* L'Iran domine les échanges au sommet européen de Sofia

* La France écarte des mesures de représailles

* La situation favorise Pékin et Moscou-Macron (Actualisé avec autres déclarations, contexte)

SOFIA, 17 mai (Reuters) - Une "guerre stratégico-commerciale" avec les Etats-Unis sur l'Iran serait contre-productive, a estimé jeudi Emmanuel Macron, écartant toute idée de représailles contre Washington, dont la décision de sortir de l'accord sur le nucléaire menace les entreprises européennes présentes sur le sol iranien.

Les Européens, au premier rang desquels la France, l'Allemagne et le Royaume-Uni, sont engagés depuis une semaine dans une offensive diplomatique pour tenter de préserver les intérêts de leurs entreprises présentes dans la République islamique et sauver l'accord de 2015.

Cette question a dominé les échanges entre les 28 dirigeants européens réunis à Sofia pour un sommet entre l'UE et les Balkans occidentaux et qui ont affiché leur "unité" face à cette décision unilatérale des Etats-Unis.

"Nous avons collectivement confirmé la volonté européenne de préserver les bénéfices de l'accord y compris pour l'Iran et de protéger les intérêts légitimes de nos entreprises", a dit le président français lors d'une conférence de presse.

Pour autant, "on ne va pas devenir les alliés de l'Iran contre les Etats-Unis d'Amérique", a-t-il souligné. "Nous n'allons pas enclencher une guerre stratégico-commerciale avec les Etats-Unis sur le cas de l'Iran".

"On ne va pas sanctionner ou contre-sanctionner des entreprises américaines pour répondre sur ce sujet-là, ça n'aurait pas de sens, y compris géopolitiquement par rapport à ce que nous voulons faire, parce que l'objectif final est quand même d'avoir cet accord large et d'obtenir une signature américaine".

Cet "accord large", proposé par Emmanuel Macron lors de sa visite à Washington fin avril et qui vise à couvrir la question du nucléaire iranien après 2025, le programme balistique et l'influence régionale de l'Iran, a été accepté sur le principe par Donald Trump.

NE PAS CONTRAINDRE LES ENTREPRISES

La marge de manoeuvre de Européens face aux Etats-Unis s'annonce toutefois étroite et plusieurs diplomates ne cachaient pas leur pessimisme ces derniers jours.

A Bruxelles, les choses se mettent en place - la Commission européenne va entreprendre vendredi l'activation de la "loi de blocage" censée protéger les entreprises européennes des sanctions que les Etats-Unis s'apprêtent à réinstaurer.

Ce mécanisme, datant de 1996, permet aux entreprises et tribunaux européens de ne pas se soumettre à des réglementations relatives à des sanctions prises par des pays tiers. Les gouvernements de l'Union la considèrent toutefois plus comme une arme politique que comme un instrument juridique pratique car elle est assez vague et difficile à mettre en oeuvre.

L'inquiétude des entreprises ne faiblit pas. Total a annoncé mercredi qu'il pourrait ne pas poursuivre son projet South Pars 11 (SP11) et mettre fin à toutes les opérations qui y sont liées, "à moins qu'une dérogation propre au projet ne soit accordée par les autorités américaines, avec le soutien des autorités françaises et européennes".

"Nous n'allons pas contraindre des entreprises à rester", a déclaré Emmanuel Macron. "Le président de la République n'est pas de PDG de Total, ce que je souhaite c'est que les entreprises aient la garantie par rapport à la pertinence du marché iranien de rester ou pas."

Il n'en reste pas moins que la décision américaine risque de favoriser les positions russe et chinoise dans la région, a reconnu le chef de l'Etat.

"Est-ce que l'Europe a intérêt et peut agir aussi vite sur le plan commercial et économique dans la région? Non, pour une raison simple, nous, nous sommes des partenaires de l'économie mondiale", a-t-il dit. "Nous avons un partenariat avec les Etats-Unis, ils sont en désaccord sur ce sujet avec nous, est-ce que pour autant il faut déchirer ce partenariat et dire nous allons avoir une stratégie à la russe ou à la chinoise ? C'est évidemment ridicule".

"Donc oui, à court terme, il se peut que ce soient les entreprises chinoises et russes qui sur ce marché soient avantagées, mais moi, ma priorité n'est pas commerciale et financière, sur le marché iranien, elle est géopolitique, elle est d'éviter une escalade et d'aider à ouvrir l'économie de la société iranienne", a-t-il ajouté. (Gabriela Baczynska et Andreas Rinke, avec Jean-Baptiste Vey et Marine Pennetier à Paris, édité par Yves Clarisse)