MILAN (awp/afp) - L'actuel administrateur de la compagnie aérienne Alitalia, Luigi Gubitosi, a été nommé dimanche soir à la tête de Telecom Italia (Tim), après le limogeage surprise d'Amos Genish par les membres du conseil d'administration proches du fonds activiste américain Elliott.

Eliott, qui détient 8,8% du capital de Tim, a ravi le 4 mai, lors d'une assemblée générale d'actionnaires, le contrôle du conseil d'administration de Tim au groupe français Vivendi, qui en est pourtant le principal actionnaire avec quelque 24% du capital.

Les tensions entre Elliott et Vivendi sont depuis récurrentes.

Mardi, dix administrateurs "indépendants" figurant sur la liste d'Eliott ont décidé la révocation surprise d'Amos Genish, qui dirigeait le groupe depuis 14 mois et est considéré comme un proche de Vincent Bolloré, le patron de Vivendi.

Dimanche soir, ces administrateurs ont décidé de nommer à sa place Luigi Gubitosi, âgé de 57 ans. Les cinq représentants de Vivendi ont voté contre.

M. Gubitosi connaît bien le monde des télécoms puisqu'il a dirigé par le passé l'opérateur italien Wind Telecommunications, un concurrent de Telecom Italia.

Ex-directeur de la Rai, la télévision publique italienne, il est depuis mai 2017 l'un des trois administrateurs chargés de redresser, en vue de sa cession, la compagnie aérienne Alitalia, placée sous tutelle.

Luigi Gubitosi, qui figurait sur la liste proposée par Elliott en mai, siège depuis cette date au conseil d'administration de Tim.

Il se retrouve désormais face au challenge de gérer un groupe en pleine tourmente, tant du point de vue de ses résultats, que de sa gouvernance, du fait des conflits entre Elliott et Tim.

Tim "a une grande histoire et un capital humain à valoriser pour gagner le défi du marché, réduire la dette et examiner avec attention et rapidité le projet de constitution d'un réseau unique" en Italie, a-t-il déclaré, juste après sa nomination.

Désaccord sur le réseau

L'opérateur a essuyé une perte de quelque 1,4 milliard d'euros au troisième trimestre, contre un bénéfice de 437 millions un an plus tôt, en raison de dévaluations d'actifs pour un montant de deux milliards d'euros.

Amos Genish "a eu l'occasion de créer de la valeur", mais "il n'a rien fait et s'est plutôt révélé être un obstacle à la création de valeur", a accusé mardi une source proche d'Elliott, en soulignant que le cours de Bourse avait perdu 33,5% "pendant le mandat de Genish".

Le dirigeant israélien, débarqué alors qu'il était en déplacement en Asie, a aussi payé son opposition au projet de séparer totalement le réseau de Tim du reste de ses activités.

M. Genish est favorable à la création en Italie d'un réseau unique, via une fusion avec la société Open Fiber d'Enel, mais à condition que Telecom Italia contrôle le réseau.

Au contraire, Elliott plaide pour une disjonction, afin d'obtenir une meilleure valorisation au profit des actionnaires.

"Le conseil d'administration de Tim va être obligé de convoquer une assemblée générale en raison du problème des commissaires aux comptes (dont le mandat s'achève le 1er janvier). Une société comme Telecom Italia ne peut pas attendre (la prochaine assemblée en) avril pour régler cette question", a déclaré dimanche soir à l'AFP un porte-parole de Vivendi.

"Cette AG donnera aux actionnaires l'occasion de choisir entre deux projets: le démantèlement du groupe voulu par Elliott d'un côté et la stratégie à moyen et long terme sur laquelle Amos Genish a été élu avec 98% des voix en mai dernier", a-t-il ajouté.

Amos Genish, qui a dénoncé un "putsch soviétique" à son encontre, a affirmé qu'"Elliott avait l'approche typique des fonds spéculatifs", tandis que lui portait "une approche industrielle, une vision à long terme", dans un entretien au quotidien Il Sole 24 Ore.

Il a par ailleurs indiqué, dimanche soir à la sortie du CA, avoir demandé qu'une AG soit convoquée "immédiatement, et au plus tard d'ici début 2019".

Vivendi, qui a dénoncé à plusieurs reprises "la gestion désastreuse" d'Elliott, a réaffirmé ces derniers jours son engagement "à long terme" dans Tim.

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