Ajoute fin des manifestations, déclaration de Guaido et d'Abrams, tweet de Maduro

CARACAS (awp/afp) - Le chef de l'opposition vénézuélienne Juan Guaido a lancé samedi la "phase définitive" pour chasser le président socialiste Nicolas Maduro, tandis que le pouvoir en place multiplie les pressions sur Guaido, le privant de son immunité parlementaire.

"On est là et on va y rester! Tous dans la rue, pour la phase définitive qui mettra fin à l'usurpation!", a déclaré Juan Guaido, juché sur un camion équipé d'enceintes, devant des milliers de supporters massés dans l'est de Caracas, qui agitaient des drapeaux jaunes, bleus et rouges du Venezuela et des panneaux avec l'inscription "liberté".

"On est en mode survie, c'est ce à quoi nous oblige cette dictature", a confié à l'AFP Marcel Rouaix, un étudiant de 22 ans.

Pour que la mobilisation ne retombe pas, le député de centre droit, reconnu président par intérim du Venezuela par plus de cinquante pays, a appelé à une nouvelle manifestation mercredi.

Nous lançons "la montée en pression la plus grande de l'histoire", avait annoncé vendredi soir celui qui, à 35 ans, préside le Parlement, seule institution vénézuélienne tenue par l'opposition.

A Maracaibo (ouest), la deuxième ville du Venezuela, deux députés de l'opposition, Renzo Prieto et Nora Bracho, ont été brièvement arrêtés lors d'une manifestation violemment dispersée par les forces de l'ordre, a expliqué à l'AFP leur collègue parlementaire Elimar Diaz.

En réponse, le pouvoir chaviste, qui n'entend pas laisser la rue à l'opposition, a aussi fait descendre des milliers de fidèles vêtus de rouge dans la rue contre l'"impérialisme".

"Ensemble, toujours mobilisés, continuons à défendre la paix et l'indépendance nationale. Halte à l'ingérence!", a écrit Nicolas Maduro sur Twitter.

En dehors de Maracaibo, les manifestations se sont dispersées dans le calme.

Le pouvoir en place a aussi renforcé ces derniers jours la pression sur M. Guaido, le privant de son immunité parlementaire, ce qui permet la poursuite de la procédure pénale engagée à son encontre.

Arrêter Guaido: "grave erreur"

L'opposant a aussi été déclaré inéligible pour 15 ans.

Difficile d'anticiper les conséquences concrètes de ces décisions dans un pays où personne ne reconnaît la légitimité de personne.

M. Guaido lui-même a affirmé que "rien" ne l'arrêterait, bien qu'en théorie il puisse être interpellé à tout moment par les autorités.

Arrêter Guaido "serait une très grave erreur, peut-être la dernière (erreur) du régime" de Maduro, a prévenu vendredi Elliott Abrams, représentant spécial américain pour la crise vénézuélienne, dans un entretien à la chaîne NTN24.

"La réaction, je vous l'assure, sera très forte, nous avons des plans", a-t-il ajouté sans plus de détails.

Le gouvernement de Donald Trump n'exclut pas d'intervenir au Venezuela, pays qui compte les plus grandes réserves de pétrole de la planète, tandis que M. Guaido songe à demander au Parlement d'autoriser une opération militaire étrangère.

Ces manifestations ont lieu alors que le Venezuela a vécu sa pire panne d'électricité au début du mois de mars. Et depuis une dizaine de jours, des coupures de courant intermittentes plongent le pays dans le noir à intervalles réguliers et créent de graves problèmes de distribution d'eau. Les pompes à eau des habitations et des immeubles, qui fonctionnent à l'électricité, se retrouvent à l'arrêt.

Le président Maduro a appelé la population à faire des réserves d'eau, laissant entendre que le problème allait durer.

Il rend les sanctions américaines responsables des problèmes économiques du Venezuela. M. Guaido estime, lui, que c'est l'incurie du gouvernement et la corruption en son sein qui sont à blâmer.

Maduro "parie sur l'usure"

Selon un rapport interne de l'ONU consulté par l'AFP la semaine dernière, sept millions de personnes --près du quart de la population vénézuélienne-- ont besoin d'aide humanitaire et manquent de nourriture et de soins médicaux.

Le Conseil de sécurité des Nations unies va d'ailleurs se réunir mercredi à la demande de Washington, et en présence du vice-président américain Mike Pence, pour discuter de la crise humanitaire au Venezuela. Vendredi, les Etats-Unis ont annoncé de nouvelles sanctions contre 34 navires du groupe pétrolier public vénézuélien PDVSA.

"Ce n'est qu'un premier pas", a prévenu samedi John Bolton, le conseiller à la sécurité nationale de la Maison Blanche.

Les manifestations de l'opposition doivent composer avec la présence des "colectivos", ces hommes armés agissant en milice pour s'en prendre à l'opposition. M. Maduro les a appelés à maintenir l'ordre.

"On résiste", assure Larry Moreno, 65 ans, vendeur de légumes sur un marché de Caracas, qui accuse l'"opération liberté" de Guaido de servir à "camoufler" une prochaine intervention militaire américaine.

"Le gouvernement parie sur l'usure de Guaido, qui a réussi jusqu'à présent à conserver un large soutien politique et populaire", estime le politologue Luis Salamanca.

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