Paris (awp/afp) - Jusqu'à quel point l'environnement de taux bas, voire négatifs, pénalise-t-il les banques françaises? Cette question est au coeur des préoccupations des analystes avant les publications trimestrielles du secteur, dont le coup d'envoi est prévu cette semaine.

Jeudi, BNP Paribas sera la première banque française à dévoiler ses performances pour le troisième trimestre, suivie le 6 novembre par Société Générale, le lendemain par BPCE et le 8 novembre par Crédit Agricole, à un moment où "on voit une énorme pression sur les revenus", selon Simon Outin, analyste crédit chez Alliance Global Investors.

"Nous n'avons aucun signe que ça va changer", souligne-t-il auprès de l'AFP. "Cette pression qui vient des taux bas, on commence à voir qu'elle agit à plein de niveaux différents."

Les groupes bancaires français, comme leurs rivaux européens, pestent de longue date contre l'environnement de taux très bas qui complique la tâche de faire fructifier l'argent des clients et rabote les marges sur l'activité de prêt.

Cette situation est le résultat, entre autres, de politiques menées ces dernières années par les grandes banques centrales et parties pour perdurer. Dans un contexte de multiplication des incertitudes géopolitiques, de stagnation de l'inflation et de tensions commerciales, la Banque centrale européenne a ainsi reporté l'arrêt de ses interventions anti-crise et s'apprête à relancer ses rachats de dettes.

Principale conséquence, la remontée des taux, attendue de longue date par le secteur, n'est plus à l'ordre du jour et certains évoluent même en territoire négatif, ce qui rend encore plus difficile la situation des banques.

Désormais, "on a aussi le coût des dépôts", souligne M. Outin. "Avoir des dépôts aujourd'hui c'est un désavantage compétitif, car les dépôts coûtent de l'argent aux banques dans un environnement de taux négatifs."

Les résultats trimestriels déjà publiés ailleurs en Europe dessinent une trajectoire morose pour le secteur, y compris hors de la sphère d'influence de la BCE: la suisse UBS a vu ses bénéfices fondre de 16%, la nordique Nordea est passée dans le rouge, de même que la britannique RBS, particulièrement fragilisée par les incertitudes liées au Brexit.

De l'autre côté de l'Atlantique, les grandes banques américaines ont publié ces derniers jours un bulletin de santé trimestriel plus contrasté, le niveau élevé de leurs bénéfices ne levant pas toutes les interrogations sur une possible récession de l'économie, menacée par les tensions commerciales et géopolitiques.

Régulations accrues

Les taux négatifs "sont une révolution pour tous les acteurs économiques, c'est bien la première fois dans l'Histoire que l'argent ne coûte rien et qu'on s'enrichit automatiquement en s'endettant", a souligné jeudi soir lors d'un dîner Florence Lustman, la présidente de la Fédération française de l'assurance.

Pour ne rien arranger, les groupes bancaires français sont confrontés à des exigences renforcées de fonds propres, ainsi qu'à de nouvelles obligations sur leur sécurité informatique qui gonflent encore leurs coûts.

"Beaucoup de banques européennes ont de longue date un problème de coûts. Les faibles revenus générés dans l'environnement actuel révèlent d'autant plus cette situation et incitent les banques à s'y attaquer de manière plus décisive", relevaient dans une étude récente les analystes de l'agence Standard and Poor's Global Ratings.

Pour compenser la baisse des taux, un certain nombre de banques ont choisi de mettre les bouchées doubles sur le plan commercial, notamment en augmentant sensiblement le volume des prêts.

En banque de détail, le troisième trimestre devrait être marqué par "une croissance continue de la dynamique du crédit", anticipent dans une note récente les analystes de la banque UBS, en signalant que les taux du crédit, et donc les marges, restent orientés à la baisse.

En banque de financement et d'investissement, les récentes décisions de politique monétaire se sont traduites par des "volumes décents" de transactions dans le secteur des taux fixes, des changes et des matières premières, ajoutent les analystes d'UBS, selon lesquels les volumes ont été à la hausse sur les marchés actions et dérivés.

Toutefois, dans ce secteur aussi, comme le souligne M. Outin, les établissements européens sont sous la pression d'une baisse structurelle des revenus et d'une concurrence grandissante des banques américaines.

afp/al