Pêle-mêle, depuis quatre mois, Donald Trump nous aura prévenus – et j’en oublie sans doute :
- De sa volonté de faire du Canada le 51ᵉ État américain, de mettre la main sur le Groenland et sur le canal de Panama et de renommer le golfe du Mexique en golfe de l’Amérique
- De faire de Gaza une station balnéaire où il ferait bon vivre
- De riposter à la “méchanceté” des États du monde entier par des Tariffs – le plus beau mot du dictionnaire, selon lui. Personne n’est épargné – ami, ennemi ni même le petit état du Lesotho qui s’est pris les plus gros droits de douane à 50 %
- Du besoin de signer un décret pour “Make America’s Showers Great Again”, autrement dit pour augmenter le débit des pommeaux de douche et ainsi permettre au président de prendre “une bonne douche pour prendre soin de ses magnifiques cheveux”
- De ses tentatives de négocier la paix en Ukraine avec un échange plutôt stupéfiant avec Volodymyr Zelensky en cherchant à obtenir avant tout un accord sur les ressources du territoire.
Voilà autant de déclarations et de décisions imprévisibles. Certaines sont sans queue ni tête. Mais leur impact est colossal sur les relations internationales et le commerce mondial – bon, peut-être pas pour le décret sur le débit des douches, quoique…
Sur les marchés financiers, ces décisions créent des mouvements presque sans précédent. On le sait, la narration, le récit que les investisseurs se font de l’avenir a une importance capitale. D’autant plus à une époque où les marchés sont interconnectés et où la vitesse de circulation de l’information se compte en nanoseconde. Ainsi, lorsque ce schéma est cassé puis reprend forme soudainement – par exemple après l’annonce du report des mesures douanières à dans trois mois – les variations prennent des ampleurs démesurées. Le mercredi 9 avril a ainsi été la troisième plus forte hausse du S&P 500 sur une seule séance depuis la Seconde Guerre mondiale.
Désormais, Donald Trump et son administration semblent avoir décidé de mettre le curseur sur la Chine, qui a été le seul pays à riposter avec force. Pékin s’est dit ouvert au dialogue avant-hier en posant comme condition que les États-Unis doivent se montrer plus respectueux et nommer un négociateur en chef pour être représentés. Le président américain avait évoqué plus tôt cette semaine la possibilité de taxer l’industrie des semi-conducteurs et celle des minéraux critiques.
Mais on l’a compris, les annonces de la veille peuvent être à l’opposé de celles de demain. L’administration a ciblé tout le monde au départ avant de faire machine arrière et de repousser les mesures à dans trois mois. Elle a ciblé l’automobile, menacé le secteur pharma et les semi-conducteurs. Elle a lancé une enquête sur le niveau de dépendance des Etats-Unis aux importations de minéraux critiques avec la possibilité d’ajouter des droits de douane spécifiques. Elle a abandonné une partie des surtaxes sur les produits électroniques importés de Chine qu’elle avait décidé plus tôt. Tout cela rend difficile la tâche des économistes et des banques centrales d’anticiper les scénarios d’avenir. Y aura-t-il une récession ? Faut-il baisser les taux alors que des barrières douanières peuvent faire ressurgir l’inflation ? Quelles seront les conséquences de tout cela sur les relations internationales et donc sur les échanges mondiaux ? L’avenir est par définition imprévisible. Mais il l’est bien plus par les temps qui courent. Un peu comme les tirs aux fléchettes en somme. Et c’est bien cela que les marchés redoutent.
Pour aller plus loin : Les journalistes à l’épreuve de Donald Trump
Dessin d'Amandine Victor pour Zonebourse
