(Actualisé avec lettres britanniques à Bruxelles)

par Elizabeth Piper

LONDRES, 19 octobre (Reuters) - Les députés britanniques ont bloqué les plans de Boris Johnson en adoptant samedi par 322 voix contre 306 un amendement qui prévoit de reporter tout vote sur l'accord de Brexit tant que la législation nécessaire à son application n'a pas été votée au Parlement.

Par leur décision, ils ont déclenché une autre loi, adoptée début septembre par les opposants à une sortie sans accord et qui a contraint le Premier ministre britannique à demander un nouveau report du divorce.

Boris Johnson, sur un ton de défi, a déclaré qu'il ne "négocierait pas" une extension de l'article 50 au-delà de la date prévue du 31 octobre. "La loi, a-t-il insisté, ne m'y contraint pas."

Dans cette loi, baptisée loi Benn du nom d'un de ses auteurs - le député travailliste Hilary Benn -, il n'est pas question de négocier, mais de solliciter ("seek") un nouveau report auprès des Européens.

CE QUE DIT LA LOI BENN

Adoptée avec l'apport de députés conservateurs et marquée du "royal assent", la loi Benn exigeait du Premier ministre qu'il "cherche à obtenir" ("seek to obtain") auprès du président du Conseil européen, Donald Tusk, une extension du calendrier de la sortie du Royaume-Uni de l'UE jusqu'au 31 janvier 2020 si le Parlement britannique n'avait pas approuvé un accord de retrait ou un divorce sans accord à la date de ce samedi 19 octobre.

Elle fixait à samedi 23h00 GMT l'heure limite pour la rédaction de cette lettre, dont elle dicte ainsi les termes.

"Cher M. le président,

"Le Parlement britannique a adopté la loi sur le retrait de l'Union européenne (N°2) 2019 ("European Union (Withdrawal) (No. 2) Act 2019"). Ses dispositions exigent désormais du gouvernement de Sa Majesté qu'il cherche une extension de la période prévue par l'article 50 alinéa 3 du traité de l'Union européenne (...) expirant présentement à 23h00 GMT le 31 octobre 2019 jusqu'au 31 janvier 2020 à 23h00 GMT.

"Je vous écris par conséquent pour informer le Conseil européen que le Royaume-Uni sollicite une nouvelle extension de la période prévue par l'article 50 alinéa 3 du traité de l'Union européenne (...). Le Royaume-Uni propose que cette période s'achève à 23h00 GMT le 31 janvier 2020. Si les parties sont en mesure de ratifier (ndlr, un accord de retrait) avant cette date, le gouvernement propose que cette période soit abrégée.

"Sincèrement vôtre,

"Le Premier ministre du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord."

CE QU'A FAIT BORIS JOHNSON

Devant la Chambre des communes, réagissant à l'adoption de l'amendement Letwin qui a torpillé, provisoirement du moins, le "miracle de Bruxelles" où il a arraché un nouvel accord jeudi, Johnson avait déclaré:

"Je ne négocierai pas de report avec l'Union européenne et la loi ne m'y contraint pas.

"Je vais dire à mes amis et mes collègues de l'UE exactement ce que j'ai dit à tous au cours des 88 derniers jours, depuis que je sers en tant que Premier ministre : que tout report serait mauvais pour ce pays, mauvais pour l'Union européenne et mauvais pour la démocratie."

Il a tenu parole, envoyant non pas une, mais trois lettres à Bruxelles.

La première est une photocopie du modèle intégré à la loi Benn. La seconde, signée par l'ambassadeur du Royaume-Uni auprès de l'UE, Tim Barrow, explique que le gouvernement est tenu par la loi de demander ce report. La troisième, rédigée par le Premier ministre britannique, indique aux Européens qu'un report du Brexit serait une erreur.

Dans un message adressé un peu plus tôt aux députés des Communes, le chef du gouvernement écrit: "Il est tout à fait possible que nos amis dans l'Union européenne rejetteront la demande parlementaire d'une nouvelle extension (ou qu'ils ne prendront pas de décision rapidement)."

CE QUE BORIS JOHNSON PEUT ENCORE FAIRE

Boris Johnson a également déclaré aux parlementaires que son gouvernement soumettrait la semaine prochaine les actes législatifs nécessaires pour quitter l'UE dans le cadre du nouvel accord le 31 octobre.

Mais cette démarche offrirait aussi la possibilité aux députés, y compris dans l'opposition, d'amender ces textes et d'essayer, pour le Parti travailliste par exemple, d'introduire l'obligation d'organiser un référendum de confirmation de cet accord.

NOUVEAU DÉBAT CE LUNDI ?

Jacob Rees-Mogg, le ministre chargé des Relations avec le Parlement, a déclaré samedi que le gouvernement envisageait de soumettre l'accord de Brexit à un débat et à un vote dès lundi.

Mais le "speaker" (président) de la Chambre des communes, John Bercow, a déclaré qu'il se prononcerait lundi sur la possibilité d'organiser ce nouveau débat.

Plusieurs parlementaires lui avaient auparavant rappelé qu'il avait lui-même exhumé sous le gouvernement de Theresa May, en mars dernier, une disposition remontant à 1604 et interdisant qu'une même question soit soumise deux fois à un vote lors d'une même session parlementaire.

DES ELECTIONS ?

Tant les conservateurs de Boris Johnson, qui n'a plus de majorité aux Communes, que l'opposition travailliste disent vouloir de nouvelles élections.

Mais le chef de file du Labour, Jeremy Corbyn, refuse de bouger sur ce front tant que le risque d'un Brexit sans accord ne sera pas écarté.

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