- Cette semaine s'ouvre à Paris le Salon International de l'Agriculture. En quoi ce rendez-vous est-il incontournable ?

Ce salon est l'occasion de renouer le contact entre les agriculteurs et le grand public. C'est un lien qui manque tant. Il y a 50 ans, nous avions tous un voisin ou un membre de famille qui était agriculteur.

Maintenant, c'est plutôt le chacun chez soi qui prime. La population et les agriculteurs vivent séparément, ils ne se parlent plus beaucoup. Il en résulte une méconnaissance des pratiques de part et d'autre, qui peut débouler sur la méfiance. On l'a vu, cette méfiance peut même se transformer en défiance !

Le salon est donc une opportunité parfaite pour renouer cette confiance. Sur les produits phytosanitaire, sur la consommation de viande, sur la sureté des aliments … autant de sujets où les points de blocages peuvent être résolus par de la discussion. Enfin, les agriculteurs, dont je fais partie, sont très heureux d'entendre ce que les citoyens ont à dire et d'échanger avec eux. Cet événement, c'est un rendez-vous incontournable.

- Quels sont les sujets d'actualité qui vont alimenter les discussions au Salon, et pourquoi ?

Le premier sujet sera, sans conteste, la politique agricole commune (PAC). Le Président de la République s'est déplacé cette semaine pour en négocier le budget, dont il faut sécuriser le montant car une bonne partie du revenu des agriculteurs provient de la PAC. Il faudra aussi réfléchir à ses fondements. Elle a été conçue pour mettre à disposition du consommateur des denrées saines et sures, à un prix modérés. On donnait ensuite des primes aux agriculteurs pour compenser leurs faibles revenus, c'était la logique. Aujourd'hui, les aides sont devenues une part importante du revenu… Comme à chaque réforme, en 2007, en 2014, il y a des inquiétudes dans le monde agricole.

Un autre sujet pourra être celui des produits phytosanitaires, et notamment les distances de non-traitement (à proximité des habitations ou des lieux sensibles). Ces dernières semblent insuffisantes pour les ONG et en même temps difficiles à accepter pour les agriculteurs. Il y aura certainement des discussions sur la consommation de viande, avec une opposition tranchée entre les agriculteurs et des associations comme L214. Ces associations créent des angoisses chez les agriculteurs, car ils se sentent injustement mis en accusation !

Les accords commerciaux feront aussi débat, dans un contexte de crise de la filière bovine et avec une année riche en négociation (CETA, MERCOSUR …). Le suicide chez les agriculteurs pourra également être au cœur des échanges, puisqu'à la demande d'Édouard Philippe, une mission parlementaire a été lancée sur le sujet. Enfin, dans le contexte de la réforme des retraites, il est possible que l'idée d'une revalorisation des pensions actuelles interroge.

- États Généraux de l'Alimentation, loi EGALIM, réforme des retraites... Quel bilan tirez-vous de l'action de la majorité en faveur des agriculteurs, et sur quel dossier faut-il aller plus loin ?

Concernant le bilan de la loi EGALIM, qui a fait suite aux états généraux, on peut observer une amélioration. Au sein de la filière laitière, des organisations de producteurs (structuration permise grâce à la loi) ont pu se créer et peser sur les négociations commerciales. Résultats, les prix ont augmentés, et les agriculteurs sont mieux rémunérés. Grace à l'ouverture de la Chine, nous avons pu observer une amélioration des exportations de la filière porcine. Au niveau du bœuf, la dynamique redémarre même s'il faudra continuer à structurer la filière. Les négociations commerciales entre les agriculteurs et les acheteurs se terminent fin février. Comme ce sont les premières qui se déroulent entièrement sous le coup de la loi EGALIM, nous devrions avoir une idée du bilan à ce moment-là.

Sur la réforme des retraites, le minimum de 1000 euros par mois pour les carrières pleines suscite beaucoup d'espoirs car 50% des agriculteurs vont prendre leurs retraites dans les 10 ans. C'est donc positif.

Pour aller plus loin, il faut continuer à travailler sur l'attractivité de la filière agricole. Le point crucial, c'est le revenu des agriculteurs. L'agriculture est un secteur qui nécessite des investissements en capital énorme, de longues heures de travail, de la passion. Mais on ne peut pas attirer des gens si on ne garantit pas un revenu décent. Sur les ouvriers agricoles, on a un également un problème de manque de main d'œuvre. Une partie s'explique par ces rémunérations plus faibles qu'ailleurs. On peut pourtant régler cela en augmentant la rentabilité des exploitations, en partageant mieux la valeur entre les agriculteurs et les acheteurs. Sur le sujet du revenu, l'organisation des filières prévu par la loi EGALIM permet de peser sur les prix et donc de mieux rémunérer les agriculteurs. C'est maintenant à eux de se saisir de ce dispositif !


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La Sté En Marche a publié ce contenu, le 21 février 2020, et est seule responsable des informations qui y sont renfermées.
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