Grünheide (awp/afp) - L'arrivée de Tesla en Allemagne avec la construction de sa première usine européenne prévue au sud de Berlin pourrait servir de catalyseur au virage électrique des constructeurs traditionnels allemands, que le nouveau-venu américain met d'ores et déjà sous pression.

Premier constructeur étranger à s'installer dans le pays "depuis des décennies", l'arrivée de l'entreprise d'Elon Musk est "symbolique pour le nouveau monde de l'automobile", a jugé Stefan Brazel, directeur du Center of Automotive Management.

Le ministre allemand de l'Economie, Peter Almaier, a salué mercredi une "preuve de l'attractivité" du pays pour le secteur automobile et qualifié l'arrivée du projet, qui devrait créer quelque 7.000 emplois en Allemagne, de "fantastique succès".

"Il y avait ces derniers mois une compétition assez intense entre plusieurs pays européens" a-t-il ajouté au lendemain de l'annonce par le patron du constructeur américain devant plusieurs dirigeants du monde automobile allemand réunis à Berlin.

Tesla construira sur ce futur site "des batteries, de la motorisation et des véhicules", a précisé Elon Musk, avec un début de production prévu au plus tôt en 2021.

"Je trouve ça bien, ça crée des emplois !", lance à l'AFP Mathias Wirth, habitant de Grünheide, ville de 8.000 habitants qui accueillera le méga-projet.

"C'est une grande chance pour les jeunes qui habitent ici", juge de son côté Iris Siebmann devant l'entrée de la mairie.

'Accélérer l'électromobilité'

Tesla représente aujourd'hui 30% du marché électrique en Europe de l'Ouest, selon l'analyste Mathias Schmidt, même si "les ventes en Allemagne restent décevantes". Au niveau mondial, le "Model 3" se vend par contre déjà mieux que la "Série 3" de BMW.

Pour l'instant, les ventes de modèles électriques en Allemagne sont en dessous des ambitions et le gouvernement mise un million de véhicules sur les routes d'ici 2022, soit deux ans plus tard que prévu.

"La décision d'Elon Musk va accélérer l'électromobilité en Allemagne", a commenté Ferdinand Dudenhöffer, directeur du centre de recherche automobile de l'université de Duisbourg Essen.

Surtout, la firme de M. Musk "met la pression sur les Européens et les Allemands", note Christoph Schalast, professeur à la Frankfurt School of Finance and Management.

Face aux strictes normes européennes d'émissions de CO2, les constructeurs Volkswagen, Daimler et BMW sont engagés dans une course à l'électrique mobilisant des dizaines de milliards d'euros, mais ils ont accumulé du retard.

Et si l'arrivée de Tesla ne va "pas donner des nuits blanches" aux patrons de l'automobile allemands, "le danger est qu'ils perdent en crédibilité s'ils attendent trop longtemps avec leur propre offre électrique", abonde M. Schmidt auprès de l'AFP.

Si l'arrivée du concurrent pourrait effectivement accélérer la transition électrique, les constructeurs n'ont pas peur du nouveau voisin, selon deux sources industrielles interrogées par l'AFP.

'Made in Germany'

"Tesla bénéficiera du badge 'Made in Germany', apprécié dans le monde", note M. Schmidt, et "le choix de localisation" à 35 km au sud de la capitale "est un coup de génie": le constructeur pourra bénéficier de la proximité de Berlin pour attirer "les hipsters spécialisés en informatique" tout en ayant "de la place pour une expansion" et un niveau de salaires plus bas dans ce Land de l'ex-Allemagne de l'est.

Sur scène mardi, M. Musk a cité l'"extraordinaire" ingénierie allemande comme l'une des raisons de son choix.

"Berlin a aussi le cachet qui va bien avec une marque haut de gamme", ajoute M. Dudenhöffer.

Avec un bémol majeur : "l'enfer bureaucratique" et l'histoire malheureuse du nouvel aéroport "Berlin-Brandenbourg", à proximité du site retenu par Tesla, qui aurait dû être inauguré en 2010, rappelle M. Schmidt.

L'ouverture du "BER", gouffre financier et objet de railleries dans le pays, a été repoussée sine die à cause d'une multitude de malfaçons.

Alors que l'usine chinoise de Tesla a vu le jour en moins d'un an, "nous devons définitivement avancer plus vite que l'aéroport", a martelé le patron milliardaire Elon Musk.

Les travaux débuteront au premier trimestre 2020 pour un montant d'investissements de plusieurs milliards d'euros, selon le ministre de l'Economie du Land de Brandebourg, cité par DPA.

afp/rp