par Chang-Ran Kim et John Crawley

Le constructeur automobile japonais a rappelé plus de huit millions de véhicules dans le monde en raison d'un risque d'accélération involontaire. L'affaire a fait fondre de près d'un quart sa capitalisation boursière et risque d'entacher durablement sa réputation de fiabilité.

"Le rappel de Toyota est sans précédent dans l'histoire de l'industrie automobile", souligne Lee Sung-Jae, analyste de Kiwoom Securities à Séoul. "Non seulement il est énorme par son ampleur mais il porte un coup fatal à une valeur fondamentale incarnée par Toyota: la qualité de ses voitures."

Aux Etats-Unis, le numéro un mondial du secteur a été l'an dernier l'un des principaux bénéficiaires de la prime à la casse mais il est aujourd'hui la cible d'une enquête des autorités fédérales sur sa gestion du rappel de la majeure partie de sa gamme après une série d'accidents liés à des problèmes d'accélération.

Mercredi, le secrétaire aux Transports Ray LaHood a annoncé qu'il téléphonerait lui-même à Akio Toyoda, le président de Toyota, pour lui exprimer la préoccupation de l'administration Obama. Ses services, a-t-il ajouté, "vont soumettre Toyota à la torture pour s'assurer qu'il fera tout ce qu'il a promis de faire pour rendre ses véhicules sûrs".

INCERTITUDES

A moins de deux mois de la fin de l'exercice fiscal en cours, Toyota a relevé ses prévisions de résultats, une décision largement anticipée tant les analystes jugeaient pessimistes les prévisions antérieures.

Il anticipe désormais une perte d'exploitation annuelle limitée à 20 milliards de yens (159 millions d'euros) contre 350 milliards précédemment.

Ces nouvelles prévisions, précise Toyota, incluent 100 milliards de yens de coûts estimés liés aux rappels et 70 à 80 milliards de yens de ventes en moins, des montants proches des estimations des analystes.

Takahiko Ijichi, directeur exécutif senior, a déclaré que le groupe n'était pas encore en mesure d'évaluer avec précision l'impact des rappels au-delà de l'exercice en cours, qui sera clos fin mars.

"Les prévisions de bénéfices et de rentabilité de la société vont certainement baisser à cause du rappel", juge quant à elle Bénédicte Mougeot, gérante de HSBC GIF à Hong Kong. "Nous allons reconsidérer notre investissement en prenant en compte un risque accru et une rentabilité réduite."

Le consensus Thomson Reuters I/B/E/S fait ressortir l'anticipation d'une perte annuelle de 38 milliards de yens sur la base de 19 estimations.

Le trimestre octobre-décembre, le troisième de l'exercice en cours, s'est soldé par un bénéfice d'exploitation de 189 milliards de yens (1,5 milliard d'euros), dépassant nettement le consensus Thomson Reuters I/B/E/S qui ressortait à 99 milliards sur la base de trois estimations.

Il s'agit du meilleur résultat d'exploitation enregistré par Toyota en six trimestres.

Mais les investisseurs privilégient désormais les perspectives à plus long terme en tentant de déterminer combien de temps et avec quelle intensité l'impact des rappels se fera sentir.

"Il y a tout simplement trop d'incertitudes qui pèsent sur Toyota en ce moment. La meilleure chose à faire, c'est de ne pas détenir d'actions Toyota", estime ainsi Kazutaka Oshima, de Rakuten Investment Management.

Les ventes de Toyota ont déjà chuté de 16% en janvier aux Etats-Unis, son premier débouché, ce qui l'a fait chuter au troisième rang du classement des grands constructeurs, derrière General Motors et Ford.

Le groupe a néanmoins relevé sa prévision de ventes mondiales annuelles à 7,18 millions de véhicules, contre 7,03 millions jusqu'à présent. En Amérique du Nord, il table sur 2,05 millions de ventes, soit 80.000 de plus qu'auparavant. Ces chiffres incluent la filiale de camions Hino Motors et celle de petits modèles Daihatsu.

En Bourse, l'action Toyota a perdu 23% ces deux dernières semaines, ce qui se traduit par une réduction d'environ 22 milliards d'euros de sa capitalisation boursière.

Le titre a cédé 3,53% sur la seule séance de jeudi avant la publication des résultats et des nouvelles prévisions.

Chang-Ran Kim, version française Marc Angrand, édité par Dominique Rodriguez