La reprise post-weekend de Pâques a été un peu douloureuse pour les marchés actions européens, qui ont été embarqués sur la mauvaise pente prise par Wall Street. La cote américaine a succombé à un empilage de signaux adverses, qui ensemble ont tiré le Nasdaq 100 et le Dow Jones en baisse de 1%, pendant que le S&P500 rendait 0,7%. Un seul secteur a véritablement tiré son épingle du jeu : l'énergie, grâce à la remontée du pétrole (je vais en parler un peu après). Quant à la grosse gamelle de la séance, elle était pour le secteur de l'assurance-santé. Les investisseurs espéraient une hausse des taux de remboursement du programme Medicare Advantage, mais Washington les a maintenus inchangés. UnitedHealth, Molina et CVS Health ont perdu 6/7%, pendant qu'Humana coulait de 13%. Le secteur a perdu quelques dizaines de milliards de capitalisation dans la journée. L'autre victime emblématique de la séance, c'est Tesla et sa baisse de 5%. Le constructeur américain est en train de perdre le fil de sa success story, après avoir annoncé une nette baisse de ses livraisons au 1er trimestre 2024. Une baisse qui s'explique en partie par des causes exogènes (désordres en Mer Rouge, coupure électrique à l'usine de Berlin, modernisation de l'outil de production en Californie), mais aussi par la concurrence accrue dans un secteur des véhicules électriques qui subit un retour de manivelle, si je puis dire, de la part des consommateurs. N'oubliez pas aussi que Tesla a lancé une guerre des prix féroce dans la spécialité. En théorie, baisse des prix = hausse des volumes. Si ce n'est pas le cas, ça peut vite partir en vrille, en quenouille, en sucette ou en cacahuète, ou les quatre à la fois pour éviter de citer une autre expression qui rime avec quenouille. 

A ces petites contrariétés du jour, est venu s'ajouter l'inépuisable débat sur la trajectoire de la politique monétaire. Car si les investisseurs n'ont pas renoncé à une première baisse de taux de la Fed en juin (je crois avoir écrit cette phrase 117 fois depuis le 1er janvier), l'incertitude reste extrêmement forte. Le marché obligataire, en faisant remonter hier les rendements des obligations d'Etat américaines sur leurs niveaux de novembre dernier, dit "faudrait voir à pas trop s'emballer". Comme souvent, les contrats à terme tardent à répliquer cette tension puisque les probabilités d'une baisse de taux en juin sont toujours autour de 60%. Eux nous disent "c'est encore ce gros empoté de marché obligataire qui nous fait une petite crise, mais il va finir par se calmer, comme d'habitude". On risque juste d'avoir un souci si le rendement de la dette à 10 ans reste perché au-dessus de 4,3% durablement, comme l'explique régulièrement mon collègue Yves Sanquer, versé dans les arcanes tautesques (NB : ce mot n'existe pas mais il est marrant).

La confusion qui règne sur la trajectoire des taux de la banque centrale américaine est probablement favorisée par la divergence de ton entre les deux plus importants personnages de l'institution, le président Jerome Powell et le gouverneur Christopher Waller. La semaine dernière, l'allocution du premier est apparue assez accommodante (on dit dovish) alors que celle du second était plus ferme. Les divergences d'opinion se multiplient à la Fed en ce moment, pour trois raisons. Je précise tout de suite que c'est Bank of America qui m'a servi ces raisons sur un plateau et pas mon cerveau, ce qui leur donne beaucoup plus de poids. Attention c'est un peu technique. Première raison, il n'y a pas de consensus au sein de la banque centrale sur la question de savoir si la vigueur de l'économie est due à l'offre (désinflationniste) ou à la demande (inflationniste). Seconde raison, il n'y a pas de consensus sur la façon de respecter le double mandat (maximiser l'emploi et stabiliser les prix) : laisser les taux élevés au risque de dégrader le marché du travail ou baisser les taux au risque de faire remonter les prix ? Enfin, il y a un risque de timing, qui est presque un risque tactique : la base de comparaison de l'inflation est favorable jusqu'en mai et se dégrade ensuite. Cela signifie que si la Fed rate le créneau de juin, elle pourrait ne plus avoir les conditions adéquates pour réaliser sa première baisse de taux avant plusieurs mois. BofA est clairement dans le camp de Powell et pas dans celui de Waller sur ce coup. La banque prévoit toujours trois baisses de taux cette année, dont la première en juin. Jerome Powell aura l'occasion de peaufiner le message qu'il veut faire passer lors d'un discours prévu ce soir autour de 18h00 (post-clôture européenne donc).

