Cour de justice de l'Union européenne

COMMUNIQUE DE PRESSE n° 207/18

Luxembourg, le 19 décembre 2018

Conclusions de l'avocate générale dans les affaires C-202/18

Presse et Information

Ilmārs Rimšēvičs/Lettonie et C-238/18 BCE/Lettonie

L'avocate générale Kokott propose à la Cour de constater que, en suspendant le gouverneur de la banque de Lettonie de ses fonctions, la République de Lettonie a manqué à ses obligations

La République de Lettonie n'apporte pas les preuves des faits de trafic d'influence reprochés au gouverneur de sa banque centrale

M. Ilmārs Rimšēvičs, gouverneur de la Latvijas Banka (banque de Lettonie), a été suspendu de ses fonctions par une décision du Korupcijas novēršanas un apkarošanas birojs (bureau de prévention et de lutte contre la corruption, Lettonie) parce qu'il est soupçonné de trafic d'influence en faveur d'une banque lettone.

Les recours introduits par M. Rimšēvičs (C-202/18) et la Banque centrale européenne (BCE) (C-238/18) à l'encontre de cette décision sont les premières affaires dont la Cour est saisie au titre de la compétence que lui confère l'article 14.2 des statuts du Système européen de banques centrales (SEBC) et de la BCE 1 pour connaître des décisions relevant les gouverneurs des banques centrales des États membres de leurs fonctions.

Cette compétence se fonde, notamment, sur le fait que les gouverneurs des banques centrales des États membres dont la monnaie est l'euro, bien que nommés et relevés de leurs fonctions par les États membres, sont également membres d'un organe d'une institution de l'Union européenne, à savoir du conseil des gouverneurs de la BCE.

Par ses conclusions de ce jour, l'avocate générale Juliane Kokott propose à la Cour de constater que, en interdisant à M. Rimšēvičs d'exercer les fonctions de gouverneur de la banque de Lettonie sans apporter à la Cour de preuves des faits qu'elle lui reproche, la République de Lettonie a manqué à ses obligations issues des statuts du SEBC et de la

BCE. Ces statuts prévoient qu'« un gouverneur ne peut être relevé de ses fonctions que s'il ne remplit plus les conditions nécessaires à l'exercice de ses fonctions ou s'il a commis une faute grave ». Comme le souligne l'avocate générale, la Cour a pour mission de déterminer si un État membre qui a relevé de ses fonctions le gouverneur de sa banque centrale a démontré à suffisance de droit que ces conditions étaient réunies.

Tout d'abord, l'avocate générale considère que les mesures adoptées en l'espèce à l'encontre de M. Rimšēvičs, bien que provisoires, n'en constituent pas moins un « relèvement de fonctions » au sens de l'article 14.2 des statuts du SEBC et de la BCE puisque cette notion s'attache, pour l'ouverture de son champ d'application, non pas à la forme d'une mesure ni de son statut en droit national, mais à sa substance et ses effets concrets. Or, en l'occurrence, les mesures imposées à M. Rimšēvičs ont bien pour effet concret de l'empêcher d'exercer ses fonctions de gouverneur de la banque de Lettonie et de membre du conseil des gouverneurs de la BCE.

Ensuite, l'avocate générale explique qu'il appartient à la Cour saisie d'un tel relèvement de fonctions, dans un premier temps, d'opérer la qualification juridique des faits reprochés au gouverneur concerné, c'est-à-dire de déterminer si ces faits sont de nature à établir que celui-ci ne

1 Protocole n° 4 sur les statuts du Système européen de banques centrales et de la Banque centrale européenne annexé au TUE et au TFUE (JO 2016, C 202, p. 230).

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remplit plus les conditions nécessaires à l'exercice de ses fonctions ou sont constitutifs d'une faute grave. Dans l'affirmative, la Cour doit, dans un second temps, au vu des éléments de preuve avancés par l'État membre concerné, examiner la réalité des faits reprochés au gouverneur en question.

D'une part, selon l'avocate générale, en l'espèce, les faits reprochés à M. Rimšēvičs seraient - si leur réalité était établie - de nature à démontrer que celui-ci ne remplit plus les conditions nécessaires à l'exercice de ses fonctions et qu'il a commis une faute grave.

D'autre part, l'avocate générale souligne que la réalité de tels faits peut être démontrée soit par un jugement au fond rendu par un tribunal indépendant d'un État membre, soit par des preuves propres à démontrer, par elles-mêmes, l'existence des faits allégués.

Or, ainsi que le constate l'avocate générale, en l'espèce, les faits reprochés à M. Rimšēvičs n'ont pas fait l'objet d'un jugement au fond rendu par une juridiction lettone, et la

République de Lettonie n'a pas non plus produit d'autres éléments de preuve devant la

Cour. Cet État membre s'est en effet contenté d'avancer, notamment, des documents établis par des autorités administratives au sujet du rôle et des prétendus agissements de M. Rimšēvičs. Ces documents contiennent certes une description des faits reprochés à M. Rimšēvičs, mais ne comportent aucun élément factuel susceptible d'établir la matérialité de ces faits. La Cour ne dispose donc d'aucun élément qui lui permettrait de vérifier le bien-fondé des allégations avancés à l'encontre de M. Rimšēvičs. Dans ces conditions, la Cour n'est pas en mesure de vérifier si les conditions posées par l'article 14.2 des statuts du SEBC et de la BCE pour le relèvement de fonctions d'un gouverneur de banque centrale sont remplies.

Partant, l'avocate générale conclut qu'en relevant M. Rimšēvičs de ses fonctions de gouverneur de la banque de Lettonie sans démontrer que les conditions posées par l'article 14.2 des statuts du SEBC et de la BCE pour un tel relèvement de fonctions étaient réunies, la République de Lettonie a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de cette disposition.

RAPPEL : Les conclusions d'un avocat général ne lient pas la Cour de justice. La mission des avocats généraux consiste à proposer à la Cour, en toute indépendance, une solution juridique dans l'affaire dont ils sont chargés. Les juges de la Cour commencent, à présent, à délibérer dans cette affaire. L'arrêt sera rendu à une date ultérieure.

Document non officiel à l'usage des médias, qui n'engage pas la Cour de justice.

Letexte intégral des conclusions est publié sur le site CURIA le jour de la lecture.

Contact presse : Antoine Briand (+352) 4303 3205.

Des images de la lecture des conclusions sont disponibles sur «Europe by Satellite » (+32) 2 2964106.

La Sté CURIA - European Court of Justice a publié ce contenu, le 19 décembre 2018, et est seule responsable des informations qui y sont renfermées.
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