Apprenti à 14 ans puis ajusteur dans l'aéronautique, Daniel Augereau est toujours à la tête du groupe Synergie qu’il a fondé en 1969. 2018 fut une bonne année pour Synergie avec 2,55 milliards de chiffre d’affaires, en croissance de 10% et un ROE de 16,5% qui bénéficiait encore du CICE. 2019 sera une nouvelle année de défis pour Synergie, que son dirigeant fondateur relèvera comme à son habitude avec confiance et prudence. Entretien.

Daniel Augereau, comme évoluent les marchés et les parts de marchés du groupe Synergie ?

"Le groupe Synergie continue de capter des parts de marchés en France, et à l’international où nous sommes présents depuis une vingtaine d’années. Les chiffres du premier trimestre confirment que, malgré le ralentissement économique en Europe, l’externalisation des ressources humaines reste un secteur porteur. Notre groupe a en effet réalisé un chiffre d'affaires trimestriel de 621 millions d’euros, en hausse de 5,4% par rapport à 2018, dont 2,5% en données organiques. En France, où nous réalisons un peu moins de la moitié de notre chiffre d’affaires, notre activité historique de travail temporaire a progressé de 3,2% alors que le marché connaissait une croissance de 1% à fin février".

Votre activité est-elle moins cyclique qu’elle ne l’a été ?

"De façon générale, notre activité est plus diversifiée que par le passé. Nous sommes devenus un acteur international des ressources humaines, positionné sur l’intérim, mais également la formation, le conseil RH et le recrutement/placement de CDD et CDI. Nous avons mis un pied dans les services numériques en juin 2018 avec l’acquisition de DCS Easyweare, une ESN en croissance de 10% en 2018. L’intérim, qui reste notre cœur de métier, n’est plus aussi dépendant de la conjoncture qu’il l’était historiquement. Structurellement, les entreprises ont davantage recours à l’intérim car elles évoluent dans un monde sans visibilité, qui fonctionne en flux tendu dans un environnement mondialisé. Leur méthode de production s’appuie sur un noyau dur de collaborateurs autour duquel gravite une main d’œuvre flexible. Cela convient d’ailleurs assez bien aux jeunes qui aiment multiplier les expériences. Ce mode de fonctionnement est très caractéristique de l’aéronautique, de la navale ou encore des énergies renouvelables. Nos agences sont très présentes localement sur les bassins d’emploi concernés, tout en profitant de notre réseau d’implantations européennes, notamment en Europe de l’Est, qui donnent accès à une ressource humaine adéquate pas toujours facile à trouver. Nous n’hésitons pas à investir dans la formation afin de fournir du personnel qualifié à nos clients. Nos investissements en formation représentent plus de 3,5% de notre chiffre d’affaires, à comparer à un taux réglementaire de 2% dans l’intérim".
 

Une forte exposition à l'industrie (Source présentation société Avril 2019)

La profitabilité des activités françaises a bénéficié du CICE entre 2013 et 2018. Quel est l’impact de sa suppression au 1er janvier 2019 ?

"Il est clair que le CICE nous a été favorable. Il nous a permis d’investir lourdement dans la formation, ainsi que dans notre organisation interne qui a par exemple bénéficié de la digitalisation des outils, à la fois dans le sourcing de ressources humaines et dans la relation clients. Nos marges en ont également profité et elles seront impactées par le nouveau dispositif d’allégement de charges. Nous allons payer davantage d’impôt sur les sociétés et la participation des salariés aux résultats de l’entreprise sera plus importante. Nous estimons l’impact de cette évolution sur notre résultat net à environ 20% à périmètre et chiffre d’affaires constant. A noter que nous avons aussi connu en 2018 des évolutions réglementaires moins favorables à l’international, notamment l’Equal Pay en Allemagne qui impose un alignement des salaires des intérimaires détachés sur les personnels embauchés directement par nos clients. Nous parvenons cependant à amortir ces décisions grâce à l’effet d’échelle que permet la croissance régulière de notre activité en France et à l’international".

Dans quelle mesure la taxation des contrats-courts en France risque-t-elle de vous pénaliser ?

"Nous ne connaissons pas encore les modalités précises du système de bonus-malus qui s’annonce à l’été. Certains secteurs ne peuvent se passer de contrats courts. Avec cette nouvelle taxation, le dispositif CDII, que nous avons mis en place il y a quelques années et qui fonctionne bien, avec plus de 3 000 contrats en 2018, est appelé à s’amplifier et à se développer au-delà du personnel d’encadrement et hautement qualifié".
 

Le groupe s'internationalise (Source présentation société Avril 2019)

Les lancements de plateformes numériques de mise en relation, sans agence physique, se sont multipliées depuis quelques années. Quelle est votre réaction à ces initiatives de rupture ?

"Je suis très sceptique vis-à-vis de ce type d’offre. Le contact humain reste essentiel dans le processus de recrutement. Nous rencontrons les personnes que nous recrutons pour s’assurer qu’il correspond aux besoins de nos clients. Cela ne nous empêche pas de développer nos outils numériques et notamment notre présence sur les réseaux sociaux".

Vous avez annoncé être en veille active en matière de croissance externe. Quel type de cible cherchez-vous ?

"Nous continuons d’avancer sûrement et prudemment, en cherchant à acquérir des bases logistiques à l’international qui nous permettent de prendre pied dans les pays où les besoins de nos clients nous mènent. Nous nous appuyons sur ces socles pour les développer et dégager des synergies à l’échelle du groupe. Nous avons procédé ainsi il y a une vingtaine d’année lors de l’ouverture du marché Italien à l’intérim, et plus récemment en Australie ou au Canada, et même en Chine où nous démarrons tout juste une activité pour le groupe aéronautique Daher. Notre maillage européen reste à compléter, notamment en Europe du Nord et de l’Est. Nous sommes aujourd’hui bien avancés sur plusieurs processus d’acquisition, notamment au Danemark avec une cible d’une quarantaine de millions d’euros de CA, et en Espagne sur une ESN qui réalise une quinzaine de millions d’euros de CA dans le numérique et la digitalisation ce qui nous permettra d’atteindre une centaine de millions d’euros sur cette activité d’ici 2023. A l’échelle du groupe, nous visons 3 milliards d’euros à fin 2021 et 2,7 milliards fin 2019".
 

17 pays d'implantation (Source présentation société Avril 2019)

Comment la gouvernance est-elle organisée au sein du groupe Synergie ?

"En 2016, nous avons unifié nos quatorze filiales européennes de l’époque autour d’une société européenne qui a renforcé le sentiment d’appartenance à un groupe. L’échange quotidien avec les patrons de filiales, donc j’encourage l’autonomie, s’en est trouvé renforcé. Nous nous réunissons en séminaire trois fois par an pendant deux jours. Par ailleurs, en 2018, le groupe Synergie a opté pour une structure de gouvernance avec un Conseil de Surveillance représentant l’actionnaire majoritaire et un Directoire que je préside. Mon mandat a été renouvelé lors de la dernière assemblée générale pour une durée classique de six ans. Les questions d’évolution de la direction qui pourraient se poser ont été traitées et la direction de l’entreprise partage ma confiance dans l’avenir du groupe".