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BRUXELLES, 8 février (Reuters) - Les Etats de l'Union européenne ont approuvé vendredi une révision de la directive européenne sur le gaz, qui vise notamment à réglementer le gazoduc Nord Stream 2.

Cette décision, qui met fin à des mois de blocage, devrait compliquer, sans pour autant remettre en cause, la construction de ce gazoduc conçu pour relier la Russie à l'Allemagne sur 1.225 km à travers la mer Baltique.

Une proposition franco-allemande de dernière minute pour amender la nouvelle directive, et qui donne à Berlin une marge de manoeuvre plus importante dans ce projet, a été approuvée par la plupart des autres membres de l'UE.

La chancelière allemande Angela Merkel a salué l'accord.

"Concernant la directive sur le gaz, nous avons conclu un accord et cela a été possible parce que l'Allemagne et la France ont travaillé en étroite collaboration", a-t-elle dit lors d'une conférence de presse avec le président malien Ibrahim Boubacar Keita.

La France et l'Allemagne, qui ont toutes deux des entreprises engagées dans le projet, étaient en conflit ouvert sur le projet avant la réunion de vendredi.

Une source à l'Elysée a affirmé vendredi que la version amendée de la directive garantit la souveraineté de l'Europe en matière d'approvisionnement en énergie.

"Un compromis sur la directive gaz a été trouvé au Conseil (européen), quasiment à l’unanimité, sur la base d’amendements franco-allemands", a dit la source, qui a précisé que le texte avait recueilli les voix de 27 des 28 Etats membres, seule la Bulgarie ne l'ayant pas approuvé.

"L’adoption de cette directive, bloquée depuis plusieurs mois, était très importante pour la France car elle permettra un contrôle européen accru sur les projets énergétiques pour garantir une meilleure indépendance et souveraineté énergétiques de l’Union européenne", a-t-elle ajouté.

DEMANDE DE DÉROGATION

Elle impose le respect des règles européennes qui prévoient notamment que les gazoducs ne soient pas détenus directement par des fournisseurs de gaz, des tarifs équitables et qu'au moins 10% de leur capacité soit rendue accessible à des tiers.

Pour bloquer le projet initial de révision préparé par la Commission et présenté en novembre 2017, le gouvernement allemand avait oeuvré en coulisses auprès des autres capitales européennes afin de réunir une minorité de blocage et empêcher son adoption, a-t-on appris de sources diplomatiques.

L'ancien chancelier allemand Gerhard Schröder est président du comité d'actionnaires de Nord Stream.

Dans sa forme actuelle, le gazoduc détenu par la compagnie d'Etat russe Gazprom et dont la construction a déjà commencé (l'achèvement est prévu en 2020), dérogerait aux nouveaux critères européens renforcés.

Le projet est financé pour moitié par le russe Gazprom , avec une participation du français Engie

Nord Stream 2 a été un sujet de discorde en Europe: les pays de l'Est, les Etats scandinaves et les Etats baltes voient d'un mauvais oeil ce gazoduc, soulignant le risque d'une dépendance de l'UE à l'égard de Moscou, tandis que d'autres, comme l'Allemagne, font valoir ses bénéfices économiques.

Le projet alimentait également des inquiétudes au sujet de l'Ukraine, et notamment pour l'avenir des taxes qu'elle perçoit sur le transit de gaz russe via son territoire, une source de revenu vitale pour son économie.

Ce point explique l'opposition des Etats-Unis, et l'annexion de la Crimée par la Russie en 2014 n'a fait qu'amplifier les inquiétudes. Mais Angela Merkel a insisté pour que des volumes de gaz continuent de transiter par l'Ukraine, et préservent ainsi les taxes perçues par Kiev.

Des discussions sous médiation européenne sont en cours entre Moscou et Kiev sur les modalités de cet acheminement de gaz via l'Ukraine, dont le contrat en cours expire à la fin de l'année. "La Russie était en mode attentiste, mais ce compromis donne à la Commission européenne un levier majeur", a commenté une source européenne.

Des sources européennes estiment que Berlin pourrait maintenant demander une exemption des règles communautaires, ou bien boucler un accord avec Moscou sur la gestion du gazoduc, qui serait soumis à la supervision de la Commission européenne.

Les détails de la proposition pourraient encore être modifiés lors de négociations la semaine prochaine au sein de l'UE.

Selon des sources de l'UE, les modifications proposées rendraient la construction du gazoduc plus difficile et plus chère, mais permettraient tout de même de la mener à terme.

(Peter Maushagen et Alissa de Carbonnel, avec Joseph Nasr à Berlin et Jean-Baptiste Vey à Paris, Juliette Rouillon pour le service français édité par Jean-Stéphane Brosse et Henri-Pierre André)

Valeurs citées dans l'article : BASF, ENGIE, Gazprom PAO, OMV AG, Uniper SE