La cybersécurité. Un secteur porteur, cela ne fait aucun doute. Rares sont les acteurs français à émerger sur ce vaste marché : le secteur reste dominé par de gros acteurs américains et israéliens. Pourtant, l’enjeu est de taille. Stratégique même pour une nation. Wallix fait partie des challengers européens, avec une problématique de taille critique et d’économies d’échelle qui se joue ces prochaines années. Un défi riche de sens que relève Jean-Noël de Galzain. Entretien.

Jean-Noël Galzain, quel est votre parcours avant la création de Wallix en 2003 ?

"L’aventure Wallix est en quelques sortes une synthèse de mon parcours précédent : l’envie d’aventure industrielle et humaine. Diplômé en mathématiques, après quelques années dans l’audiovisuel, j’ai créé une société de services informatiques en pointe sur les logiciels libres que j’ai revendue en 2003 à Business & Décision. J’ai ensuite fondé Wallix avec l’idée d’impacter durablement la société à travers l’innovation, toujours à base de logiciels libres, en me spécialisant sur la cybersécurité. Nous avons commencé par la création d’un wall, un pare-feu, sous linux. D’où le nom ‘Wallix’. La vocation de Wallix est de permettre un monde numérique durable, fiable, qui défende la sécurité et la liberté numérique des utilisateurs. Une sorte de troisième voie entre la vision chinoise, coercitive, et un internet mondial, contrôlé par les américains. Je veux offrir des outils de cybersécurité européens qui permettent un numérique de confiance avec une maîtrise des données personnelles et des accès protégés."

Wallix en bref (Présentation S1 2019)

Votre plan Ambition 2021 vise la place de leader européen, avec 50 M€ de chiffre d’affaires. Comment comptez-vous y parvenir ?

"En tant qu’éditeur de logiciels, nous sommes positionnés sur le marché le plus dynamique de la cybersécurité, le PAM, c’est à dire la gouvernance des comptes à privilèges. Ce marché est en croissance de plus de 20% par an et a dépassé le milliard d’euros au plan mondial. Nous affichons une croissance interne moyenne annuelle de 40%, que nous espérons reproduire en 2019 et, moyennant quelques acquisitions de briques technologiques et d’acteurs au positionnement géographique complémentaire, atteindre 50 M€ de CA en 2021, soit environ 10% de parts de marché logiciel.

Cela passe par un pic d’investissement sur ce semestre avec de nombreux recrutements. Avec plus de 160 personnes aujourd’hui dans l’entreprise dont 40% dédiées à l’ingeniering et 40% à la commercialisation, nous avons désormais les moyens de continuer d’améliorer notre solution logicielle, Bastion, et de conquérir de nouveaux clients, comme le prouve la dynamique sur ce semestre avec plus de 200 nouveaux clients. Sur ce point, nous sommes en train de construire autour de Wallix tout un écosystème de partenaires revendeurs, intégrateurs et distributeurs à valeur ajoutée qui doit nous permettre de couvrir 80% du marché mondial du PAM d’ici 2021. De 200 intégrateurs et revendeurs, nous devons passer à plus de 1000, tous formés à la Wallix Academy.

Ensuite, il s’agira d’élargir nos partenariats stratégiques à d’autres professionnels de l’IT ou à de grands industriels, de la santé ou des télécoms par exemple. L’idée est d’aller plus loin en intégrant la cybersécurité à l’intérieur de leurs propres solutions, de leurs propres cloud, etc. C’est ce que l’on appelle la Security et Privacy by design. Une équipe dirigée par Mark De Simone a été mise en place au deuxième trimestre avec un objectif de nouer 80 alliances de ce type d’ici 2021. Ce plan 2018-2021, financé par notre levée de fonds de 34 M€ en 2018, doit faire de Wallix une ETI européenne dans le domaine de la cybersécurité."

Les prévisions de la société (Présentation S1 2019)

Wallix s’est introduite en Bourse en 2015 et a levé 53 M€ depuis sa création. La société a vu ses pertes se creuser au premier semestre, malgré un chiffre d’affaires en croissance organique de 35%, à 7,3 M€. A quel horizon comptez-vous être profitable ?

"Nos efforts continus d’investissement ont logiquement conduit ce semestre à une hausse des charges d’exploitation, de +40%, à 13 M€, portant le résultat d’exploitation à -3,7 M€. L’essentiel de l’effort d’investissement se retrouve dans les charges de personnel, en hausse de 2,5M€ avec près de 50 recrutements sur le semestre. Nous avons également investi dans la croissance externe, avec deux acquisitions qui seront consolidées dans les comptes à partir de juillet. Leur intégration se déroule conformément au plan prévu. Leurs offres jouent un rôle différenciateur clé dans certains appels d’offres menés par le Groupe. La deuxième partie de l’année sera dans la continuité de la première : une très forte croissance organique et des investissements toujours soutenus.

La part des charges rapportée au chiffre d’affaires devrait ainsi atteindre un point haut en 2019, avant de diminuer progressivement sous l’effet conjugué de la hausse des volumes et d’une croissance relative plus modérée des investissements. La progression du chiffre d’affaires devrait alors permettre d’absorber progressivement les charges opérationnelles pour tendre vers l’équilibre d’ici fin 2020 et atteindre l’ambition d’une marge à deux chiffres à l’issue du plan."

D’autres croissances externes sont-elles dans les tuyaux ?

"Nous allons consacrer la fin 2019 à la finalisation de l’intégration de ces deux premières acquisitions, avant de reprendre à partir de 2020 une politique plus active de croissance externe. Sur les 34 M€ levés en 2018, les deux tiers devraient y être consacrés, soit pour consolider notre offre en ajoutant des briques technologiques, soit pour accélérer notre conquête géographique."

Vous pourrez alors vous vendre à un acteur américain ?

"Pas forcément. C’est bien le drame des réussites technologiques à la françaises : elles finissent souvent par se vendre contre un gros chèque. Nous tenons à notre indépendance, et surtout à rester européens !"

Graphique Wallix Group

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