Les commissions des affaires économiques et des affaires européennes réunies le mercredi 8 juillet ont adopté le rapport de leur groupe de suivi commun sur la stratégie industrielle de l'Union européenne, présenté par Alain Chatillon et Olivier Henno, qui demande une réforme rapide de la politique européenne de concurrence pour l'adapter aux évolutions de la compétition internationale et aux objectifs stratégiques de l'Union européenne à l'heure de la relance.

Sans méconnaître le caractère essentiel de cette politique européenne pour le bon fonctionnement du marché intérieur et l'intérêt des consommateurs, les rapporteurs ont identifié trois défis majeurs :

- une 'crise d'image', par exemple lors de l'échec de la fusion entre Alstom et Siemens : 'la Commission européenne est perçue comme un 'gendarme', un censeur, plutôt que comme un levier de développement économique et de compétitivité' ;

- la mondialisation des échanges, qui s'accompagne de pratiques commerciales contestables, comme 'le recours quasi-systématique de nos concurrents aux subventions publiques pour 'doper' les industries émergentes', pratiques qui génèrent des distorsions au sein du marché intérieur et échappent aujourd'hui au contrôle de la Commission ;

- la digitalisation de l'économie, qui s'accompagne de la domination d'acteurs au pouvoir de marché considérable, comme les 'GAFAM' : la Commission n'a pas fait évoluer ses concepts d'analyse pour prendre en compte des critères autres que le prix, tels que la détention de données ou les effets de réseaux.

Face à ces trois constats, les deux commissions formulent douze recommandations :

- une révision des concepts clés de l'analyse de la situation concurrentielle d'un marché (bien‑être du consommateur, horizon temporel ou marché pertinent) ;

- de nouveaux concepts d'analyse adaptés au numérique, pour prendre en compte les spécificités de cette nouvelle économie comme la gratuité de certains services, les externalités de réseau, ou l'existence d'acteurs systémiques et de plateformes verrouillant le marché ;

- de nouveaux modes de régulation ex ante, permettant de protéger les acteurs économiques européens contre lespratiques abusives d'entreprises extra‑européennes souvent subventionnées, sans attendre que la Commission démontre le préjudice subi ;

- un encadrement a priori des comportements des acteurs du numérique en situation hégémonique, notamment les plateformes, pour rétablir l'équilibre relationnel avec leurs utilisateurs ou leurs concurrents ;

- la mise en place d'une régulation ex anteégalement en matière de concentration, privilégiant des remèdes dits comportementaux, mieux adaptés et surtout moins destructeurs pour les entreprises européennes que les cessions d'actifs et autres conditions structurelles drastiques imposées par la Commission quand elle autorise une fusion ou une acquisition ;

- un suivi des situations de concurrence sectorielles avec une collaboration étroite de l'ensemble des directions générales de la Commission ;

- la création d'un Observatoire européen d'évaluation de la politique de la concurrence, indépendant, qui collecterait les données utiles et permettrait au Parlement européen d'évaluer la pertinence des décisions de la Commission en matière de concurrence et de leur suivi.

Le président Jean Bizet et la présidente Sophie Primas ont conclu que 'sans évolution, la politique de concurrence européenne risque de devenir une balle que l'Union européenne se tire dans le pied, dans un monde en mutation rapide. Elle est un atout pour notre marché intérieur mais elle doit être adaptée et articulée avec la politique commerciale et la stratégie industrielle de l'Union européenne, pour renforcer notre compétitivité sur les marchés mondiaux. Nos propositions, ambitieuses et réalistes car elles se font à traités constants, doivent être rapidement mises en œuvre par les institutions européennes dans le contexte économique actuel.'

La proposition de résolution européenne déposée par les deux rapporteurs, qui reprend les constats et les propositions formulés dans le rapport, a été adoptée par la commission des affaires européennes et sera examinée le 15 juillet prochain par la commission des affaires économiques.

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