La Commission européenne a ouvert une enquête approfondie afin de déterminer si les décisions fiscales anticipatives accordées par le Luxembourg à l'entreprise finlandaise d'emballages alimentaires Huhtamäki ont pu conférer à cette dernière un avantage injustifié par rapport à ses concurrents, en violation des règles de l'UE en matière d'aides d'État.

Mme Margrethe Vestager, commissaire chargée de la politique de concurrence, a déclaré à ce sujet: «Les États membres ne devraient pas autoriser les entreprises à mettre en place des dispositifs qui leur permettent de réduire indûment leur bénéfice imposable ce qui leur confère un avantage injustifié par rapport à leurs concurrents. La Commission mènera une enquête approfondie sur le traitement fiscal accordé par le Luxembourg à Huhtamäki, afin de déterminer si celui-ci est conforme aux règles de l'UE en matière d'aides d'État.»

L'enquête formelle de la Commission porte sur trois décisions fiscales anticipatives émises par le Luxembourg en faveur de la société luxembourgeoise Huhtalux S.à.r.l. en 2009, 2012 et 2013. La décision fiscale anticipative de 2009 a été révélée dans le cadre de l'enquête «Luxleaks» menée en 2014 par le Consortium international des journalistes d'investigation.

Huhtalux fait partie du groupe Huhtamäki, dont le siège social se trouve en Finlande. Huhtamäki est une entreprise active dans le secteur de l'emballage, notamment l'emballage de denrées alimentaires et à destination des services de restauration. En Europe, en Asie et en Australie, elle compte parmi les principales entreprises de transformation de matières plastiques et de carton en gobelets et emballages rigides, à parois minces, destinés aux denrées alimentaires et aux boissons.

Huhtalux exerce des activités de financement intragroupe. Elle bénéficie de prêts sans intérêts octroyés par une autre société du groupe Huhtamäki établie en Irlande. Ces fonds sont ensuite utilisés par Huhtalux pour financer d'autres sociétés du groupe Huhtamäki au moyen de prêts portant intérêt.

Les trois décisions fiscales anticipatives émises par le Luxembourg autorisent Huhtalux à déduire unilatéralement de sa base imposable les paiements d'intérêts fictifs liés aux prêts sans intérêts dont elle bénéficie. Selon le Luxembourg, ces dépenses fictives correspondent aux paiements d'intérêts qu'aurait exigés un tiers indépendant sur le marché pour les prêts dont Huhtalux bénéficie.

Huhtalux ne verse cependant pas ces intérêts. Ces déductions réduisent la base imposable de la société Huhtalux qui, de ce fait, est imposée sur un bénéfice nettement moindre.

À ce stade, la Commission doute que ce traitement fiscal, tel qu'il est approuvé par les décisions fiscales anticipatives luxembourgeoises, puisse être justifié. Elle craint que le Luxembourg ait accepté un ajustement unilatéral négatif de la base imposable de la société Huhtalux, susceptible de lui procurer un avantage sélectif. En effet, ce dispositif permettrait au groupe de payer moins d'impôts que d'autres entreprises autonomes ou membres d'un groupe dont le prix des transactions est déterminé conformément aux conditions du marché. Si cela devait se confirmer, cela voudrait dire que l'entreprise a bénéficié d'une aide d'État illégale.

L'ouverture d'une enquête approfondie donne au Luxembourg et aux tiers intéressés la possibilité de faire part de leurs observations. Elle ne préjuge en rien de l'issue de l'enquête.

L'infographie est disponible en haute résolution ici.

Contexte des enquêtes de la Commission sur les aides d'État dans le domaine fiscal

Les rulings fiscaux (selon le pays, on parle de «décisions anticipées en matière fiscale», de «décisions fiscales anticipatives» ou de «rescrits fiscaux») ne constituent pas un problème en soi au regard des règles de l'UE en matière d'aides d'État lorsqu'ils se limitent à confirmer que les accords fiscaux entre sociétés appartenant à un même groupe sont conformes à la législation fiscale applicable. Toutefois, les rulings fiscaux qui confèrent un avantage sélectif à certaines entreprises peuvent fausser la concurrence dans le marché unique de l'Union, en violation des règles de l'UE en matière d'aides d'État.

La Commission enquête sur les pratiques des États membres en matière de rulings fiscaux depuis juin 2013. Elle a étendu la demande de renseignements correspondante à l'ensemble des États membres en décembre 2014.

