PARIS (Agefi-Dow Jones)--Après un profit warning fin 2018 suivi de résultats rassurants en 2019, Vincent Paris, le directeur général, revient pour l'Agefi sur les priorités du groupe.

Le Royaume-Uni représente votre deuxième marché après la France. Quelles conséquences aurait un Brexit sans accord pour votre activité?

Vincent Paris: Sur une base pro forma 2018 [tenant compte de la cession de l'activité de recrutement en juin 2019, NDLR], nous avons réalisé 16% de notre chiffre d'affaires au Royaume-Uni. Mais plus de 85% de cette activité est récurrente et plus des deux tiers proviennent du secteur public, dont la moitié de deux coentreprises avec le gouvernement britannique, à travers le NHS et le Bureau du Cabinet.

Nous avons pris toutes les mesures pour assurer la continuité de nos services à nos clients. Nous avons dans ce but mené une dizaine de chantiers sur des sujets techniques, notamment dans la localisation des données et la gestion des stocks de matériels.

Néanmoins, ma conviction est qu'en cas de Brexit 'dur', nous devrions revivre pendant quelques temps ce qu'il s'est passé en 2016 au moment du référendum, c'est-à-dire un gel des projets et des programmes d'investissement. Mais ensuite, la réalité du Brexit imposera des modifications de réglementation, génératrices d'activité pour nous.

Craignez-vous, du fait du Brexit, des relocalisations de certains clients, dans la banque par exemple?

Vincent Paris: Dans le secteur bancaire, nous sommes présents uniquement sur la banque de détail, métier qui s'exerce localement. Nous ne couvrons pas la banque d'investissement, par essence mondiale. Or, c'est elle qui comporte le risque maximum de délocalisation.

Votre absence dans la banque d'investissement relève-t-elle d'un choix?

Vincent Paris: Oui. Sopra Steria a l'ambition de devenir un leader européen de la transformation numérique, mais en choisissant ses terrains de jeux. Nous avons ainsi décidé de concentrer nos forces sur une centaine de clients et sur certains secteurs d'activités, pour lesquels nous voulons être en mesure d'intervenir tout au long de la chaîne.

Quelles sont vos priorités stratégiques?

Vincent Paris: Nous avons deux axes. D'une part, la montée en valeur de nos services via le renforcement de l'activité de conseil, qui représente 10% de notre chiffre d'affaires. Nous souhaitons que cette activité passe à 15% en 2021 ou 2022. Ce processus est long, mais nous arrivons aujourd'hui à recruter des consultants qui viennent des "Big four" du conseil, ce qui n'était pas le cas il y a encore cinq ans.

Le développement de notre activité de logiciels constitue la seconde priorité: nos clients ont de plus en plus besoin de s'appuyer sur des briques logiciels standard, pour gagner en rapidité et réaliser des économies.

Au cœur de cette stratégie se trouve Sopra Banking Software (SBS), votre éditeur de logiciel bancaire, à l'origine d'un avertissement sur résultat fin 2018. Quelles difficultés avez-vous rencontrées?

Vincent Paris: SBS est une activité que nous avons à la fois développée sur la base de nos solutions historiques et par acquisitions. L'an passé, nous avons connu une crise de croissance dans notre activité dédiée aux crédits spécialisés. Les ventes se sont accélérées et une dizaine de projets ont accusé d'importants retards. L'enjeu est désormais à la fois de résoudre ces situations difficiles, tout en développant une nouvelle version de notre logiciel de référence pour les crédits spécialisés [la version 4.7, NDLR], plus industrielle, standardisée et facile à déployer. Cette approche doit nous permettre courant 2020 de reprendre de façon plus active le développement commercial.

Attendez-vous une amélioration des performances de SBS dès cette année?

Vincent Paris: 2019 est une année de transition. La dernière des erreurs serait de pousser à améliorer notre performance à court terme. Nous avons donc décidé d'enlever la pression cette année. Nous attendons les premiers signes d'amélioration en 2020 conformément à notre plan de marche. A moyen terme, nous comptons toujours afficher une marge opérationnelle d'activité sur cette division d'au moins 15% [contre -3,6% en 2018 et 9,5% en 2017, NDLR].

Le groupe est très présent en Allemagne. Comment le ralentissement économique outre-Rhin vous affecte-t-il?

Vincent Paris: Nous avons commencé à ressentir ce ralentissement au quatrième trimestre 2018. Lors des deux, trois années précédentes, l'Allemagne a été de loin notre marché le plus porteur. Je ne pense pas que notre activité recule en 2019, mais nous n'atteindrons pas la croissance de 2018.

Nous révisons actuellement notre plan à trois ans pour l'Allemagne: il sera sans doute moins ambitieux que ce que nous prévoyions l'année dernière. Mais à plus long terme, l'Allemagne doit devenir le troisième marché de Sopra Steria.

Les acquisitions ont joué un rôle important dans votre développement. Quelle place tiendront-elles à l'avenir?

Vincent Paris: Notre politique d'acquisition restera ciblée en 2019 et 2020. Notre priorité est de réussir l'intégration des sociétés acquises. Nous ré-accélérerons à partir de 2021. Nous avons notamment l'intention de pousser les feux dans le conseil, le numérique et les logiciels bancaires.

Pour cela, nous avons une marge de manœuvre financière: notre endettement net atteignait 1,6 fois l'Ebitda au 30 juin et il devrait être inférieur à la fin de l'année, alors que notre covenant bancaire fixe un plafond de trois.

Alors que Capgemini et Altran se rapprochent, seriez-vous prêts à vous adosser à un groupe plus important?

Vincent Paris: Non, notre projet est fondamentalement un projet indépendant. C'est un projet ambitieux de conquête sur des clients et des secteurs d'activité ciblés.

L'écart de marge nette est important par rapport à vos grands concurrents. Comment l'expliquez-vous?

L'éventail d'activités est différent. Le marché nord-américain, où nous ne sommes pas, affiche des marges très supérieures. Par ailleurs, nous travaillons à améliorer nos performances sur nos géographies dans les deux à trois ans.

Cela peut-il vous donner l'idée de vous implanter aux Etats-Unis?

Vincent Paris: S'implanter aux Etats-Unis nécessite des efforts conséquents en termes d'investissements et de management. Nous sommes pour l'instant concentrés sur notre objectif d'être un champion européen.

La trésorerie est un motif d'inquiétude. Comment l'abordez-vous?

Pendant longtemps, Sopra Steria affichait un taux de transformation du résultat évoluant entre 20% et 40%. Mais depuis deux ans, la génération de trésorerie figure en haut de nos priorités. Nous menons un effort de sensibilisation et de formation des équipes. Notre objectif est qu'elle atteigne entre 5 et 7% du chiffre d'affaires. Nous souhaitons à moyen terme atteindre un taux de transformation du résultat d'environ 60%, contre 50% en 2018.

-Propos recueillis par Julien Marion, Agefi-Dow Jones, et Antoine Landrot, L'Agefi. ed: VLV

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