Il s'est passé pas mal de choses sur le front macroéconomico-géopolitique depuis hier. La tension est montée de deux crans au Proche-Orient après les frappes israéliennes. La première était volontaire, puisqu'elle visait un consulat iranien en Syrie. La seconde a provoqué un tollé dans les chancelleries, puisqu'elle a selon toute probabilité frappé par erreur des véhicules en tuant plusieurs humanitaires. La hausse des cours pétroliers fait partie des effets collatéraux de ce regain de tension, avec un baril de Brent qui flirte avec les 90 USD, au plus haut depuis octobre dernier. Vous noterez que, par ricochet, la hausse du pétrole est une mauvaise nouvelle sur le front de l'inflation, on y revient. L'OPEP+ se réunit aujourd'hui pour trancher sur la confirmation, probable, des réductions de production décidées précédemment. Les marchés financiers gardent aussi un œil sur Taiwan, qui a subi le séisme le plus violent des 25 dernières années. Pas vraiment par intérêt humanitaire, mais plutôt parce que l'île est l'atelier des semiconducteurs du monde, notamment via le géant Taiwan Semiconductor. Par ailleurs, Xi Jinping et Joe Biden se sont entretenus par téléphone hier, leur premier dialogue depuis une rencontre en Californie en novembre dernier. Ils ont manifestement parlé d'IA, de TikTok, de la Russie et du Fentanyl. Chine toujours, avec un indice PMI des services Caixin légèrement supérieur aux atteintes en mars, qui n'a toutefois pas tellement déridé les investisseurs.

Seule l'Inde surnage en Asie Pacifique ce matin. Le Japon perd 0,7%, la Chine continentale 0,3%, Hong Kong 1% et Taiwan 0,6%. Les replis les plus marqués sont pour la Corée du Sud et l'Australie, qui abandonnent 1,3%. Les indicateurs avancés occidentaux font plutôt grise mine.

Le CAC40 gagne 0,1% à 8140 points à l'ouverture. Le SMI prend 0,1% à 11 601 points et le Bel20 perd 0,1% à 3827 points.

Les temps forts économiques du jour

La première estimation de l'inflation européenne de mars (11h00) occupera la matinée, avant aux Etats-Unis la variation de l'emploi ADP (14h15), le PMI des Services (15h45), l'ISM des Services (16h00) et les stocks de pétrole du DOE (16h30). Tout l'agenda ici.

L'euro se négocie 1,0776 USD. L'once d'or monte à 2284 USD. Le pétrole est ferme, avec un Brent de Mer du Nord à 88,96 USD le baril et un brut léger américain WTI à 84,75 USD. Le rendement de la dette américaine sur 10 ans remonte à 4,36%. Le bitcoin se négocie 66 250 USD.

