(Répétition sans changement d'une dépêche diffusée vendredi)

* Les marchés rattrapés par l'inconnue du Brexit

* Rien n'est réglé sur l'Italie

* Les incertitudes alimentent le risque de passage à vide de l'activité

* Timide espoir de détente sur le commerce

par Marc Angrand

PARIS, 19 novembre (Reuters) - Entre la tourmente politique du Brexit, les signes de ralentissement économique, les espoirs de progrès sur le commerce international et les doutes sur la politique budgétaire italienne, les marchés commencent à douter du traditionnel mouvement de hausse de fin d'année, qui serait pourtant bienvenu pour améliorer des performances 2018 bien ternes.

L'indice large européen Stoxx 600 s'acheminait vendredi vers un repli hebdomadaire de plus de 2%, portant sa baisse depuis le 1er janvier à près de 8%. Le Standard & Poor's 500, référence de Wall Street, cédait quant à lui plus de 1,7% sur la semaine, ramenant à 2,2% sa progression annuelle.

Même si les Etats-Unis se préparent à faire une pause jeudi pour Thanksgiving, le répit devrait être de courte durée tant les facteurs de risque restent nombreux.

Le début de la semaine écoulée a concentré presque tous les gros dossiers économiques et financiers de l'année avec le refus de l'Italie de modifier son projet de budget, pourtant jugé inacceptable par la Commission européenne, l'annonce d'une contraction des économies allemande et japonaise au troisième trimestre et la reprise des discussions entre les Etats-Unis et la Chine sur les droits de douane.

Mais ces dossiers ont été balayés par la tornade politique créée à Londres par le projet d'accord sur les modalités de sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne (UE), négocié par le gouvernement de Theresa May avec la Commission de Bruxelles et ses représentants.

Jugé trop conciliant par les plus farouches partisans du Brexit, il a conduit quatre ministres britanniques à la démission, mettant en péril la position de la Première ministre et ravivant la peur d'un Brexit "dur", c'est à dire non négocié, synonyme de désordre douanier et financier.

BRUXELLES VA STATUER SUR LE BUDGET ITALIEN

Sur les marchés, les réactions ont été spectaculaires, la livre sterling vivant jeudi sa pire journée face au dollar et à l'euro depuis octobre 2016.

Faute d'issue politique évidente, Theresa May étant désormais menacée d'un vote de défiance, le Brexit devrait rester pendant quelques semaines encore un risque de premier plan pour des investisseurs qui n'aiment rien moins que l'incertitude.

Rares sont ceux toutefois qui se résolvent au pire. "Le champ des issues possibles reste aussi large qu'auparavant, avec une certaine polarisation sur celui d'un 'no deal' au vu du degré d'opposition, mais notre scénario central reste celui d'une ratification réussie", expliquent ainsi les économistes de Barclays.

Le deuxième grand foyer d'incertitude reste l'Italie, la détermination affichée du gouvernement de Giuseppe Conte à creuser le déficit budgétaire l'an prochain pour financer la relance menaçant Rome d'une procédure pour déficit excessif empêchant tout compromis avec Bruxelles.

La Commission européenne doit rendre mercredi ses avis sur chacun des projets de budget des Etats membres et il ne fait guère de doute qu'elle restera très critique sur la politique italienne.

Certes, le contexte politique, avec l'approche des élections européennes, dans six mois maintenant, laisse du temps à la négociation. Mais cette attente risque de prolonger les tensions sur la dette publique italienne, qui sera très probablement privée à compter du 1er janvier du soutien que lui assuraient ces dernières années les achats de titre de la Banque centrale européenne, censés s'arrêter définitivement dans six semaines.

LES PMI POUR EN SAVOIR PLUS SUR LE RALENTISSEMENT EN EUROPE

"Il y a un risque de dérapage sur l'Italie", estime Charles Saint-Arnaud, stratège de Lombard Odier IM, pour qui "aucune des deux parties n'a intérêt à lâcher".

"Et plus le risque que l'Italie sorte de la zone euro augmentera, plus le risque de contagion augmentera. Il faudra donc surveiller les spreads espagnol et portugais."

Si les derniers jours ont permis de mesurer l'impact des crises britannique et italienne sur le moral des investisseurs, les premiers résultats des enquêtes PMI de novembre, vendredi prochain, permettront d'évaluer leur poids sur le moral des dirigeants d'entreprise et sur leurs perspectives d'activité.

De quoi, peut-être en savoir plus sur la nature - simple trou d'air ou inversion de tendance - de la contraction de 0,2% de l'économie allemande au troisième trimestre, la première depuis près de quatre ans.

Les principaux instituts de conjoncture allemands ont déjà fait une croix sur la prévision gouvernementale d'une croissance de 1,8% cette année et jugent que l'objectif d'une expansion de même ampleur en 2019 semble déjà compromis.

"Le ralentissement de l'activité s'étend au sein de l'Union monétaire. L'euro sous 1,13 dollar n'y changera rien et sa dépréciation réduit l'effet bénéfique de la chute du pétrole", note Ostrum AM.

Mario Draghi, le président de la BCE, a toutefois privilégié vendredi l'hypothèse d'un "passage à vide" temporaire, tout en reconnaissant qu'il pourrait se prolonger si l'incertitude sur le commerce international devait persister.

Sur ce point, la tendance semble plutôt à la détente puisque les Etats-Unis et la Chine ont repris leurs discussions. Jeudi, Wall Street a même salué l'évocation dans la presse d'un gel des mesures de relèvement des droits de douane censés s'appliquer au 1er janvier sur 250 milliards de dollars (221 milliards d'euros) de produits chinois, démenti toutefois par l'administration Trump.

Le suspense se prolongera sans doute jusqu'au sommet du G20 les 30 novembre et 1er décembre à Buenos Aires, au cours duquel Donald Trump et le président chinois, Xi Jinping, pourraient s'entretenir en tête à tête.

"Mon scénario privilégié est celui d'une détérioration de la situation sur le commerce à partir de maintenant", explique Kristina Hooper, directrice de la stratégie de marché d'Invesco.

"L'idée la plus répandue sur les marchés selon laquelle la Chine gagnera la guerre commerciale alors que les Etats-Unis la perdront est très simpliste et, je crois, erronée. Tout le monde souffrira, mais je pense que la Chine réussira à souffrir moins que les Etats-Unis, grâce aux outils dont elle dispose en matière de soutien budgétaire et parce qu'elle peut prendre des décisions sans se soucier des élections."

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