Avant toute chose et pour bien comprendre ce qui suit, je rappelle que les marchés financiers ne sont pas totalement décorrélés des réalités économiques, mais qu'ils considèrent depuis plusieurs années les banques centrales comme le véritable baromètre de leurs prises de risques, donc de leurs investissements. Les banques centrales leur ont sauvé la mise plus d'une fois et les investisseurs leur font globalement confiance. C'est comme ça, ils détestent la régulation et toutes ces choses étatiques, sauf quand il s'agit de réparer les dégâts de leurs expériences de sorcellerie financière. Quand la banque centrale n'est plus dans leur camp, c'est un peu plus compliqué. C'est le cas actuellement : en relevant les taux à tour de bras pour anéantir une inflation excessive, elles décapitent la poule aux œufs d'or, en l'occurrence le robinet de l'argent gratuit, et rudoient les marchés obligataires, qui n'étaient plus habitués à cela.

Bref, tout concourt depuis des mois à faire comprendre aux financiers qu'il faut faire pénitence le temps que les taux soient suffisamment élevés pour que la surchauffe économique se calme. La communication de la Fed et de ses petites camarades est calibrée en ce sens, à quelques rares exceptions près, comme en Chine (où le PCC dicte sa politique à la banque centrale) ou le Japon (qui n'a pas le choix à cause de son déficit).

Or vendredi, trois événements ont concouru à faire décoller les indices à Wall Street, en laissant penser que la Fed pourrait commencer à assouplir son discours à l'horizon 2023. D'abord un article de l'influent journaliste du Wall Street Journal Nick Timiraos, qui expliquait grosso modo que la Fed n'allait pas prendre le risque de faire imploser la croissance en faisant le pas de trop. Timiraos est très suivi et il se murmure dans les milieux autorisés que la banque centrale américaine en fait volontiers sa courroie de transmission privilégiée quand elle a un message à faire passer. Un peu comme quand Christine Lagarde m'appelle pour me dire "Antho, s'il te plaît, tu peux dire au monde que la BCE va relever ses taux de 200 points cette semaine pour faire suer la Meloni ?". Sauf que Christine Lagarde ne m'appelle jamais dans la vraie vie. En parallèle de l'article du Wall Street Journal, la patronne de la Fed de San Francisco, Mary Daly, a expliqué vendredi que la banque centrale allait finir par modérer ses hausses de taux pour éviter de commettre une bourde. Elle avait dit à peu près le contraire au début du mois (pas que la Fed allait commettre une bourde, mais plutôt qu'elle allait maintenir la pression). J'ajoute pour finir les déclarations dans le même sens de James Bullard, le patron de la Fed de Saint-Louis. Bullard est considéré par plusieurs économistes comme le canari dans la mine.

Coïncidence du vendredi ? Je ne crois pas. Et le marché américain non plus : le S&P500, le Dow Jones et le Nasdaq ont repris plus de 2% sur la séance et entre 4,7 et 5,8% sur la semaine. En Europe c'est plus compliqué, mais le bilan hebdomadaire est positif, même si la dernière séance de la semaine est partie dans tous les sens. La semaine qui s'ouvre sera celle de tous les records en matière de publications de résultats d'entreprises : Apple, Microsoft, Amazon aux Etats-Unis ou Novartis, SAP ou TotalEnergies en Europe, au milieu de quelques centaines d'autres.

Je complète avec les informations du weekend qui ont des répercussions économiques :

  • En Chine, Xi Jinping sort renforcé du 20e congrès du parti communiste, qui s'est achevé sur un certain nombre de symboles, comme la disparition de plusieurs leaders modérés au profit de la garde rapprochée de Xi. Et une curieuse mise en scène dont a été victime l'ancien président Hu Jintao, qui a été sorti de la salle du congrès par deux apparatchiks avant la fin de la cérémonie.
  • Au Royaume-Uni, l'ancien ministre des finances Rishi Sunak est officiellement candidat à la succession de Liz Truss. La ministre chargée des relations avec le parlement Penny Mordaunt est aussi sur le rangs. Mais l'inénarrable Boris Johnson a finalement jeté l'éponge.
  • En Italie, Mario Draghi a laissé sa place de président du conseil à Giorgia Meloni, positionnée nettement plus à droite et première femme à diriger le pays.
  • Au Japon, la Banque du Japon n'est sans doute pas étrangère à la retombée du yen de près de 152 JPY pour un USD vendredi à 148,90 JPY pour 1 USD ce matin. C'est le châtiment de Sisyphe de la BoJ.
  • En Arabie Saoudite, les tensions entre Washington et Riyad n'empêcheront pas une foultitude de grands patrons américains (et d'ailleurs) d'aller courtiser le riche émirat, qui tient son forum annuel.
  • Aux Etats-Unis, la Maison Blanche s'agite avant les élections de mi-mandat, qui auront lieu le 8 novembre. Elle est sur tous les fronts : pétrole, inflation et peut-être pression sur la banque centrale. Les plus taquins affirment qu'une hausse du S&P500 d'ici le scrutin serait la meilleure alliée des démocrates.

Les marchés d'Asie Pacifique ne sont pas tous logés à la même enseigne ce matin. Le Japon, l'Australie et la Corée sont en progression, mais la Chine souffre, en particulier Hong Kong où les valeurs technologiques font plonger le Hang Seng de 5%. Une conséquence directe de la mainmise de Xi Jinping sur le PCC, avec un discours empreint de critiques sur le laisser-aller de ses prédécesseurs. Les indicateurs avancés européens sont haussiers. Le CAC40 gagnait 0,7% à 6078 points à l'ouverture.

