SILFIAC (awp/afp) - Eleveurs inquiets, craintes pour l'eau, risques pour la santé humaine: l'octroi de trois permis exclusifs de recherche minière (PERM) au centre de la Bretagne à la société Variscan mines, filiale à 100% d'un groupe australien, suscite incompréhension et colère.

Manifestations, débats, mobilisation tous azimuth: la contestation ne faiblit pas après la délivrance de ces permis d'exploration signés en 2014 et 2015 par le ministre de l'Economie d'alors et actuel président de la République, Emmanuel Macron.

"C'est la double peine pour les agriculteurs: ils ne pourront plus vivre de leurs terres du fait des produits chimiques utilisés. Souvent, ils louent des gîtes et les touristes ne viendront plus dans des paysages dévastés", résume Dominique Williams. L'économie de ces territoires, fragilisés par la crise et le recul des services publics, repose sur l'agriculture, l'agroalimentaire et le tourisme vert, insiste la vice-présidente d'Umivem, une fédération d'associations environnementales.

"On manque tous d'eau dans nos exploitations en cette période de sécheresse", rappelle une agricultrice qui demande à garder l'anonymat. "Or, l'activité minière est une grosse consommatrice d'eau: où est-ce qu'on ira la chercher?", s'interroge-t-elle en pointant aussi les risques sanitaires.

Dans le massif armoricain, l'exploitation minière remonte à la préhistoire. Dans les années 1960/1970, le BRGM (Bureau de recherche géologiques et minières) a dressé un inventaire des ressources métallifères sur lequel s'appuie Variscan, d'ailleurs créée par d'anciens cadres de cet établissement public.

--Château d'eau de la Bretagne--

Le BRGM y a documenté la présence entre autres de zinc, de cuivre, de plomb, de manganèse, d'or ou d'argent. Ces gisements, considérés comme non rentables pendant des décennies, ont soudain retrouvé un intérêt économique, en particulier après la décision de l'Etat de relancer l'activité minière en 2012.

Les trois PERM d'exploration autour de Merléac et de Loc Envel, dans les Côtes d'Armor, et celui de Silfiac, à cheval sur ce même département et le Morbihan, s'étendent sur plus de 70 communes. Le secteur est de plus le château d'eau de la Bretagne.

"Variscan fait miroiter des créations d'emplois. Mais personne ne parle de tous les emplois qui vont disparaître si l'activité minière se développe dans la région", relève Mme Williams qui prône le recyclage et l'économie circulaire.

L'argument de la "mine durable" -ou mine propre-, avancé par Variscan, ne convainc personne. Et ce, bien que la société insiste sur le fait qu'il ne s'agit, à l'étape actuelle, que d'exploration. "Ils ne veulent même pas donner la composition des produits utilisés pour les carottages car ils disent que cela relève du secret industriel", s'indigne Claire Mériaux, présidente de l'association Attention Mines.

-Hulot "pour une étude indépendante"-

Au plus près du terrain, des maires sont rapidement montés au créneau, suivis par d'autres élus, dont la Région.

Sollicité dès sa nomination, le ministre de la transition écologique, Nicolas Hulot, "m'a appelé mercredi et m'a donné son accord pour une étude indépendante" sur la question, déclare à l'AFP le député Marc Le Fur (LR). "Il est temps d'aller au fond du dossier", fait valoir le parlementaire dont la circonscription inclut le PERM de Merléac.

Peu courant, six candidats aux législatives dans cette circonscription, de la France Insoumise au Front National, ont demandé à M. Hulot ainsi qu'au ministre de l'économie Bruno Le Maire l'abrogation du PERM de Merléac.

Dans leur lettre ouverte, ils expriment "leur forte détermination à défendre ce territoire contre les risques d'exploitation minière sur l'environnement, l'agriculture, l'activité économique et la santé des habitants".

Dans ce contexte, Variscan joue la discrétion, qui plus est en période électorale. "Ca ne sert à rien de s'exprimer. Tout est repris, interprété, tout le monde est sur les dents", déclare à l'AFP le président de Variscan, Jack Testard. "Heureusement, il y a la loi", dit-il, assurant qu'"il n'y a pas de calendrier fixé pour l'instant" pour les premiers carottages.

"Au départ, ce qui nous a alarmés, c'était le manque d'information de la part de Variscan", explique Lucie Guillo, du collectif Vigil'Oust qui, en un an d'existence, dépasse les 500 adhérents. "Mais si le rejet exprimé par les habitants n'est pas pris en compte par les décideurs politiques, on craint des débordements", s'alarme-t-elle.

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