Berlin (awp/afp) - Conglomérat historique en Allemagne, Thyssenkrupp a amorcé le limogeage de son patron. La procédure marque la dernière étape du duel opposant la vieille garde du géant qui prépare sa scission à plusieurs fonds actionnaires, dans un paysage industriel allemand en plein bouleversement.

Guido Kerkhoff, en poste depuis seulement 14 mois, était sous pression pour sortir Thyssenkrupp de sa mauvaise passe. Mardi, deux instances du conseil de surveillance ont recommandé "d'entamer des négociations pour mettre fin rapidement" à son mandat.

Son défi était triple: planifier la scission du conglomérat en deux entités cotées distinctes, trouver un plan B après l'échec de la fusion dans l'acier de Thyssen avec l'indien Tata et enfin sortir du giron du groupe la très rentable division des ascenseurs, concurrente du lucernois Schindler.

Déjà membre du conseil de surveillance, M. Kerkhoff avait été placé à la tête de Thyssenkrupp en juillet 2018, après la démission surprise du directeur général, Heinrich Hiesinge, et du président de son conseil de surveillance, Ulrich Lehner.

"Terrorisme psychologique"

Brisant l'omerta de rigueur au sein des grands vaisseaux industriels, les deux dirigeants s'étaient dit victimes de "terrorisme psychologique" face aux pressions de deux de ses principaux actionnaires, les redoutés fonds activistes Cevian et Elliott.

Cevian, qui détient 18% des droits de vote, et Elliott (moins de 3%), exigent depuis des années une mutation plus rapide du vieux conglomérat qui fabrique aussi bien des ascenseurs que des sous-marins et composants automobiles. Le géant propose en outre des installations industrielles clés en main.

Leur stratégie prioritaire consiste à multiplier les cessions susceptibles d'augmenter les marges du groupe et de faire remonter le cours de l'action. La plus rentable des activités de Thyssenkrupp, la fabrication d'ascenseurs dont la valorisation est estimée entre 15 et 17 milliards d'euros, s'est ainsi retrouvée au coeur de leur bras de fer avec Guido Kerkhoff.

Le nouveau dirigeant avait ouvert la porte en septembre à une vente de tout ou partie de cette activité, profitant de l'intérêt exprimé par le suédois Kone, mais les fonds actionnaires exigent eux une introduction en Bourse. Membre du Dax depuis la création de l'indice, Thyssenkrupp vient d'en être chassé pour rejoindre les valeurs moyennes du MDax, signe du déclin de sa valeur boursière, qui a fondu de près de 60% depuis 2018.

Obsolète

Et le conglomérat, formellement né de la fusion en 1998 des deux géants de l'acier Thyssen et Krupp, n'est pas le seul à plier face aux appels des actionnaires à démanteler ces cathédrales industrielles jugées obsolètes. Ainsi Siemens, autre "konzern" historique réunissant différentes activités sous un même toit, est en pleine réorganisation.

Son charismatique directeur général, Joe Kaeser, connu pour ses prises de positions politiques face à l'extrême-droite allemande, est en interne en train d'être poussé vers la sortie, assure la presse allemande à intervalles réguliers. Chez Thyssenkrupp, M. Kerkhoff sera remplacé temporairement par Martina Merz, actuelle cheffe du conseil de surveillance, et membre de la nouvelle garde toute disposée à scinder le groupe.

Dans un communiqué transmis à l'AFP, l'actionnaire Cevian a d'ailleurs affirmé soutenir "pleinement la nomination de Martina Merz" et appelé à une "accélération du processus de transformation dont Thyssenkrupp a un besoin urgent".

Si sa nomination par intérim était validée, Martina Merz, 56 ans, deviendrait la première femme à diriger une entreprise allemande de cette envergure, les 30 grandes entreprises allemandes cotées au Dax étant toutes dirigées par des hommes.

afp/vj