PARIS (awp/afp) - Stades pleins, cartons d'audience et nouveaux sponsors: le foot féminin français a bénéficié d'un rayonnement inédit grâce au Mondial, mais la bataille s'annonce rude pour faire perdurer cet engouement après l'élimination des Bleues. L'Euro n'est que dans deux ans et le championnat n'attire guère.

. Objectif 200.000

La Coupe du monde devait permettre à la France d'atteindre rapidement la barre des 200.000 pratiquantes, contre 185.000 licenciées actuellement (et 2 millions chez les garçons).

Cet objectif reste clairement dans le viseur. "En juin 2020 on y sera largement", disait à l'AFP la vice-présidente de la Fédération, Brigitte Henriques, avant le coup d'envoi du Mondial.

Une enveloppe de 15 millions d'euros a été prévue pour "l'héritage" de cette Coupe du monde, afin d'aider les clubs à accueillir de plus en plus de jeunes filles.

"L'héritage, ça a déjà été anticipé. Je sens qu'on a fait évoluer les mentalités", soulignait la secrétaire générale de la FFF et ancienne défenseure Laura Georges, vendredi soir au Parc des Princes, avant la défaite contre les Etats-Unis. "Le football féminin c'est présent, c'est maintenant, ce n'est pas un avenir, c'est le football d'aujourd'hui. Des personnes qui ne connaissaient rien au foot vont regarder le football différemment", assurait-elle.

Bonne nouvelle pour le championnat de France dames (D1), le groupe de chimie Arkema a profité du Mondial pour annoncer qu'il serait partenaire de la D1 pendant trois saisons. L'entreprise qui va accoler son nom à cette "D1 Arkema" versera 1 million d'euros par an, à partager entre les douze clubs du championnat, déjà mieux mis en valeur depuis le début de la saison grâce à la diffusion des rencontres sur les chaînes de Canal+.

Dans les stades comme à la télévision, la Coupe du monde a connu un succès aussi incontestable qu'inédit. Partout, les Bleues ont joué à guichets fermés et ont enchaîné les audiences record, avec près de 12 millions de téléspectateurs pour France-Brésil sur TF1 et Canal+ et pour le quart contre les Etats-Unis.

. "Il ne faut pas que le train passe"

Ce fol engouement va-t-il perdurer? Les Tricolores vont probablement avoir un choc en retrouvant les affluences très faibles du championnat, souvent quelques centaines de spectateurs en tribunes, hormis pour les chocs entre Lyon et le PSG.

La D1 souffre du grand écart entre les quelques grosses écuries aux salaires attractifs et des petites structures où les joueuses ne sont pas encore professionnelles. Difficile à évaluer, le salaire moyen (autour de 3.500 mensuels) cache mal les profondes disparités entre Amandine Henry ou Wendie Renard (30.000 euros mensuels brut environ) et les inconnues.

"Il faut continuer à mettre les moyens, continuer à se professionnaliser, parce que les autres pays le font et c'est peut-être pour ça qu'ils sont devant aussi. On a un bon championnat mais malheureusement toutes les équipes ne sont pas professionnelles et parfois, on nous le dit, ça peut être un championnat à deux vitesses", a rappelé l'attaquante Eugénie Le Sommer vendredi soir.

"Il y a des pays (Etats-Unis, Allemagne) qui sont en avance sur nous, il faut rattraper ce retard. Je pense même à l'Espagne qui met beaucoup de moyens, il ne faut pas que le train passe", a-t-elle prévenu, alors que le Real Madrid, rétif jusqu'ici, vient d'annoncer qu'il se lançait dans le football féminin, en rachetant le Deportivo Tacon.

Pour retrouver les Bleues en grande compétition, il va falloir en outre patienter jusqu'à l'Euro-2021 en Angleterre. Car l'élimination en quart de finale les prive d'un éventuel billet pour les Jeux Olympiques 2020, une double peine.

Cette sortie précoce face aux Américaines empêche aussi à des figures de l'équipe de devenir de véritables stars, incarnations de leur discipline auprès du grand public. La génération des Eugénie Le Sommer, Amandine Henry ou Wendie Renard n'a toujours pas gagné le titre qui lui permettrait de passer ce cap. La jeune attaquante Kadidiatiou Diani, 24 ans, l'une des révélations de ce Mondial, a peut-être le potentiel pour devenir ce porte-drapeau mais n'en est pas encore là.

En face d'elles, au Parc des Princes, les Américaines se sont présentées avec une équipe de vedettes, la très médiatique Alex Morgan ou la charismatique Megan Rapinoe, connue autant pour ses impressionnantes performances sur le terrain que pour ses prises de position contre Donald Trump.

Le chemin est encore long.

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