Paris (awp/afp) - A mi-chemin entre l'Ecosse et la Norvège, le champ marin de Culzean fournira 5% du gaz consommé au Royaume-Uni, se réjouit Total, qui va démarrer son exploitation dans les prochains jours, témoignant d'un regain d'intérêt pour la mer du Nord.

"Il y a de la vie à revendre" en mer du Nord, a affirmé le responsable du projet, Claus Vissing-Jorgensen, lors d'une présentation du site à la presse organisée récemment.

Véritables immeubles de plusieurs étages plantés au milieu de la mer du Nord, les trois plateformes peintes de rouge et de jaune vif détonnent sur les vagues sombres qui viennent lécher les pieds des installations.

Selon un employé, si les plateformes surplombent tranquillement la mer en été, des vagues grandes comme des maisons peuvent s'inviter en hiver jusqu'aux passerelles qui les relient entre elles.

Ceux qui ont travaillé sur le projet de Culzean depuis le début connaissent déjà bien les lieux, puisque l'élaboration du site à commencé en 2015, sous la houlette du géant danois Maersk.

Mais si la météo tumultueuse de la mer du Nord n'a pas empêché la construction du complexe, une tempête a aussi secoué le marché et fait plonger les cours du gaz et du pétrole.

Des revenus en baisse ont poussé Maersk à se concentrer sur ses activités de transports maritimes et à vendre sa branche d'exploration pétrolière à Total, les 49,99% de part du projet Culzean compris.

Total est donc désormais opérateur du projet dans lequel il est majoritaire, avec BP et JX Nippon comme partenaires.

Clone informatique

Pour pouvoir rentabiliser sa production dans une zone aux coûts élevés, Total compte sur de nouvelles technologies pour la maintenance. Les installations de Culzean sont ainsi modélisées intégralement sur ordinateur, une innovation héritée de Maersk qui pourrait permettre à Total de réaliser des économies.

Les quelque 180 employés sur place peuvent par exemple scanner des codes situés sur les infrastructures qu'ils sont chargés de maintenir. Ils transmettent alors des informations à une équipe d'assistance de 650 personnes campée dans la ville écossaise d'Aberdeen, à 230 kilomètres de là, détaille M. Vissing-Jorgensen.

Ce type d'innovation technologique n'a d'ailleurs pas profité qu'au groupe français dans cette région.

"La production en mer du Nord a augmenté de 20% sur les cinq dernières années, c'est assez remarquable pour un bassin mature", explique à l'AFP Paul de Leeuw, directeur de l'Institut du pétrole et du gaz de l'Université Robert Gordon d'Aberdeen.

Selon lui, la "renaissance" de la mer du Nord est également due à une fiscalité très encourageante, notamment au Royaume-Uni.

Bassin à bout de souffle

Les autorités britanniques cherchent à encourager l'activité dans un bassin dont l'exploitation représente 280'000 emplois dans le pays, soit presque moitié moins qu'à son apogée en 2014.

Mais la moitié des ressources ont déjà été pompées. Malgré le rebond des cinq dernières années, la production en mer du Nord britannique est loin des sommets atteints à la fin des années 1990 et au début des années 2000, quand elle dépassait parfois les 5 millions de barils équivalent pétrole par jour, en cumulant tous les hydrocarbures.

En 2018, l'industrie n'a pompé que 1,7 millions de barils par jour en moyenne, et la production va baisser au fil des ans, selon l'Autorité britannique du pétrole et du gaz (OGA).

Ces conditions difficiles découragent certains géants du pétrole, comme l'Américain ConocoPhillips, qui a cédé en avril ses activités dans la région.

Mais Total compte sur son expérience en mer du Nord et sur le rachat de Maersk pour tirer son épingle du jeu et devenir un maillon essentiel de l'approvisionnement en gaz du Royaume-Uni.

Le pays est en effet très demandeur de gaz, énergie qui pollue moins que le pétrole ou le charbon. Selon Total, quand le projet de Culzean atteindra son rythme-plateau de production en 2020-2021, entre 60 et 90.000 barils équivalent pétrole par jour, il produira 5% de la demande du Royaume-Uni. Ce projet devrait être exploité au moins 13 ans.

Avec ce nouveau projet et tout ce qu'il fait déjà dans la région, Total estime pouvoir bientôt fournir environ un cinquième du gaz consommé au Royaume-Uni.

De quoi rembourser un investissement de 4 milliards de dollars (presque autant en francs suisses) pour ce site, même si le groupe ne donne pas plus de détail sur la rentabilité du projet.

afp/buc