PÉKIN (awp/afp) - Bloqué en Chine depuis belle lurette, Twitter, comme d'autres réseaux sociaux occidentaux, n'en est pas moins utilisé par les adversaires du régime communiste pour communiquer. Mais la censure sévit désormais aussi à l'extérieur de la Grande muraille informatique.

Pour échapper aux blocages imposés par Pékin à Google, Facebook et autres réseaux sociaux, les Chinois ont recours à des réseaux privés virtuels (VPN) -- des logiciels gratuits ou payants qui permettent de débloquer l'accès aux sites étrangers.

Mais des dissidents affirment avoir été forcés par la police à effacer des messages politiquement sensibles dans le cadre d'une discrète campagne de répression engagée depuis le début de l'année.

Il s'agit d'un "massacre silencieux", accuse Yaxue Cao, qui anime depuis les Etats-Unis un site internet de défense des droits de l'homme, China Change.

Un internaute qui a requis l'anonymat a expliqué à l'AFP que des policiers l'avaient obligé à supprimer ses messages critiques du Parti communiste chinois (PCC) au pouvoir diffusés sur le réseau social américain.

Après une nuit au poste, il a dû donner ses codes d'accès à ses interrogateurs qui ont effacé ses messages devant lui, avant de lui faire écrire une lettre de repentance et de le mettre en garde contre toute récidive.

"Quand on est menacé, on fait ce qu'on vous dit de faire", témoigne-t-il.

Dans certains cas, les autorités parviennent à détruire elles-mêmes des comptes qui déplaisent au régime.

La semaine dernière, M. Cao a rapporté que le compte Twitter d'un dissident condamné fin 2017 à huit ans de prison, Wu Gan, avait soudainement disparu, ainsi que ses plus de 30.000 messages représentant des années de critique du pouvoir.

'Nuisibles'

Depuis son arrivée au pouvoir il y a six ans, le président Xi Jinping a accru la surveillance de la toile et fait adopter une législation stricte en la matière.

Lundi, l'Administration nationale du cyberespace a ainsi annoncé avoir "nettoyé" près de 10.000 comptes accusés de propager des contenus "politiquement nuisibles", pornographiques, ou des rumeurs sur des réseaux chinois tels que WeChat ou Weibo.

Le renforcement de la censure sur les sites nationaux conduit de nombreux contestataires à migrer vers les sites étrangers.

"Il est tout naturel que Twitter soit dans le viseur", observe le militant Li Xuewen, détenu l'an dernier pour avoir ouvert un mémorial virtuel en hommage à Liu Xiaobo, le prix Nobel de la paix mort après neuf ans de détention.

Il a reçu le mois dernier un appel de la police passé depuis le domicile de ses parents. Les policiers lui ont expliqué qu'ils avaient reçu l'ordre "en haut lieu" de le retrouver pour lui ordonner d'effacer ses messages.

Certains internautes s'en tirent avec un simple avertissement, d'autres sont invités à effacer certains messages spécifiques.

Wen Tao, un proche de l'artiste contestataire Ai Weiwei, a aussi rapporté avoir été approché par la police le mois dernier à propos de ses messages.

Prime doublée

Il n'y a peut-être pas beaucoup de Chinois sur Twitter, mais le réseau social "permet aux dissidents de communiquer entre eux et aussi avec le monde extérieur et les médias occidentaux", relève Emily Parker, auteure d'un livre en 2014 sur les cyberdissidents.

"Pékin s'inquiète de tout ce qui pourrait s'apparenter à une organisation en ligne. Il n'est pas étonnant que Twitter soit dans le collimateur", commente-t-elle.

Face à la répression, certains préfèrent renoncer à défier les autorités, comme Li Xuewen, qui relève que "donner de la voix actuellement ne sert à rien de toute façon".

Pour expurger encore plus efficacement internet, le régulateur des médias en Chine a annoncé vendredi qu'il doublera le montant maximal de la récompense promise aux citoyens qui rapporteraient tout contenu "illégal" ou pornographique. Dès le 1er décembre, il passera de 300.000 à 600.000 yuans (38.000 à 76.000 euros).

Mais la répression se heurte parfois à des obstacles.

La semaine dernière, une université technique de Guilin (sud) a annoncé qu'elle allait contrôler les téléphones et les ordinateurs des étudiants et des enseignants pour les expurger des contenus audio ou vidéo "illégaux", a rapporté la presse officielle.

La direction semble avoir rapidement rétropédalé après une levée de boucliers du milieu universitaire, soutenu par des avocats mettant en doute la légalité de la mesure au regard de la protection de la vie privée.

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