La Commission de régulation de l'énergie (CRE) a déclaré la semaine dernière que ni EDF ni elle-même n'étaient favorables au déclenchement de cette clause.

La CRE, autorité de régulation du secteur de l'énergie en France, n'a pas précisé quelles étaient les fournisseurs ayant demandé d'activer cette clause mais trois sources ont dit à Reuters que Total en faisait partie et jouait un rôle moteur dans ce dossier.

D'après une source, une longue bataille judiciaire est en vue tandis qu'une autre a évoqué la perspective de "pertes colossales" pour les fournisseurs dits alternatifs, alors que les prix de l'électricité sont tombés bien en-dessous des tarifs prévus dans leurs contrats existants.

Deux organisations représentant des fournisseurs alternatifs, l'A.N.O.D.E et l'AFIEG, ont lancé une procédure d'urgence auprès du Conseil d'Etat pour réclamer l'annulation de la décision de la CRE, a déclaré lundi un porte-parole de la plus haute juridiction administrative française.

Une porte-parole de l'A.N.O.D.E a refusé de s'exprimer tandis qu'il n'a pas été possible de joindre l'AFIEG.

Ces deux organisations représentent plusieurs compagnies du secteur de l'énergie comme Total, Eni, Vattenfall, Alpiq, Endesa et GazelEnergie.

EDF et Total, son principal concurrent sur le marché de détail en France, ont refusé de s'exprimer sur le sujet.

Un porte-parole d'Engie, autre grand rival d'EDF, a déclaré que le groupe n'avait pas activé la clause de force majeure dans son contrat.

La CRE a indiqué la semaine dernière que plusieurs fournisseurs d'électricité avaient réclamé l'activation de cette clause prévue dans leurs contrats "Arenh".

Ce dispositif d'accès régulé à l?électricité nucléaire historique (Arenh) permet aux fournisseurs dits alternatifs de s'approvisionner en électricité nucléaire auprès d'EDF à un prix préalablement fixé.

Les concurrents d'EDF dans la distribution d'électricité peuvent ainsi lui acheter jusqu'à 100 terawatts/heure (TWh) sur une année, soit environ un quart de sa production nucléaire, au prix de 42 euros par megawatts/heure (MWh).

"LE MARCHÉ S'EST COMPLÈTEMENT EFFONDRÉ"

Lors des dernières enchères annuelles en novembre, les prix élevés de l'électricité sur le marché de gros en Europe avaient entraîné une forte demande pour le mécanisme Arenh en France pour les approvisionnements prévus cette année.

Depuis, l'épidémie de Covid-19 et les mesures de confinement décidées pour tenter d'enrayer la propagation de la maladie ont provoqué une chute d'environ 15% de la demande d'électricité en France, selon RTE, le gestionnaire du réseau national de transport d'électricité.

Les prix de gros sont désormais loin des 42 euros/MWh payés par les fournisseurs alternatifs dans le cadre de l'Arenh.

Lundi matin, le contrat de base pour livraison en juin se négociait sur le marché à 20,40 euros/MWh tandis que le contrat pour le troisième trimestre se traitait à 26,20 euros/MWh.

"Le marché s'est complètement effondré", a dit l'une des sources à Reuters. Selon cet expert du marché français de l'électricité, il s'agit d'une situation exceptionnelle qui, si elle n'est pas traitée comme telle, pourrait briser les principes de l'Arenh dont l'objectif est de garantir une équité commerciale entre EDF et ses concurrents.

"Cela représente une perte colossale pour les fournisseurs alternatifs alors que leur concurrent (la division commerciale d'EDF-NDLR) n'aura pas à subir la même chose. C'est une forte distorsion du marché", a dit cette source.

La CRE a déclaré la semaine dernière qu'EDF s'opposait au déclenchement de la clause de force majeure.

L'autorité a pour sa part jugé "que la force majeure ne trouverait à s?appliquer que si l?acheteur parvenait à démontrer que sa situation économique rendait totalement impossible l?exécution de l?obligation de paiement de l?Arenh", ce qui, de son point de vue, n'est pas le cas dans la situation actuelle.

La CRE a déclaré qu'elle ne pouvait pas suspendre entièrement les contrats Arenh car "une telle situation créerait un effet d?aubaine pour les fournisseurs au détriment d?EDF".

EDF réclame depuis des années aux gouvernements successifs l'abandon de ce dispositif de régulation qu'il juge trop à l'avantage de ses concurrents, lesquels y ont recours quand les prix de gros sont élevés mais se tournent vers le marché quand les prix sont bas.

Le gouvernement actuel a lancé une réforme du marché de l'électricité, notamment du mécanisme Arenh.

(Avec Benjamin Mallet; version française Bertrand Boucey, édité par Jean-Michel Bélot)

par Bate Felix

Valeurs citées dans l'article : Total S.A., ENGIE, Electricité de France, Eni SpA