Francfort (awp/afp) - Une guerre interne menace le conglomérat allemand Thyssenkrupp, vieux de deux siècles, avec d'un côté une direction laminée malgré l'alliance avec l'indien Tata et de l'autre des investisseurs accusés de cupidité mal-placée.

Le PDG, Heinrich Hiesinger, et le président de son conseil de surveillance, Ulrich Lehner, défenseurs de l'unité du conglomérat, ont ainsi tous les deux démissionné en juillet en raison de désaccords avec les actionnaires principaux, notamment les fonds activistes Cevian et Elliott.

Il y a moins d'un mois pourtant, la signature d'un accord de fusion des activités historiques de sidérurgie européenne avec l'indien Tata aurait dû calmer les actionnaires du groupe rhénan.

Mais Cevian, qui détient 18% des droits de vote, et Elliott (moins de 3%), exigent une mutation plus rapide du vieux conglomérat, et notamment des cessions susceptibles d'augmenter les marges du groupe et de faire remonter le cours de l'action.

"Il est clair que Thyssenkrupp est à la croisée des chemins", écrivent les analystes de la banque d'investissements Jefferies. "Une restructuration agressive pourrait être programmée".

"Terrorisme psychologique"

Ulrich Lehner avait la semaine dernière brisé l'omerta sur ce conflit en déclarant dans la presse allemande que ces actionnaires pratiquaient du "terrorisme psychologique".

Dans une interview publiée après mais réalisée quelques jours avant sa démission, M. Hiesinger évoque avec Cevian et Elliott "des investisseurs financiers qui cherchent à maximiser la valeur de leur capital aussi vite et aussi haut que possible".

"Je suis un gestionnaire dans l'industrie, pour moi, il s'agit de savoir si le groupe est bien positionné sur le long terme", avait-il dit à l'hebdomadaire Der Spiegel.

M. Lehner espère de son côté que sa démission permettra aux actionnaires de comprendre "qu'un éclatement du groupe, et la perte d'emplois qui y serait liée, n'est pas une option".

Mais pour les analystes de Jefferies, ces mots "montrent clairement qu'un éclatement est en train d'être discuté".

Outre l'acier, l'entreprise fabrique aussi des ascenseurs, sa plus importante source de bénéfices, des sous-marins, des composants automobiles et propose des installations industrielles clé en main.

Toutes ces branches pourraient être vendues ou introduites en Bourse, estiment des observateurs, signifiant la fin du groupe tel qu'on le connait.

"Vacance de pouvoir"

La fondation Alfried Krupp, qui dispose de 21% des droits de vote, est pour l'instant restée discrète. Elle a pourtant pour mission de "préserver autant que possible l'unité de l'entreprise", selon ses statuts confidentiels mais dont des extraient ont été publiés en 2013 par un journal régional.

Or la présidente de la fondation, Ursula Gather, qui s'est affichée après le départ du PDG comme garante de stabilité, a rencontré il y a plus de deux ans un actionnaire principal du groupe finlandais Kone pour discuter d'une vente de la branche des ascenseurs de Thyssenkrupp, a révélé le quotidien Handelsblatt.

"Cette information devrait fortifier la position de Cevian/Elliott", estiment les analystes de Jefferies.

"Il est raisonnable de penser que les fonds activistes sortiront en position de force" de cette "vacance du pouvoir", ajoutent les experts. Le cours de l'action a d'ailleurs bondi de plus de 8% mardi après la démission de M. Lehner.

Les syndicats, inquiets pour les quelque 159.000 employés du groupe, ont, eux, déjà fait savoir qu'ils s'opposeront à la stratégie des activistes.

Contrairement à l'attention portée sur les marchés financiers, "nous ne protégeons pas assez l'industrie et l'économie réelle", a déclaré le délégué du personnel, Wilhelm Segerath, cité par l'agence allemande DPA.

"Nous voulons essayer, avec l'ensemble des actionnaires et la fondation Krupp, de préserver l'entreprise", a-t-il annoncé.

afp/jh