* 20 accusés très jeunes
* Un contexte de violence persistant sur l'île
* Une quinzaine d'attentats en cause dans le procès
par Roger Nicoli
PARIS, 1er juin (Reuters) - Vingt nationalistes corses accusés de quinze attentats à l'explosif en 2007 et 2008 et baptisés par la presse locale "FLNC canal gamin" du fait de leur jeunesse comparaissent à partir de lundi devant les assises spéciales de Paris.
Ce procès s'inscrit dans un contexte de violence persistante en Corse où, dans une relative indifférence médiatique, 26 attentats non revendiqués ont touché en mai des résidences secondaires appartenant à des étrangers ou des continentaux et où 22 homicides ont été recensés en 2011.
Le procès de Paris concerne des nationalistes soupçonnés d'appartenir à une cellule ajaccienne du FLNC-UC (Front de libération nationale corse-Union des combattants), principal groupe armé indépendantiste.
Les accusés, pour la plupart détenus, répondent notamment d'association de malfaiteurs en vue de commettre des actes de terrorisme, tentatives d'assassinats, destructions, vols en bande organisée, fabrication d'explosifs, de détention d'un dépôt d'armes ainsi que d'infractions connexes, un tout passible de la réclusion à perpétuité.
Parmi les attentats examinés, figurent des plasticages de la trésorerie générale et principale, du service des douanes, de la gendarmerie, d'une banque et le tir d'une roquette antichar sur une caserne de CRS.
En outre, le procès vise trois actions particulièrement violentes qui avaient visé indirectement des personnes et fortement ému l'opinion publique en Corse, même si elles n'avaient fait aucun blessé, de manière assez miraculeuse.
Le 14 novembre 2007, peu avant minuit, le premier étage des locaux modulaires du tribunal de grande instance (TGI) d'Ajaccio, alors en travaux, avait ainsi été mitraillé depuis une voiture alors que deux policiers et un magistrat étaient présents.
Dans la nuit du 19 au 20 décembre, une grenade yougoslave contenant 3.000 billes d'acier avait explosé dans la cour de la préfecture d'Ajaccio alors qu'un policier se trouvait dans la guérite et un autre à proximité.
Le même tribunal d'Ajaccio avait ensuite été à nouveau mitraillé le 19 février 2008 en début de soirée alors que trois policiers surveillaient les locaux.
UNE OPERATION DEBUT 2008
Ces attentats ont été revendiqués par le FLNC-UC qui a alors appelé le gouvernement Fillon à "mettre en place un processus politique réaliste", à "reconnaître le peuple corse" et à cesser la "colonisation de peuplement à domination française qui tend à chasser les Corses de leur terre".
En janvier 2008, l'enquête, dirigée par la sous-direction antiterroriste de la police judiciaire, informée selon le dossier "de manière anonyme", a abouti à de jeunes Ajacciens tournant autour d'une cache d'armes contenant entre autres des fusils Kalachnikov, située dans le quartier de l'Orée du bois.
Filatures, écoutes téléphoniques et surveillances ont abouti fin mars 2008 à un vaste coup de filet.
Certains des suspects avouent leur appartenance à cette cellule du FLNC qui se serait structurée dès la fin 2007 autour d'un groupe d'amis. Le plus jeune de ces apprentis clandestins avait 19 ans. Au mois de juillet, la police a arrêté à Ajaccio deux hommes présentés comme les chefs.
La défense conteste la thèse de l'accusation qui estime que la jeunesse corse est endoctrinée. "Il s'agit pour l'accusation de tenter de montrer que des jeunes militants ont été entraînés par des plus anciens pour commettre des attentats. L'enjeu est autre que judiciaire, il est politique", dit Me Pascal Garbarini, qui défend l'un des principaux accusés.
Il nie que son client ait travaillé pour le FLNC : "on peut être nationaliste sans pour autant être un clandestin", explique-t-il.
L'association de soutien aux prisonniers nationalistes Sulidarità et les indépendantistes de Corsica Libera ont apporté jeudi leur soutien aux accusés. Ils ont indiqué que le procès devait s'inscrire "dans une perspective d'ouverture entre la Corse et la France".
Le verdict devrait être prononcé le 6 juillet. (Edité par Thierry Lévêque)