NEW YORK (awp/afp) - Si les attaques de Donald Trump contre la Banque centrale américaine (Fed) font grincer des dents à Wall Street, son offensive pour des taux d'intérêt à zéro provoque des sueurs froides dans les états majors des firmes, où on redoute une érosion des marges.

Des dirigeants du secteur bancaire ont préparé les marchés au pire cette semaine, en avertissant que l'environnement actuel de taux d'intérêt bas allait affecter leur rentabilité dans les prochains mois.

Pour y faire face, les banques n'écartent pas des cures d'austérité et une augmentation des frais et commissions perçus sur une multitude de services proposés aux ménages et aux entreprises. Elles n'envisagent pas de taxer les dépôts pour l'instant.

Jamie Dimon, le PDG de JPMorgan Chase, a indiqué que les revenus nets d'intérêts devraient être "proches de 57 milliards de dollars" en 2019, contre 57,5 milliards prévus encore en juillet.

A l'exception de Goldman Sachs et Morgan Stanley, spécialistes des activités spéculatives, les prêts et les dépôts constituent une partie importante de l'activité de financement de l'économie des banques américaines.

Tout mouvement sur les taux de la Fed a en conséquence une incidence sur les taux d'intérêt imposés aux crédits qu'elles accordent.

Face au ralentissement de l'économie mondiale, la Fed a abaissé son taux d'intérêt directeur, fin juillet, dans une fourchette comprise entre 2% et 2,25% et devrait poursuivre dans cette voie lors de sa réunion monétaire mercredi. En clair, emprunter de l'argent devrait devenir de moins en moins cher.

John Shrewsberry, le directeur financier de Wells Fargo, a prévenu que la marge d'intérêt net, soit la différence entre ce que la banque gagne en prêtant de l'argent et en rémunérant les épargnants, devrait diminuer de 6% cette année, contre un déclin de 5% annoncé en juillet.

Wells Fargo est plus exposée aux changements sur les taux que ses rivales parce qu'elle consent un prêt immobilier sur cinq aux Etats-Unis et dispose d'un gros portefeuille de crédits à la consommation.

Réduire les coûts

Les banques ont d'ores et déjà assuré qu'elles ne réduiraient pas la rémunération versée aux épargnants, mais qu'elles battraient en retraite dans la guerre aux taux attractifs que se livrent le secteur et les startups technologiques (Fintech) pour séduire les particuliers.

"Nous allons laisser tomber la bataille des dépôts", a déclaré William Demchak, PDG de PNC Financial.

"Un environnement de taux bas est négatif pour la rentabilité des banques et va probablement entraîner une nouvelle consolidation", estime l'agence de notation Moody's. Il ne serait pas surprenant de voir un grand nom de Wall Street mettre la main sur une banque régionale ou alors deux établissements locaux unir leurs forces.

"Il est très difficile pour les banques de gagner de l'argent avec des taux d'intérêts négatifs. Et si les banques ne gagnent pas d'argent, on peut difficilement avoir une économie en bonne santé", reconnaît le secrétaire américain au Trésor Steven Mnuchin.

Des périodes de taux d'intérêt bas ne sont pas forcément des moments de disette pour le secteur financier américain, qui offre divers services lucratifs aux grandes entreprises et grosses fortunes.

"L'histoire montre que de 2010 à 2015, période de taux bas, les bénéfices des banques ont augmenté à cinq occasions sur six", avance Richard Bove chez Odeon Capital.

"Elles vont continuer à gagner de l'argent mais pas à des niveaux record comme en 2018", renchérit Marty Mosby chez Vining Sparks.

JPMorgan Chase a dégagé un bénéfice record de près de 33 milliards de dollars l'an dernier, soit quasiment la capitalisation boursière actuelle de Ford (37 milliards).

Ces experts jugent que les banques peuvent augmenter les primes de risques attachées à certains prêts et développer davantage les produits et services de paiement et d'encaissement aux entreprises, tout en les aidant à optimiser la gestion de leurs liquidités (cash management).

Les banques disposent en outre d'instruments financiers -- produits dérivés, options et contrats à terme -- qui les protègent des variations des taux, dit Marty Mosby.

Enfin, elles vont probablement réduire leurs coûts, comme le courtier Charles Schwab, qui va supprimer 600 emplois, soit 3% de ses effectifs, conséquence des taux bas ayant fait diminuer de 4% ses revenus.

"Nous allons regarder de près chaque dollar que nous dépensons au quotidien", insiste M. Demchak.

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