Paris (awp/afp) - Le PDG de TF1 Gilles Pélisson a appelé jeudi à un "rééquilibrage" des relations avec les opérateurs télécoms et entamé un bras de fer, pour qu'ils partagent les revenus issus de la diffusion des chaînes par internet.

"Il est légitime que les revenus (de TF1, ndlr) dépendent non seulement de la publicité à la télévision, mais désormais aussi de l'internet (...) il n'est pas normal que l'opérateur garde cet argent", a-t-il déclaré, au cours de l'assemblée générale des actionnaires du groupe.

Le leader de la télévision en France menace de suspendre la diffusion aux opérateurs de télécoms de ses chaînes gratuites -- TF1, TMC, NT1, HD1 et LCI --, s'ils n'acceptent pas de le rémunérer en échange.

Dans un premier temps, cela concerne la diffusion des chaînes en "OTT", c'est-à-dire leur visionnage via internet sur les ordinateurs et les terminaux mobiles, mais l'arrêt pourrait être étendu ensuite aux box, si les fournisseurs d'accès n'obtempèrent pas.

TF1 a envoyé cet ultimatum sous forme de courriers recommandés à des opérateurs de télécoms et à Canal+, qui diffuse ses chaînes via l'application MyCanal.

En cas de désaccord persistant, SFR serait le premier opérateur à devoir interrompre la diffusion en OTT à la fin du mois.

"Il y a une menace sur le signal de TF1", a confirmé une source à l'AFP.

Gilles Pélisson réclame un changement de modèle économique, qui verrait les opérateurs télécoms rémunérer les groupes de télévision pour les chaînes gratuites qu'ils diffusent, ce qui se fait aux Etats-Unis et dans plusieurs pays d'Europe, notamment en Belgique.

Alors que les foyers français payent de 30 à 40 euros par mois aux opérateurs pour les abonnements "triple play" combinant téléphone, internet et télévision, "il n'est pas normal qu'une partie de cet argent ne puisse pas revenir au même diffuseur que nous sommes", estime le patron de TF1.

TF1 est d'autant plus déterminé qu'il voit les opérateurs consacrer des sommes toujours plus importantes aux contenus, payant pour diffuser certaines chaînes thématiques américaines, ou des compétitions de football, comme SFR. De diffuseurs les fournisseurs d'accès internet deviennent aussi ses concurrents.

Mais les opérateurs semblent camper sur leur positions.

Un porte-parole du groupe Orange estime que "le modèle actuel est équilibré". "Les opérateurs apportent aux éditeurs de la TNT gratuite, dont TF1, une exposition maximale de leurs chaînes auprès de leurs clients, sur tous les écrans; exposition dont elles monétisent l'audience à leur seul bénéfice" grâce à la publicité, a-t-il souligné.

Les opérateurs soulignent aussi que TF1 bénéficie de fréquences de la TNT gratuite pour émettre en hertzien, contrairement aux opérateurs télécoms qui ont acheté leurs propres fréquences à prix d'or, et ils relèvent le coût faramineux des investissements qu'ils doivent réaliser dans les réseaux.

- 49% des foyers reçoivent la TV via la box -

"Orange n'envisage pas de rémunérer la distribution d'une chaîne TNT gratuite, mais continuera à rechercher avec ses partenaires de nouveaux services créateurs de valeur au bénéfice de l'ensemble des acteurs", a ajouté le porte-parole.

TF1, qui récupère environ 10 millions d'euros à présent pour les services de replay, propose d'offrir de nouvelles fonctionnalités en échange de revenus additionnels.

Selon des informations de BFM Business publiées cet été, TF1 voudrait obtenir une centaine de millions d'euros par an.

Le groupe M6, engagé dans des négociations similaires, n'a pas voulu commenter l'initiative de TF1 mais son chef Nicolas de Tavernost s'était dit en février "très déterminé". "Si les négociations n'aboutissent pas, il faudra une sanction", avait-il souligné.

"TF1 n'est pas en position de force dans ce conflit puisqu'il risque de devoir se passer de la moitié des foyers qui passent par la box" pour recevoir la télévision, selon un observateur du secteur.

Dans le cas extrême où il priverait les opérateurs de ses chaînes, TF1 pourrait voir ses revenus publicitaires chuter, et pourrait aussi perdre les budgets publicitaires d'Orange et consorts, qui sont d'importants annonceurs.

"Nous sommes en pleines négociations" mais "dans les pays où il y a eu ce genre de tensions, ça a duré entre huit jours et un mois. A un moment, il est difficile pour un opérateur de se passer des chaînes principales d'un pays", a assuré de son côté Gilles Pélisson, confiant.

afp/rp