par Michael Martina et David Brunnstrom

WASHINGTON, 27 juillet (Reuters) - Alors que rien n'indique qu'un sommet entre les présidents Joe Biden et Xi Jinping est en préparation et que des discussions à haut niveau diplomatique n'ont débouché lundi sur aucune annonce concrète, les relations entre les Etats-Unis et la Chine apparaissent dans l'impasse, les deux camps se réclamant réciproquement des concessions pour améliorer leurs liens.

En amont du déplacement lundi de la vice-secrétaire d'Etat américain Wendy Sherman à Tianjin, dans l'est de la Chine, pour y rencontrer notamment le ministre chinois des Affaires étrangères Wang Yi, de hauts représentants américains avaient souligné que Washington accueillait favorablement la concurrence avec la Chine mais que des règles équitables et des garde-fous étaient nécessaires pour éviter un conflit frontal.

Cependant, en dépit d'indications émanant des deux camps selon lesquelles la réunion de Tianjin a été quelque peu cordiale, le ton des communiqués à l'issue des discussions s'est inscrit dans la lignée des vives tensions aperçues en mars en Alaska lors de la première réunion sino-américaine à haut niveau ministériel depuis l'arrivée de Joe Biden à la Maison blanche en janvier dernier.

Les deux plus grandes puissances économiques mondiales n'apparaissent pas disposées à négocier quoi que ce soit, préférant camper sur des listes pré-établies de doléances, même si la visite de Wendy Sherman n'a pas donné lieu à autant d'hostilité publique que lors de la rencontre entre le secrétaire d'Etat américain Antony Blinken et son homologue chinois.

Wendy Sherman a fait pression sur Pékin pour qu'il agisse concernant ce que Washington décrit comme des violations du droit international - répression à Hong Kong, "génocide" (selon le terme employé par les Etats-Unis) dans le Xinjiang et abus au Tibet.

"EFFECTUER LE PAS SUPPLÉMENTAIRE"

"Il serait erroné de présenter les Etats-Unis comme cherchant ou sollicitant d'une manière ou d'une autre la coopération de la Chine", a dit aux journalistes un haut représentant américain après les discussions de Tianjin, citant des préoccupations mondiales comme le changement climatique et les questions de l'Iran, Afghanistan et Corée du Nord.

Un autre représentant américain a déclaré qu'il appartenait à la Chine de déterminer à quelle point elle était disposée à "effectuer le pas supplémentaire" pour régler les différends entre les deux camps.

Wang Yi a lui souligné que la balle était dans le camp des Etats-Unis. "Quand il s'agit de respecter les règles internationales, ce sont les Etats-Unis qui doivent repenser les choses", a dit le chef de la diplomatie chinoise dans un communiqué, exhortant Washington à retirer les sanctions et droits de douane unilatéraux imposés contre Pékin.

Dernièrement, le ministère chinois des Affaires étrangères a laissé entendre qu'il pourrait y avoir des préconditions pour envisager une quelconque coopération avec les Etats-Unis, une ligne vue par certains analystes comme à même de figer les positions et laissant peu de place à l'hypothèse d'une amélioration des relations bilatérales.

Il est important pour les deux camps de préserver une certaine forme de dialogue, a estimé Bonnie Glaser, experte de la région Asie au German Marshall Fund, organisation politique américaine non-partisane. Rien n'indique toutefois que des réunions consécutives à celle de Tianjin sont programmées.

"Cela va probablement laisser mal à l'aise les alliés et partenaires des Etats-Unis. Ils espèrent davantage de stabilité et de prévisibilité dans les relations sino-américaines", a-t-elle dit.

Washington et Pékin devraient tous deux être déçus s'ils espèrent que l'autre cèdera en premier, a-t-elle ajouté.

"ATTENTES TRÈS FAIBLES"

Dans les cercles diplomatiques, certains s'attendent à une potentielle première rencontre entre Joe Biden et Xi Jinping en marge du sommet du G20 prévu fin octobre en Italie.

La porte-parole de la Maison blanche, Jen Psaki, a déclaré que la question d'une rencontre entre les deux dirigeants n'avait pas été abordée à Tianjin. Elle a toutefois dit s'attendre à ce que des opportunités se présentent pour échanger à un moment donné sur le sujet.

Pour le moment, tout indique plutôt que Washington pourrait accroître la pression sur la Chine avec des mesures restrictives supplémentaires et une coordination avec des alliés pour contrer la puissance et l'influence de Pékin.

L'administration du démocrate Joe Biden ne se montre pas spécialement disposée à supprimer les surtaxes douanières sur les produits chinois décidées par l'administration de l'ancien président républicain Donald Trump.

Une éventuelle coopération sur le coronavirus semble, elle, relever de l'utopie, les Etats-Unis ayant qualifié d'"irresponsable" et "dangereux" le rejet par la Chine du projet d'enquête approfondie de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) sur l'origine de la pandémie.

Quant à la lutte contre le changement climatique, une priorité de Joe Biden, la Chine ne semble pas encline à coopérer, en dépit des multiples entretiens organisés par John Kerry, l'émissaire spécial du président américain sur le climat.

D'après Scott Kennedy, spécialiste de la Chine au Centre d'études stratégiques et internationales, basé à Washington, aucun des deux camps ne voit pour le moment l'intérêt de se montrer davantage coopératif.

"Tout geste vers une coopération entraîne des coûts importants, tant au niveau domestique que stratégique", a-t-il dit. "Nous devons avoir des attentes très faibles sur l'hypothèse de voir les deux camps trouver un terrain d'entente et stabiliser leur relation dans un avenir proche". (Reportage Michael Martina et David Brunnstrom; version française Jean Terzian)