En 2007, le déficit du compte courant de l’Espagne, estimé en dollars, était le deuxième plus gros au monde, après celui des Etats-Unis, et deux ans plus tard le déficit budgétaire du pays a dépassé les 100 milliards d’euros (soit plus de 10% de son PIB). Fort de ce constat, Goldman Sachs se penche sur le cas espagnol, sujet de nombreuses inquiétudes dans une Europe obnubilée par les risques de contagion de la crise grecque à d’autres membres de la zone Euro.

Comme le fait remarquer l’analyste, l’Espagne doit faire face à une forte correction de son marché immobilier, subit les contraintes de l’union monétaire et d’une productivité longtemps en berne, sans compter d’importantes difficultés budgétaires. Tout ce qui en fait selon le bureau d’études un cas d’école, avec la plupart des symptômes qu’on retrouve dans les économies périphériques de la zone Euro, le fameux groupe des « PIGS » (Portugal, Italy, Spain, Greece). Pour Goldman Sachs, l’Espagne doit combattre sur deux fronts principaux : celui de la compétitivité et celui de l’équilibre budgétaire.
Deux défis que la patrie de Cervantès doit relever simultanément, dans le cadre contraignant d’une union monétaire, et alors même qu’ils nécessitent généralement des solutions opposées : pour obtenir des gains de productivité et gagner en compétitivité, il faut des salaires nominaux bas et une inflation prononcée, deux éléments rendant encore plus lourd à porter le fardeau de la dette publique et privée…

Comme le rappel le broker, l’Espagne est un cas particulier en tant que pays avec un fort déficit : contrairement au Royaume-Unis et aux Etats-Unis, qui peuvent jouer et bénéficier de la dépréciation de leur monnaie, cela est impossible pour Madrid en raison évidemment de ses engagements auprès de ses partenaires de la zone Euro. Et la marge de manœuvre pour déprécier face aux partenaires hors zone Euro est très étroite, la monnaie européenne étant fortement ancrée à la solide économie allemande.
D’après l’analyste, malgré tout, la compétitivité de l’Espagne à l’exportation bénéficie des améliorations du coût unitaire de sa main d’œuvre, c’est-à-dire que pour une même unité produite, le coût du travail est moins élevé qu’auparavant. Même si ceci constitue un avantage à moyen terme pour les exportations, il a encore pour le moment peu d’impact sur l’équilibre de la balance des paiements d’après le bureau d’études. L’introduction en Bourse de Bankia et Banca Civica, qui devrait lever 4 milliards d’euros, et la privatisation de la loterie,montrent que l’Espagne dispose encore d’actifs attrayants pour les investisseurs étrangers affirme le broker.

Sur le front des déficits, l’analyste note que de nombreux progrès ont été faits : ainsi en mai dernier, les déficits étaient d’un quart moins important que l’année dernière à la même période. Ceci est cohérent avec le Programme de Stabilité qui a pour objectif de réduire le déficit public espagnol à 6% du PIB pour 2011, contre 9,2% l’année précédente. Cependant le bureau d’étude met un bémol à ces progrès, en effet, l’assainissement budgétaire reste difficile dans un pays aux pouvoirs régionaux aussi forts. L’année dernière, sur l’ensemble du déficit de l’Espagne (soit 9,2% du PIB), les gouvernements régionaux pesaient pour plus de 30% note Goldman Sachs. De plus, l’analyste considère qu’il sera difficile de faire baisser de dix points le ratio PIB-dette d’ici 2014, les prévisions de croissance du revenu nominal sur lesquels sont basés ces objectifs lui paraissant trop ambitieuses.

En bref, le courtier souligne trois risques principaux qui menacent l’économie espagnole. Le premier risque est lié aux exportations trop faibles pour permettre la croissance du revenu nominal, élément essentiel du Programme de Stabilité pour faire baisser de dix points le ratio PIB-dette. Le deuxième risque concerne la hausse persistante des taux d’intérêts qui menace les perspectives de croissance. Et enfin, le troisième et dernier risque se rapporte au marché du travail, bien plus rigide que ne l’avait initialement prévu l’analyste. En effet, les nombreux travailleurs du secteur de la construction remis sur le marché du travail suite à l’éclatement de la bulle immobilière, peinent aujourd’hui à retrouver un emploi dans d’autres secteurs en expansion, le  taux de chômage reste donc élevé (21% au premier trimestre 2011) et le pire des pays de l’OCDE.
Le bureau d’études estime également que l’état actuel des déficits doit beaucoup à un effet cyclique et que des progrès sont donc encore possibles pour solutionner cette question. Le broker estime qu’une amélioration de la compétitivité, après une décennie de sous-performance, des entreprises exportatrices et la réaffectation des ressources du secteur de la construction, seront les meilleurs alliés du pays pour résorber son déficit et sa dette.