par Benjamin Mallet, Geert De Clercq et Bate Felix

PARIS, 17 octobre (Reuters) - RTE, filiale à 100% d'EDF , ne pourrait pas rester simple spectateur d'une consolidation des opérateurs de réseaux de transport d'électricité en Europe, a déclaré à Reuters François Brottes, président du gestionnaire des lignes à haute tension françaises.

La réglementation européenne empêche la société - classée parmi les "ITO" (gestionnaires de réseaux indépendants) car EDF en reste l'actionnaire majoritaire - de détenir des participations dans les opérateurs séparés d'un point de vue patrimonial des producteurs d'électricité, aujourd'hui largement majoritaires en Europe.

RTE n'exclut pas toutefois une évolution des règles du jeu, bien qu'il ne se prononce pas sur l'opportunité d'une telle mesure à l'heure où EDF négocie la cession de 49,9% de son capital à la Caisse des dépôts (CDC) et à CNP Assurances .

"Les règles qui régissent les opérateurs de transport en Europe peuvent encore bouger à l'issue du 'paquet hiver'", a estimé François Brottes, son président du directoire, lors d'un entretien accordé à Reuters.

"S'il y a de la concentration en Europe, RTE ne pourra pas être que spectateur", a-t-il ajouté.

RTE s'intéresse d'ores et déjà à une participation de 24% au capital du grec ADMIE - un ITO lui aussi, comme d'autres opérateurs en Europe de l'Est - mise en vente par l'électricien PPC et pour laquelle l'opérateur français doit encore décider de déposer ou non une offre.

"Ce dossier est très compliqué", a toutefois souligné François Brottes. "Nous nous devons d'étudier les opportunités qui s'offrent à nous et pour lesquelles nous sommes sollicités."

RTE, qui exploite le premier réseau de transport d'électricité en Europe avec près de 105.000 km de lignes, est en concurrence avec le chinois State Grid et l'italien Terna dans le dossier ADMIE, pour lequel la date limite de remise des offres a été reportée au 21 octobre.

DOUBLER LE RÉSEAU ÉLECTRIQUE D'UN RÉSEAU NUMÉRIQUE

François Brottes a en outre estimé que l'entrée programmée de la CDC et de CNP Assurances au tour de table de la société n'entraverait pas le projet d'entreprise de RTE, qu'il préside depuis septembre 2015.

"Concrètement, l'évolution du capital ne nous empêchera pas de déployer notre projet industriel et notre projet d'entreprise. Compte tenu de l'activité de notre nouvel actionnaire, elle va même renforcer nos liens avec les territoires", a-t-il dit.

RTE veut en particulier doubler le réseau électrique d'un réseau numérique en y consacrant dans les cinq ans qui viennent environ 10% des 1,4 milliard d'euros qu'il investit aujourd'hui chaque année dans des infrastructures, sans augmenter globalement son budget d'investissements.

"Le monde électrique bouge autour de nous beaucoup plus qu'il n'a bougé pendant les cinquante dernières années", a expliqué François Brottes, qui souligne le développement des énergies renouvelables ou encore des phénomènes d'effacement, d'optimisation et d'autoproduction.

"L'idée est donc de doubler le réseau électrique d'un réseau numérique avec des capteurs, des systèmes de stockage et des postes intelligents pour qu'on soit en capacité d'être toujours dans l'anticipation."

Le président de RTE a également indiqué que la société revisitait tous ses projets d'infrastructures pour prendre en compte les évolutions des consommations, des productions décentralisées et des interconnexions.

"Il y a des infrastructures qui étaient indispensables il y a dix ans et qui s'avèrent ne pas l'être aujourd'hui. Au moins deux projets - un de poste et un de ligne - ont été reportés, pour ne pas dire abandonnés. Des dizaines de projets sont concernés par ce passage en revue, même si 90% d'entre eux se feront." (Edité par Dominique Rodriguez)