Les principaux changements de recommandations

  • Air France-KLM : JP Morgan maintient sa recommandation de souspondérer avec un objectif de cours réduit de 9,20 à 9 EUR.
  • Amundi : Citigroup maintient sa recommandation d'achat avec un objectif de cours relevé de 71 à 74 EUR.
  • Axfood Ab : Carnegie Group passe d'acheter à conserver avec un objectif de cours de 310 SEK.
  • Compagnie Financière Richemont : Citigroup maintient sa recommandation d'achat avec un objectif de cours relevé de 141 CHF à 159,50 CHF.
  • FinecoBank : JP Morgan passe de neutre à surpondérer avec un objectif de cours relevé de 13.50 à 16.30 EUR.
  • Hemnet Group : BNP Paribas Exane démarre le suivi à la surperformance avec un objectif de cours de 440 SEK.
  • Inditex : Oddo BHF maintient sa recommandation de surperformance avec un objectif de cours relevé de 44 à 53 EUR.
  • Infineon Technologies : Morgan Stanley passe de pondération de marché à surpondérer avec un objectif de cours relevé de 35 à 40 EUR.
  • Interparfums : Stifel démarre le suivi à l'achat avec un objectif de cours de 62 EUR.
  • Intrum Ab : ABG Sundal Collier passe de conserver à vendre avec un objectif de cours réduit de 68 SEK à 20 SEK.
  • Iren Spa : Mediobanca passe de surperformance à neutre avec un objectif de cours réduit de 3 EUR à 2,70 EUR.
  • Laboratorios Farmaceuticos Rovi : Oddo BHF passe de surperformance à neutre avec un objectif de cours relevé de 76 EUR à 83 EUR.
  • Lonza Group Ag : Morgan Stanley maintient sa recommandation de surpondérer et relève l'objectif de cours de 450 à 600 CHF.
  • Montea : Barclays maintient sa recommandation de pondération de marché avec un objectif de cours relevé de 76 à 90 EUR.
  • SAP SE : Barclays maintient sa recommandation de surpondérer avec un objectif de cours relevé de 175 à 200 EUR.
  • Scandic Hotels Group : Morgan Stanley passe de pondération de marché à souspondérer avec un objectif de cours réduit de 50 SEK à 48 SEK.
  • Segro : Barclays passe de souspondérer à surpondérer avec un objectif de cours relevé de 775 à 1000 GBX.
  • Soitec : Morgan Stanley passe de surpondérer à pondération de marché avec un objectif de cours réduit de 173 EUR à 102 EUR.
  • Veolia Environnement : Citigroup maintient sa recommandation neutre avec un objectif de cours relevé de 27,90 à 29,90 EUR. Morgan Stanley maintient son avis de surpondérer et relève l'objectif de cours de 34 à 35 EUR.
  • Verbund : Stifel passe de conserver à vendre avec un objectif de cours réduit de 88 à 55 EUR.
  • Warehouses De Pauw : Barclays passe de souspondérer à surpondérer avec un objectif de cours relevé de 25 EUR à 29,50 EUR.

En France

Résultats des entreprises (les commentaires sont donnés à chaud et ne préjugent pas de l'évolution des titres)

  • Argan publie une hausse de 6% de ses revenus locatifs au T1.
  • Boiron affiche une nette baisse de ses résultats en 2023.
  • Delta Plus améliore ses résultats en 2023 et porte son dividende à 1,25 EUR.
  • Herige subit une forte contraction de ses résultats 2023 mais relève son dividende.

Annonces importantes (et moins importantes)

