Paris (awp/afp) - Le groupe de technologie et production d'effets vidéo Technicolor, au plus bas de sa capitalisation boursière, veut tirer profit de la forte demande en contenus frais par les nouvelles plateformes de films et séries, assure à l'AFP son directeur général, le Britannique Richard Moat.

Alors qu'il a accusé en 2019 une nouvelle perte de 230 millions d'euros et qu'il a vu son titre chuter de plus de 60% depuis le 1er janvier, Technicolor est désormais valorisé à quelque 100 millions d'euros.

"Quand vous annoncez une augmentation de capital", comme celle de 300 millions d'euros mi-février, "la valeur de votre titre baisse" avec la participation des actionnaires, explique Richard Moat lors d'un entretien à l'AFP au dernier étage du siège loué par le groupe, surplombant l'Hôtel de ville et Notre-Dame de Paris.

Hier à New York et Chicago, demain à Frankfort et Londres, le dirigeant arrivé en novembre fait la tournée des principaux investisseurs pour présenter sa nouvelle stratégie et rassurer sur la viabilité du groupe, notamment sa trésorerie.

"Nous avons été rétrogradés par les agences de notation. Par conséquent nos principaux fournisseurs ont réduit les délais de paiement qu'ils nous accordaient auparavant. Mais nous anticipons une reprise au second semestre 2020 et nous pensons que le flux de trésorerie sera positif sur l'année", assure M. Moat.

En plus de l'augmentation de capital à laquelle Richard Moat souscrira personnellement pour "un montant significatif", le groupe prévoit d'économiser 100 millions d'euros dès cette année et 50 millions supplémentaires lors deux suivantes. Il a aussi renégocié ses dettes.

Et les trois activités du groupe ont de l'avenir, veut convaincre Richard Moat. Les services pour la production vidéo tout d'abord (effets spéciaux, post-production et animation pour le cinéma, la télévision, la publicité ou les jeux vidéo), 23% du chiffre d'affaires, sont "le moteur de notre croissance".

"Nous travaillons sur 70% des films d'Hollywood. Dans les années à venir, une croissance significative viendra des nouveaux acteurs comme Netflix, Amazon Prime, Apple, Disney+ ou Peacock. Il y a une guerre des contenus en ce moment, nous voulons prendre notre juste part."

Les séries représentaient 10% des revenus de la division en 2018, 25% en 2019.

Difficultés des décodeurs

"Notre force, c'est notre expertise et notre taille. Les studios d'Hollywood ou Netflix peuvent faire des choses simples en interne, mais quand c'est compliqué et comme ils ont une énorme demande de contenus originaux, ils viennent à nous pour tenir leurs délais", dit Richard Moat. "Et nous avons remporté il y a deux semaines l'Oscar des effets visuels pour le film 1917 !"

Les perspectives pour les autres divisions du groupe sont moins brillantes. Les mêmes plateformes de streaming qui font le succès de la branche d'effets vidéo entament les revenus du principal marché du groupe: les box de connexion à internet et décodeurs TV en marque blanche.

"En Amérique du Nord, le marché des décodeurs est en baisse car les gens se sont tournés vers les services over-the-top (OTT) et les services de streaming. Dans le reste du monde, il y a également une baisse des décodeurs, mais à une échelle beaucoup plus petite", concède Richard Moat.

Enfin, il s'agit de conserver des marges sur la production de DVD, un milliard d'exemplaires produits en 2019 dans un marché qui fléchit. "Nous allons obtenir une compensation de prix lorsque les volumes tomberont en dessous de certains seuils. Ayant rencontré tous les studios d'Hollywood au cours des quatre dernières semaines, ils prévoient de maintenir sur le long terme leur présence dans les médias physiques".

Après tout, "les gens aiment encore se les offrir en cadeaux."

Quelle est la véritable ambition de Richard Moat, qui s'est déjà chargé du redressement de trois entreprises, dont dernièrement l'opérateur irlandais en faillite Eircom, revendu en 2018 à Xavier Niel ?

"A l'avenir, si des opportunités de fusions et acquisitions se présentaient, nous les examinerions sérieusement", explique-t-il. "Nous gagnerions évidemment plus d'argent si nous pouvions améliorer les performances des unités avant d'arriver à ce stade. Ma première priorité est de m'occuper de ces trois unités et d'augmenter leur productivité et surtout leur rentabilité", explique Richard Moat, qui donne rendez-vous aux actionnaires le 23 mars pour valider sa stratégie lors d'une assemblée générale extraordinaire.

afp/rp