Les temps forts économiques du jour

Les premiers indicateurs d'activité PMI du mois d'octobre seront publiés pour les principales économies, en particulier la zone euro (10h00) et les Etats-Unis (15h45). Tout l'agenda macro ici. Cette nuit, la Chine a annoncé que son PIB du T3 a progressé de 3,9%, ce qui est supérieur au consensus (3,3%). En revanche, les ventes de détail ne se sont accrues que de 2,5%, en deçà des attentes.

L'euro est remonté à 0,9836 USD. L'once d'or se reprend à 1656 USD. Le pétrole consolide sa remontée récente, avec un Brent de Mer du Nord à 93 USD le baril et un brut léger américain WTI à 84,59 USD. Le rendement de la dette américaine à 10 ans redescend un peu à 4,17%. Le bitcoin reste scotché dans la zone 19 000 / 19 500 USD l'unité.

Les principaux changements de recommandations

  • Adidas : Goldman Sachs reste neutre avec un objectif réduit de 145 à 125 EUR.
  • Akzo Nobel : J.P. Morgan passe de neutre à souspondérer en visant 57 EUR.
  • Big Yellow : HSBC passe de conserver à acheter en visant 1250 GBp.
  • BP Plc : HSBC passe de conserver à acheter en visant 530 GBp.
  • Elis : Midcap Partners reste à l'achat avec un objectif relevé de 18 à 19 EUR.
  • Ericsson : Goldman Sachs passe d'acheter à neutre en visant 68 SEK.
  • Humana : SEB Equities passe d'acheter à conserver en visant 47 SEK.
  • Inficon : UBS reste à l'achat avec un objectif de cours réduit de 1100 à 1010 CHF.
  • ING Groep : Jefferies reste à l'achat avec un objectif de cours relevé de 13,70 à 16,30 EUR.
  • KBC : Jefferies reste à l'achat avec un objectif de cours relevé de 64 à 69 EUR.
  • Land Securities : HSBC passe de conserver à acheter en visant 648 GBp.
  • OPAP : Citigroup démarre le suivi à neutre en visant 13 EUR.
  • Renault : Berenberg reste à l'achat avec un objectif de cours relevé de 34 à 36 EUR.
  • Sika : J.P. Morgan reste à souspondérer avec un objectif de cours réduit de 206 à 203 CHF.
  • Stora Enso : Jefferies reste à l'achat avec un objectif de cours réduit de 19,15 à 17,32 EUR.
  • The British Land : HSBC passe de conserver à acheter en visant 386 GBp.
  • Tomra : ABG passe de conserver à vendre en visant 120 NOK.
  • VAT Group : J.P. Morgan reste neutre avec un objectif de cours réduit de 395 à 320 CHF.

En France

Résultats des entreprises

  • Icade : Le groupe immobilier confirme ses objectifs pour 2022 après une hausse de ses revenus sur neuf mois.

Annonces importantes (et moins importantes)

  • Les discussions entre Renault et Nissan achopperaient sur le partage des technologies, selon sources obtenues par Reuters.
  • L'Oréal visé par une plainte aux Etats-Unis sur les produits défrisants.
  • Airbus vend 10 A330 de fret à Amazon.
  • Eiffage va construire l'usine de production biopharmaceutique d'Evotec en France.
  • Imerys lance un projet d'investissement dans le lithium en France évalué à 1 Md€.
  • Atos confirme avoir été approchée par plusieurs acteurs intéressés par une potentielle acquisition de son activité Tech Foundations, mais qu'une transaction reste très incertaine.
  • Sopra Steria enregistrera une charge de 24 à 27 M€ liée à Axway en 2022.
  • Electricité de France parvient à un compromis salarial pour lever le blocage de ses centrales.
  • La justice française se saisit d'une plainte d'actionnaires d'Esso, qui vise la maison-mère Exxon Mobil, accusée de léser sa filiale.
  • Le Crédit Agricole commande 10.000 berlines à hydrogène à Hopium.
  • Inventiva présente un abstract scientifique lors du The Liver Meeting 2022 organisé par l’AASLD.
  • Autres publications du jour : Seb, ID Logistics, Icade, Lumibird, Orège

Dans le monde

Résultats des entreprises

  • Philips : Le Néerlandais lance une restructuration après ses déboires. Une charge de 300 M€ sera répartie sur les trimestres à venir.
  • Solvay : Le chimiste s'attend à un troisième trimestre record et relève ses prévisions pour l'ensemble de l'année.

Annonces importantes (et moins importantes)

  • Crédit Suisse devrait lancer une augmentation de capital de 2 MdsCHF en complément de sa restructuration, selon le SonntagsZeitung.
  • Elon Musk pourrait avoir besoin de vendre jusqu'à 10 Mds$ d'actions Tesla pour financer l'accord avec Twitter, selon Wedbush.
  • Le responsable du design industriel d'Apple envisage de démissionner, selon Bloomberg.
  • PHE (D'Ieteren) est entré en négociations exclusives avec MACIF pour la cession de son activité de réparation de vitrage spécialisée Mondial Pare-Brise.
  • ISS presse les actionnaires de Turquoise Hill Resources de rejeter l'offre d'achat de Rio Tinto.
  • Vale va se séparer de son unité de cuivre et de nickel.
  • Frasers Group (Mike Ashley) a augmenté son exposition maximale à Hugo Boss à 840 M£.
  • Shell obtient une participation minoritaire dans le projet d'expansion du GNL du Qatar.
  • Assicurazioni Generali étudie une offre sur l'américain Guggenheim avant la fin de l'année.
  • Les actifs miniers de Yamana Gold valorisés entre 6 et 8 Mds$ dans le cadre de l'offre de Gold Fields.
  • Principales publications du jour : SABIC, Cadence Design, Chugai Pharmaceutical, Nidec, Philips, Galp Energia, Pearson... Tout l'agenda ici.

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