  • Thales finalise l'acquisition de Cobham Aerospace.
  • CMA CGM rejoint Renault et Volvo Group comme membre fondateur de Flexis, coentreprise de fourgons électriques.
  • Kering nomme Mélanie Flouquet (directrice de la stratégie) et Armelle Poulou (directrice financière) membres de son comité exécutif.
  • TotalEnergies et Sinopec s'associent dans les carburants aériens durables.
  • Eurofins acquiert le spécialiste des analyses de dialyse rénale Ascend Clinica.
  • Virbac finalise le rachat de Sasaeah, un acteur majeur de la santé animale au Japon.
  • Atos SE coopte Alain Crozier en tant qu'administrateur jusqu'à la prochaine assemblée.
  • GTT obtient deux approbations de principe pour les opérations de transfert de cargaison entre éthaniers de grande capacité.
  • Nexity finalise la cession de sa branche ADB (syndic, gestion…) à Bridgepoint pour 440 M€ de VE et 400 M€ de produit de cession.
  • Tikehau Capital Advisors passe de 53 à 55,79% de Tikehau Capital.
  • Nanobiotix achève le segment d'escalade de dose de l'étude de phase I ciblant le cancer du poumon non à petites cellules.
  • Les conditions suspensives relatives à l'acquisition de Groupe Parot par NDK ont été levées.
  • Kalray lance une carte d'accélération ciblant les marchés des applications de vision intelligente et d'indexation de données.
  • Seven commande à Hydrogen Refueling Solutions une première station HRS40.
  • La FDA accorde la désignation "fast track" à NOX-A12 de TME Pharma dans le cancer du cerveau.
  • Mauna Kea annonce l'ouverture d'un premier centre en Italie pour l'utilisation du Cellvizio dans l'identification et le traitement des intolérances alimentaires chez l'adulte.
  • Valbiotis commercialisera en mai sur le marché français son complément alimentaire pour la prise en charge de l’hypercholestérolémie.
  • Le petit coin de la dilution : Cybergun lève 0,2 M€ dans le cadre de son programme d'equitization.
  • Les principales publications du jour : Synergie, Bilendi, Crossject, Lacroix, Delfingen, Aelis, Solutions 30

Dans le vaste monde

Annonces importantes (et moins importantes)                                                                                                                                                                                

En Europe

  • Siemens dément les rumeurs sur une offre potentielle pour Renishaw.
  • Clariant a finalisé l'acquisition du fabricant canadien d'ingrédients et de cosmétiques Lucas Meyer Cosmetics auprès d'International Flavors & Fragrances pour 810 M$.
  • Sika achète le fabricant de systèmes polymères Kwik Bond Polymers.
  • Genmab s'offre Profoundbio pour 1,8 Md$.
  • Le détaillant allemand de produits de luxe en ligne Mytheresa pourrait faire une offre sur YNAP (Compagnie Financière Richemont), selon Bloomberg.
  • Le conseil d'administration de ThyssenKrupp Steel se réunira la semaine prochaine, alors qu'un remaniement majeur se dessine, selon certaines sources.
  • Meyer Burger lève 207 MCHF lors d'une augmentation de capital.
  • Skanska remporte un contrat de 1,4 Md$ pour remplacer un pont aux États-Unis.
  • Swiss Re nomme Andreas Berger au poste de CEO à partir de juillet.
  • Renewi ouvre un site de tri de plastiques durs aux Pays-Bas.

Aux Etats-Unis

  • General Electric a achevé sa scission en trois sociétés. La santé était déjà cotée. Elle est rejointe par GE Aerospace (qui conserve le ticker GE) et GE Vernova (énergie, ticker GEV).
  • Intel s'attend à une nouvelle dégradation de la rentabilité de son activité de fabrication de puces électroniques (fonderie) cette année.
  • Walt Disney bénéficie du soutien suffisant de ses actionnaires pour écarter l'investisseur activiste Trian de Nelson Peltz.
  • Silver Lake va sortir Endeavor Group de la cote pour 27,50 USD par action.
  • Le syndicat des métallurgistes américains d'United States Steel rejette les engagements de Nippon Steel en les qualifiant de "paquet de promesses vides".
  • Le Washington Post affirme qu'un rapport fédéral à charge vise les manquements de Microsoft lors d'un piratage ciblé de la Chine sur des courriels de hauts fonctionnaires du gouvernement américain en 2023.
  • Les ventes du T1 de General Motors aux Etats-Unis reculent mais dépassent celles de Toyota.
  • Honeywell envisagerait de vendre son unité d'équipements de protection COVID, valorisée 2 Mds$, selon Bloomberg.

En Asie Pacifique

  • Xiaomi commence à livrer la première des 100 000 voitures électriques commandées.
  • China Vanke prévoit d'intenter une action en justice contre Yantai Bairun Real Estate, qui a accusé le géant de l'immobilier de frauder le fisc.

Les principales publications du jour : Kweichow Moutai, Levi Strauss, Montana AerospaceTout l’agenda ici.

Lectures