Paris (awp/afp) - Les stratégies d'évitement de l'impôt des multinationales font perdre à la France au moins 4,6 milliards d'euros de recettes fiscales par an, selon une note du Conseil d'analyse économique (CAE) publiée mardi, qui analyse les impacts d'une réforme internationale de la taxation de ces groupes.

Le CAE, organe rattaché à Matignon, a comparé l'impôt sur les bénéfices payé par les multinationales françaises ou étrangères en France, en distinguant des autres celles qui ont une filiale dans un paradis fiscal, et peuvent ainsi y transférer certains de leurs bénéfices.

Selon ses calculs, le taux effectif moyen d'imposition d'une multinationale française ayant au moins une filiale dans un paradis fiscal est inférieur de 26% à celui d'une multinationale équivalente mais sans présence dans un paradis fiscal. Et cela représente un manque à gagner de 3,3 milliards d'euros d'impôt.

Ce chiffre descend à 17% pour les groupes étrangers présents en France, avec un manque à gagner de 1,3 milliard d'euros.

"Il s'agit là d'une estimation conservatrice", préviennent les auteurs de l'étude, essentiellement parce que leur évaluation n'inclut pas les stratégies d'évitement qui ne passent pas par la présence dans un paradis fiscal et parce qu'ils n'ont pas pris en compte les groupes français qui auraient déjà transféré tous leurs revenus à l'étranger ou qui n'ont pas d'établissement stable en France.

Face à ce constat, que font de nombreux pays et qui s'est accentué avec la numérisation de l'économie, la communauté internationale est en train de réfléchir, sous l'égide de l'OCDE, à de nouvelles règles fiscales internationales.

Plusieurs scénarios sont sur la table avec deux enjeux: d'une part réviser les règles d'allocations des bénéfices entre les pays où les entreprises produisent et ceux où elles vendent afin de mieux répartir leurs impôts entre ces pays, et d'autre part fixer un taux minimum mondial d'impôt sur les sociétés.

Le CAE a étudié l'impact d'une telle réforme (avec plusieurs variantes) pour une quarantaine de pays, dont sept paradis fiscaux, sur leur attractivité et la variation de leurs recettes fiscales, ainsi que l'efficacité du futur système au niveau mondial.

Les résultats montrent que "redistribuer partiellement (les bénéfices) aux marchés de destination aurait un impact négligeable sur les recettes fiscales et un impact légèrement positif sur l'attractivité de la plupart des pays non-paradis fiscaux".

En parallèle, la mise en place d'un taux minimum "réduirait les transferts de bénéfices et génèrerait des gains substantiels en recettes fiscales pour tous les pays, avec peu d'effet sur leur attractivité", estime la note.

afp/al