Tokyo (awp/afp) - Publiera, publiera pas? Le conglomérat industriel japonais Toshiba est engagé dans une course contre la montre pour annoncer ses résultats mardi, après déjà deux reports, tout en poursuivant ses restructurations tous azimuts, des puces-mémoires aux téléviseurs.

Les autorités boursières lui ont donné jusqu'au 11 avril pour rendre sa copie définitive, mais l'issue du jour paraît incertaine.

Selon les dernières informations de presse, Toshiba s'oriente vers la présentation de comptes non audités pour la période d'avril à décembre 2016, faute d'aval définitif de ses commissaires aux comptes.

Ceux-ci doutent des conclusions d'une enquête interne menée au sein de la filiale nucléaire américaine Westinghouse, rapporte le quotidien économique Nikkei. Ils réclament donc une poursuite des investigations pour déterminer l'étendue des pressions exercées par des dirigeants de l'entité pour minimiser des pertes, car cela pourrait remettre en cause les résultats passés.

S'il échoue à publier ses comptes, Toshiba devra réclamer une troisième extension, une faveur qui n'a jamais été accordée dans l'histoire de la Japan Inc. En cas de refus, il aura huit jours ouvrables pour s'exécuter ou s'exposera à une radiation de la Bourse de Tokyo.

- Offre à 25 mds EUR -

Dans ce fiasco, Toshiba, colosse plus que centenaire aux 188.000 employés et au chiffre d'affaires de 5.668 milliards de yens l'an dernier, s'active sur plusieurs fronts pour redresser sa désastreuse situation financière. Il a dit redouter une perte nette de 1.010 milliards de yens (8,6 milliards d'euros au cours actuel) sur l'exercice 2016/17, clos fin mars.

D'abord, le désengagement de ses activités nucléaires à l'étranger. Il a donné son aval fin mars au dépôt de bilan de Westinghouse, dans l'espoir de vendre au plus vite cette unité bien encombrante. Effet collatéral toutefois, le français Engie a dans la foulée réclamé à Toshiba le rachat de sa part de 40% dans leur coentreprise NuGen, impliquée au Royaume-Uni.

"Toshiba risque désormais de mettre plus de temps pour se retirer de ses projets nucléaires", a commenté lundi dans une note Masako Kuwahara, analyste de l'agence Moody's au Japon. Il va être "difficile" pour le groupe de trouver des investisseurs "étant donné la non rentabilité du secteur et un environnement réglementaire amené à devenir de plus en plus strict", poursuit-il.

Autre mesure, la cession de sa division de puces-mémoires, pépite technologique qui affiche une belle forme et a attiré l'intérêt d'une dizaine de sociétés étrangères, selon la presse, parmi lesquelles le taïwanais Hon Hai/Foxconn qui a avalé il y a peu un autre japonais, Sharp.

L'offre évoquée dans les médias est alléchante (près de 3.000 milliards de yens, soit 25,5 milliards d'euros), mais les pouvoirs publics veillent au grain, désireux de garder la main sur cette activité stratégique.

- Les TV abandonnées aussi -

Toshiba, avec le soutien du puissant ministère de l'Industrie (Meti), tente de convaincre des compagnies japonaises d'investir au sein d'un consortium public-privé, a précisé le Nikkei. Mais elles pourraient être rebutées par l'ampleur des investissements requis dans ce domaine pour rester dans la compétition, avertit le journal.

Toshiba est deuxième sur ce marché des mémoires pour smartphones, tablettes et ordinateurs, derrière le sud-coréen Samsung.

Enfin, le conglomérat parachève son tournant vers une clientèle professionnelle en délaissant ses activités d'électronique grand public.

Après un premier scandale comptable en 2015, il avait déjà vendu la majorité de sa filiale d'électroménager au chinois Midea, et abandonné la fabrication de téléviseurs hors du Japon, en conservant toutefois la marque sous licence.

Désormais, il entend jeter l'éponge dans l'archipel aussi: le groupe turc Vestel a confirmé lundi des discussions à ce sujet. Un tournant symbolique pour un groupe qui s'illustra en 1960 par le premier téléviseur couleur japonais.

A la Bourse de Tokyo, l'action, laminée depuis la révélation des déboires nucléaires du groupe fin 2016, chutait mardi matin de 5% à 218 yens.

afp/al