Paris (awp/afp) - "Où sont les preuves?": les avocats des banquiers d'UBS ont cherché lundi, au premier jour des plaidoiries, à torpiller l'accusation qui réclame 3,7 milliards d'euros au géant bancaire suisse pour une fraude "d'une ampleur exceptionnelle".

"Autrefois on regardait les dossiers à la loupe. Maintenant c'est moderne. On survole tout depuis des drones. C'est sûr que de loin on voit très bien la frontière entre la Suisse et la France", a ironisé Christian Saint-Palais, l'avocat de l'ex-numéro 2 d'UBS France.

Jeudi, le parquet national financier a requis une amende inédite en France contre la première banque privée au monde, accusée d'avoir "en parfaite conscience" illégalement démarché de riches clients français et dissimulé des milliers de comptes non déclarés.

Une sanction voulue à la hauteur du "préjudice subi" par la société. Quinze millions ont été demandés contre la filiale française d'UBS, accusée de "complicité", et des peines allant jusqu'à 500.000 euros d'amende et 2 ans de sursis contre six anciens responsables suisse et français.

Le géant bancaire avait immédiatement réagi, fustigeant "le calcul irrationnel" des amendes requises, déplorant une "approche simpliste" sans "aucune preuve des délits incriminés".

Au nom de l'ancien directeur commercial de la filiale française, Patrick de Fayet, Me Saint-Palais s'est insurgé contre "le renversement de la charge de la preuve".

"Descendre du drone"

Son client a la particularité d'avoir - vainement - initié une procédure de plaider coupable. Une façon "d'éviter des années de procédure" pour cet "homme libre", qui à l'audience, a choisi de nier en bloc toute activité illicite.

L'ex-numéro 2 d'UBS France a expliqué à la barre avoir mis en place les "carnets du lait", un "outil de contrôle" des reconnaissances d'affaires entre commerciaux français et suisses, selon lui, une comptabilité parallèle pour masquer des mouvements transfrontaliers illicites, selon l'accusation.

Ces carnets, "des brouillons" pour M. de Fayet, ont presque tous été détruits. A la demande des enquêteurs, la banque a reconstitué une partie des documents qui permettent de tracer les flux financiers. Mais "ce n'est pas parce qu'il existerait une possibilité" de délit sur "les preuves manquantes" que l'on peut en déduire la commission d'une fraude, a tonné Me Saint-Palais.

Lui qui représente le "numéro 2" d'UBS France se demande "où sont les numéros 1" et propose au tribunal de "descendre du drone" pour aller examiner les faits, un par un.

Il rappelle que le "simple contact" entre chargés d'affaires suisses et clients français de la banque ne vaut pas infraction pénale: encore faut-il prouver que le chargé d'affaires suisse était "animé de l'intention de démarcher".

Pour Me Thierry Marembert, c'est non seulement un procès sans preuve, mais aussi "un délit sans victime". Il défend Hervé d'Halluin, ancien cadre de l'agence d'UBS France à Lille, poursuivi pour complicité de démarchage bancaire illégal, pour avoir organisé deux parties de chasse au domaine de la Planquette (Pas-de-Calais), réputé pour ses battues, en 2004 et 2005.

"Il y a ceux qui ont été invités qui ont dit non, ceux qui ont dit oui et qui ne sont pas venus. L'enquête ne permet pas de dire qui était là. Personne n'a été entendu", a relevé l'avocat, citant un participant qui dit "n'avoir été témoin d'aucun acte de démarchage bancaire, ni avoir été lui-même démarché".

"Il faut quand même revenir à des faits, à des preuves, à un moment", a-t-il plaidé, avant de citer le délicieux poème de Jean Tardieu, "La Môme néant" : "Quoi qu'a dit ? - A dit rin. Quoi qu'a fait ? - A fait rin. - A quoi qu'a pense ? - A pense à rin. - Pourquoi qu'a dit rin ? - Pourquoi qu'a fait rin ? Pourquoi qu'a pense à rin ? - A' xiste pas."

"Alors, a-t-il conclu, le démarchage, a'xiste pas"

Les plaidoiries de la défense se poursuivront mercredi et jeudi.

afp/rp