Paris (awp/afp) - Soupçonné d'avoir versé des pots-de-vin pour obtenir des contrats en Iran à la fin des années 1990, Total comparaît à partir de jeudi à Paris pour "corruption d'agents publics étrangers" en l'absence des principaux protagonistes de cette affaire ancienne, tous décédés.

Douze ans après le début de l'enquête, vingt-et-un ans après la signature des contrats incriminés, les bancs du tribunal correctionnel s'annoncent clairsemés: les trois hommes qui devaient comparaître sont morts, comme l'ancien PDG du géant pétrolier français Christophe de Margerie, ou présumés morts.

Seul prévenu restant, le groupe ne devrait trouver face à lui que le parquet de Paris: le représentant d'une association qui était partie civile est décédé lui aussi.

Dans ces conditions, ce procès maintes fois retardé, qui doit théoriquement s'achever le 19 octobre, pourrait être écourté.

L'enquête, ouverte en France fin 2006, porte sur un peu plus de 30 millions de dollars qui auraient été versés à partir d'octobre 2000 en marge de deux contrats pétrolier et gazier du géant français, conclus dans les années 1990 dans l'Iran du président Rafsandjani sur fond d'embargo américain.

Le principal contrat, d'une valeur de deux milliards de dollars, avait été signé le 28 septembre 1997 avec la société pétrolière nationale iranienne NIOC et concernait l'exploitation - par une coentreprise réunissant Total, le russe Gazprom et le malaisien Petronas - d'une partie du champ gazier de South Pars, dans le Golfe persique. Washington avait menacé les pétroliers de sanctions pour ces investissements.

Le second contrat visé par l'enquête, conclu le 14 juillet 1997 entre Total et la société Baston Limited, était lié à un important accord conclu deux ans plus tôt, en juillet 1995, pour l'exploitation des champs pétroliers iraniens de Sirri A et E, également dans le Golfe.

L'ancien PDG du groupe, Christophe de Margerie, à l'époque directeur de Total pour le Moyen-Orient, avait été renvoyé en correctionnelle pour "corruption d'agents publics étrangers" dans cette affaire. Ces poursuites se sont éteintes avec son décès à Moscou en octobre 2014 dans un accident d'avion.

Transaction aux États-Unis

Deux intermédiaires iraniens poursuivis pour complicité sont quant à eux présumés morts: l'homme d'affaires et lobbyiste Bijan Dadfar et un consultant pétrolier, Abbas Yazdi.

M. Dadfar est décédé, avait déclaré, lors d'une audience de procédure en décembre, un avocat affirmant le représenter. M. Yazdi lui aussi est mort, "des personnes ont été condamnées à Dubaï pour son enlèvement", avait expliqué son conseil.

Le tribunal n'avait toutefois reçu aucun certificat de décès.

Total, de son côté, considère que la tenue de ce procès est problématique car le groupe a déjà accepté une transaction aux États-Unis pour la même affaire.

En 2013, le pétrolier avait en effet conclu un accord d'un montant de 398 millions de dollars pour mettre fin aux poursuites dans ce pays. Il était accusé d'avoir payé "60 millions de dollars de pots-de-vin à des personnes servant d'intermédiaires avec un responsable gouvernemental iranien" sous couvert de "contrats de conseil".

Ses avocats devraient invoquer la règle dite du "non bis in idem", selon laquelle nul ne peut être poursuivi ou puni plusieurs fois pour les mêmes faits. Mais aussi souligner l'impossibilité d'un procès équitable puisque Total ne peut critiquer ou commenter cet accord américain.

Le groupe comme Christophe de Margerie ont toujours affirmé que les contrats incriminés avaient été signés "dans le respect de la loi" française et réfuté les accusations de versement de pots-de-vin ou de rétrocommissions.

En mars, la Cour de cassation a par ailleurs validé définitivement la condamnation du pétrolier à l'amende maximale de 750.000 euros dans l'affaire "Pétrole contre nourriture", pour ce même délit de "corruption d'agent public étranger".

Total s'est officiellement désengagé en août de ses projets d'investissement de plusieurs milliards de dollars en Iran, conséquence directe du rétablissement des sanctions américaines contre ce pays.

afp/ol