huawei est un instrument du gouvernement chinois", a réaffirmé mercredi le secrétaire d'Etat américain Mike Pompeo. "Ils sont profondément connectés, c'est une chose difficile à comprendre pour les Américains", a poursuivi le chef de la diplomatie américaine sur Fox Business Network.

"Nos entreprises coopèrent avec le gouvernement des Etats-Unis. C'est-à-dire qu'elles se conforment à nos lois. Mais aucun président ne contrôle une entreprise américaine privée. C'est très différent en Chine, ils opèrent simplement selon un ensemble de règles différent", a-t-il ajouté dans cette interview enregistrée avant la nouvelle procédure engagée par Huawei.

L'entreprise chinoise a constamment démenti tout contrôle du gouvernement, de l'armée ou des services de renseignement chinois sur ses activités.

Glen Nager, associé au cabinet d'avocats Jones Day et principal conseiller juridique extérieur de Huawei, a déclaré à Reuters que le tribunal américain avait accepté d'établir un calendrier avec des audiences prévues en septembre pour entendre les avis contradictoires sur le dossier.

Outre ses équipements télécoms, les téléphones mobiles et les tablettes de Huawei sont également dans le viseur des Etats-Unis. Le groupe a été placé le 16 mai sur une liste noire l'empêchant de se fournir auprès d'industriels américains, une décision qui a entraîné la défection de certains de ses fournisseurs et perturbé l'ensemble du secteur technologique.

"PRÉCÉDENT TRÈS DANGEREUX"

Song Liuping, responsable juridique chez Huawei, a déclaré mercredi que le groupe réfléchissait aux moyens d'obtenir la levée de cette interdiction, qui, selon lui, affecte plus de 1.200 fournisseurs et constitue une menace, en bout de chaîne, pour ses trois milliards de clients dans 170 pays.

Pour Song Liuping, le recours par Washington à des décrets et à des lois pour sanctionner une seule entreprise "crée un précédent très dangereux".

"Aujourd'hui, ce sont les télécommunications et Huawei. Demain, ce pourrait être votre société, votre secteur, vos clients", a-t-il déclaré à la presse au siège du groupe à Shenzhen.

Cette interdiction intervient sur fond de tensions commerciales croissantes entre la Chine et les Etats-Unis, les deux principales économies du monde. Elle s'ajoute à des accusations américaines selon lesquelles Meng Wanzhou, directrice financière de Huawei et fille du fondateur du groupe, aurait participé à un montage bancaire permettant d'échapper aux sanctions de Washington contre l'Iran.

Les Etats-Unis ont accordé la semaine dernière à Huawei une levée temporaire d'une partie des sanctions à son encontre et pourraient éventuellement prolonger cette mesure.

Vincent Pang, vice-président de Huawei, juge que le décret américain et la liste noire dans laquelle le groupe a été placé ne respectent pas le cadre d'une concurrence normale.

"Cela pourrait déboucher sur un début de fragmentation de l'écosystème technologique dans son ensemble et des normes", a-t-il déclaré.

Vincent Pang ne s'attend pas cependant à ce que cette situation "politique" retarde le déploiement des réseaux mobiles de cinquième génération (5G) en Chine.

(avec Doina Chiacu à Washington; Jean Terzian et Claude Chendjou pour le service français, édité par Bertrand Boucey et Henri-Pierre André)

par Sijia Jiang