Les enquêtes suivantes relatives à des rulings fiscaux ont déjà été clôturées par la Commission:

  • En octobre 2015, la Commission a conclu que le Luxembourg et les Pays-Bas avaient accordé des avantages fiscaux sélectifs respectivement à Fiat et à Starbucks. À la suite de ces décisions, le Luxembourg a récupéré 23,1 millions d'euros auprès de Fiat et les Pays-Bas ont récupéré 25,7 millions d'euros auprès de Starbucks.
  • En janvier 2016, la Commission a conclu que les avantages fiscaux sélectifs accordés par la Belgique à au moins 35 multinationales, principalement basées dans l'UE, dans le cadre de son régime d'imposition des bénéfices dits «excédentaires», étaient illégaux au regard des règles de l'UE en matière d'aides d'État. Le 14 février 2019, le Tribunal de l'Union européenne a annulé la décision de la Commission. La Commission examine actuellement la suite à donner à cet arrêt du Tribunal.
  • En août 2016, la Commission a conclu que l'Irlande avait accordé des avantages fiscaux indus à Apple, ce qui a donné lieu à la récupération, par l'Irlande, de 14,3 milliards d'euros.
  • En octobre 2017, la Commission a conclu que le Luxembourg avait accordé des avantages fiscaux indus à Amazon, ce qui a donné lieu à la récupération, par le Luxembourg, de 282,7 millions d'euros.
  • En juin 2018, la Commission a conclu que le Luxembourg avait accordé des avantages fiscaux indus à Engie pour un montant approximatif de 120 millions d'euros. La procédure de récupération est toujours en cours.
  • En septembre 2018, la Commission a conclu que l'absence d'imposition de certains bénéfices de McDonald's au Luxembourg n'avait pas entraîné d'aide d'État illégale, étant donné qu'elle était conforme à la législation fiscale nationale et à la convention sur les doubles impositions entre le Luxembourg et les États-Unis.
  • En décembre 2018, la Commission a conclu que Gibraltar avait accordé des avantages fiscaux indus, pour un montant de quelque 100 millions d'euros, à plusieurs entreprises multinationales, au moyen d'un régime d'exonération de l'impôt sur les sociétés et de cinq rulings fiscaux. La procédure de recouvrement est en cours.

Deux enquêtes approfondies de la Commission sont également en cours au sujet de rulings fiscaux émis par les Pays-Bas en faveur d'Inter IKEA et de Nike, et une enquête est en cours au sujet d'un régime fiscal en faveur des multinationales au Royaume-Uni.

La version non confidentielle de la décision sera publiée sous le numéro SA.50400 dans le registre des aides d'État figurant sur le site web de la Commission consacré à la concurrence, dès que les éventuels problèmes de confidentialité auront été résolus. Le bulletin d'information électronique intitulé «State Aid Weekly e-News » donne la liste des dernières décisions relatives aux aides d'État publiées au Journal officiel et sur l'internet.

Informations générales concernant les modifications apportées aux règles fiscales nationales à la suite de l'affaire «Luxleaks»

Sur plus de 500 dossiers divulgués dans le cadre de l'enquête «Luxleaks» menée en 2014 par le Consortium international des journalistes d'investigation, environ 200 concernaient des sociétés et des transactions de financement intragroupe.

En janvier 2017, à la suite de discussions avec la Commission, le Luxembourg a apporté des modifications à sa législation fiscale nationale afin de rendre le traitement fiscal des sociétés de financement plus strict. Les nouvelles règles, qui concernent un nombre important de décisions fiscales anticipatives issues des dossiers «Luxleaks», visent à garantir que les sociétés de financement intragroupe sont soumises à une imposition suffisante. Ces modifications impliquent que les décisions fiscales anticipatives relatives à certaines sociétés de financement intragroupe qui ont été émises avant 2017, y compris celles issues des de l'enquête des dossiers «Luxleaks», ne lient plus les autorités fiscales luxembourgeoises.

La Sté European Commission - Directorate-General for Competition a publié ce contenu, le 07 mars 2019, et est seule responsable des informations qui y sont renfermées.
Les contenus ont été diffusés par Public non remaniés et non révisés, le07 mars 2019 11:19:01 UTC.

Document originalhttp://europa.eu/rapid/press-release_IP-19-1591_fr.htm

Public permalinkhttp://www.publicnow.com/view/5B1D8196D191A30D5428BE98F316207524F4D4C4