Cour de justice de l'Union européenne

COMMUNIQUE DE PRESSE n° 28/19

Luxembourg, le 14 mars 2019

Arrêt dans l'affaire C-118/17

Presse et Information

Zsuzsanna Dunai/ERSTE Bank Hungary Zrt.

La législation hongroise excluant l'annulation rétroactive d'un contrat de prêt libellé en devise étrangère comportant une clause abusive relative au risque de change est contraire au droit de l'Union

L'annulation du contrat doit être possible lorsqu'il ne peut pas subsister sans la clause abusive

En mai 2007, Mme Zsuzsanna Dunai a conclu avec ERSTE Bank Hungary, une banque de droit hongrois, un contrat de prêt libellé en francs suisses (CHF). Aux termes du contrat, le prêt devait être versé au preneur en forints hongrois (HUF) et la conversion de CHF en HUF devait être réalisée en application du taux de change CHF-HUF fondé sur le cours d'achat pratiqué par la banque le jour de la mise à disposition du crédit. Le contrat prévoyait également que le prêt devait être remboursé en HUF et que le montant des remboursements serait calculé sur la base du taux de change CHF-HUF correspondant au cours de vente pratiqué par la banque le jour de chaque remboursement.

Le fait que le prêt était libellé en CHF et versé en HUF entraînait également un risque de change lié à la variation du taux de change CHF-HUF. Selon le contrat, le risque de change pesait sur le preneur du prêt. Au cours des années suivant la conclusion du contrat, le risque de change s'est concrétisé par une forte dépréciation du HUF par rapport au CHF de sorte que le montant des remboursements en HUF a augmenté considérablement.

En 2014, la Hongrie a adopté plusieurs lois (ci-après les « lois de 2014 ») afin notamment de modifier certaines clauses abusives des contrats de prêt libellé en devise étrangère, y compris celle permettant aux banques de réaliser un bénéfice au titre de l'écart de change résultant de l'application de différents cours lors du versement et du remboursement du prêt. Toutefois, les lois de 2014 n'ont pas visé les clauses de ces contrats pour autant que celles-ci concernaient le risque de change, qui continuait ainsi à peser sur les preneurs du prêt.

Les lois de 2014 prévoient également que le preneur de crédit ne peut pas faire annuler rétroactivement (c'est-à-dire avec effet pour une période antérieure à la date à laquelle une décision juridictionnelle est adoptée sur l'annulation) un contrat de prêt comportant une clause abusive non visée directement par ces lois, telle que celle relative au risque de change.

Saisi d'un litige opposant Mme Dunai à ERSTE Bank Hungary au sujet de la validité de leur contrat de prêt, le Budai Központi Kerületi Bíróság (tribunal central d'arrondissement de Buda, Hongrie)

demande à la Cour de justice de se prononcer sur la compatibilité des lois de 2014 avec la directive sur les clauses abusives 1, selon laquelle, d'une part, de telles clauses ne lient pas les consommateurs et, d'autre part, un contrat comportant de telles clauses ne peut être maintenu que dans le cas où il peut subsister sans les clauses abusives.

Par son arrêt rendu ce jour, la Cour constate, tout d'abord, que, dans la mesure où le législateur hongrois a remédié aux problèmes liés à la pratique des établissements de crédit consistant à conclure des contrats de prêt contenant des clauses relatives à l'écart de change, en modifiant ces clauses par voie législative et en sauvegardant, dans le même temps, la validité des contrats de

1 Directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs (JO 1993, L 95, p. 29).

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prêt, il s'est rallié à l'objectif poursuivi par le législateur de l'Union en matière de contrats comportant des clauses abusives. Cet objectif consiste, en effet, à rétablir l'équilibre entre les parties, tout en maintenant, dans la mesure du possible, la validité de l'ensemble d'un contrat, et non pas à annuler tous les contrats contenant des clauses abusives.

Dans ce contexte, la Cour rappelle néanmoins qu'une clause abusive doit être considérée, en principe, comme n'ayant jamais existé, de sorte qu'elle ne peut pas avoir d'effet à l'égard du consommateur, qui doit pouvoir se trouver dans la même situation en droit et en fait dans laquelle il se serait trouvé en l'absence de la clause en question.

Par conséquent, s'agissant des clauses relatives à l'écart de change, les lois de 2014 peuvent être considérées comme respectant la directive si elles permettent de rétablir, en droit et en fait, la situation dans laquelle le consommateur se serait trouvé en l'absence de telles clauses abusives, notamment en fondant un droit à restitution des avantages indûment acquis par le professionnel sur le fondement de ces clauses. Il appartient à la juridiction hongroise de vérifier si cette condition était remplie en l'espèce.

S'agissant de la clause relative au risque de change, la Cour relève que celle-ci définit l'objet principal du contrat si bien que, dans le cas où le caractère abusif de cette clause est démontré, le maintien d'un contrat comportant une telle clause ne paraît pas juridiquement possible, ce qu'il incombe toutefois à la juridiction hongroise d'apprécier.

À cet égard, la Cour constate, sur la base de la décision de renvoi, que les lois de 2014 semblent impliquer que le consommateur, lorsque celui-ci invoque le caractère abusif notamment de la clause relative au risque de change, doit demander également que le juge saisi déclare valide le contrat jusqu'à la date de sa décision. Ainsi, ces lois sont susceptibles d'empêcher que le consommateur ne soit pas lié par la clause abusive concernée et que le contrat comportant une telle clause puisse être annulé dans son ensemble s'il ne peut pas subsister sans cette clause. Il s'ensuit que, sur ces points, les lois de 2014 ne sont pas compatibles avec les exigences découlant de la directive.

RAPPEL : Le renvoi préjudiciel permet aux juridictions des États membres, dans le cadre d'un litige dont elles sont saisies, d'interroger la Cour sur l'interprétation du droit de l'Union ou sur la validité d'un acte de l'Union. La Cour ne tranche pas le litige national. Il appartient à la juridiction nationale de résoudre l'affaire conformément à la décision de la Cour. Cette décision lie, de la même manière, les autres juridictions nationales qui seraient saisies d'un problème similaire.

Document non officiel à l'usage des médias, qui n'engage pas la Cour de justice.

Letexte intégral de l'arrêt est publié sur le site CURIA le jour du prononcé.

Contact presse : Antoine Briand (+352) 4303 3205.

La Sté CURIA - European Court of Justice a publié ce contenu, le 14 mars 2019, et est seule responsable des informations qui y sont renfermées.
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Document originalhttps://curia.europa.eu/jcms/jcms/p1_1765009

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